L’ancien attaquant d’Angers, Brest, Reims, Auxerre, Saint-Etienne ou encore Bastia, a rejoint l’été dernier le club vendéen de Pouzauges Bocage en Régional 1 après l’annonce de sa fin de carrière professionnelle. Il y a retrouvé son grand frère, Valentin, entraîneur de l’équipe fanion, et le monde amateur par la même occasion. Un chapitre qui se ferme et un autre qui s’ouvre !
Par Joël Penet – Photos : Philippe Le Brech et Pouzauges Bocage FC / Illan Visuals
C’est du côté du Tours FC, un des clubs historiques de l’Hexagone, qu’on entend pour la première fois le nom de Gaëtan Charbonnier, entre 2001 et 2007. Le potentiel est là. Il est décelé par le SO Châtellerault. Le club, qui évolue en CFA, a le nez creux : Charbonnier fait trembler les filets à 11 reprises lors son arrivée. Des stats’ qui tapent dans l’œil du Paris Saint-Germain même si le rêve en professionnel ne se réalise pas au Parc des Princes : « J’ai eu l’opportunité d’intégrer un effectif de Ligue 2 plutôt que d’enchaîner une troisième saison en CFA avec un challenge sportif intéressant ».
L’attaquant originaire de Saint-Mandé (Val-de-Marne) plante pourtant 13 pions en 27 matchs avec la réserve francilienne mais c’est bien dans les Pays de la Loire qu’il se révèle définitivement. Angers SCO lui tend la main en 2009 et après six mois de rodage, le costume de titulaire lui colle à la peau. Jusqu’en 2012, l’attaquant fait se lever les foules du stade Jean-Bouin une trentaine de fois avant de s’essayer à Montpellier puis au Stade de Reims où il goûte à la Ligue 1 l’année suivante ! Mais c’est au Stade Francis Le Blé, sur la rade de Brest, qu’il connaît son apogée : 27 unités inscrites en 2018/2019, faisant de lui le meilleur buteur de Ligue 2. Une distinction aux trophées UNFP avec en prime le retour dans l’élite pour les Ty-Zefs viennent alors agrémenter sa fin d’exercice : « Une saison en apothéose, un groupe exceptionnel, une ambiance incroyable… sans tout ça, il n’y aurait jamais eu cette réussite individuelle ! »
138 buts en 477 matchs
Des hauts, il y en a eu mais des bas aussi ! Bien loin de ses premiers pas insouciants à l’US Torcy en région parisienne, « Charbo’ » continue de planter, à Auxerre puis dans le Chaudron de Geoffroy-Guichard avec Saint-Etienne même s’il connaît des blessures. Alors qu’il avait été plutôt épargné jusqu’ici, une rupture antérieure du ligament droit précipite sa fin de saison dans le Forez : « J’ai été stoppé dans mon élan alors que j’étais parti sur de très bonnes bases avec un groupe qui avait envie de se sortir de cette mauvaise passe ».
Malgré 6 buts en 27 matchs, ce coup d’arrêt ne l’empêche pas de vivre une dernière expérience à Bastia, en Corse, un lieu où il raccroche finalement les crampons, laissant derrière lui les strass et les paillettes d’un parcours entamé en 2007. Au total, Gaëtan Charbonnier c’est 138 buts en 477 matchs : un bagage confortable pour appréhender au mieux son « retour » en amateur aux côtés de son frère Valentin sur les terrains de Régional 1 à Pouzauges. Entretien.
« Je ne suis pas arrivé avec mes grands sabots »
Gaëtan, c’est donc à Bastia que tu as clôturé ta riche carrière de footballeur professionnel…
Je m’attendais à autre chose… Tout d’abord, au bout de dix jours, le coach qui m’a fait venir (Régis Brouard) est évincé. C’est quand même compliqué même si l’adaptation footballistique se passait plutôt bien. Par contre, j’étais seul là-bas, sans ma femme et mes filles et j’ai très longtemps galéré pour trouver un logement… pour au final ne pas trouver ! Du coup, Airbnb pendant six mois, la famille pendant les vacances scolaires… J’ai donc pris la décision d’arrêter car je ne me voyais pas continuer comme ça. C’est quelque chose qu’on a gardé entre nous, ma femme et moi, jusqu’au maintien acquis par le club car c’était la chose la plus importante. A partir de là, une fois le maintien obtenu, il restait 15 jours de compet’ et j’ai pris rendez-vous avec mon président : je n’ai rien demandé au club parce que la proposition qui m’avait été faite à la base était très respectueuse. J’ai expliqué ma situation, il me restait un an de contrat, on s’est serré la main et j’ai pris le temps de réfléchir ensuite.
Comment se passe ta réflexion ?
Je me suis laissé 15 jours, tranquille, le temps de me poser pour voir aussi si le monde pro me manquait. Auparavant, j’avais déjà eu des contacts avec Pouzauges et j’ai recontacté le président quand je me suis senti prêt. J’avais demandé à mes agents de ne pas entamer de nouvelles démarches car je ne savais pas si j’allais trouver un projet sportif et humain qui allait me plaire dans le monde professionnel. Bien entendu, je savais que ça allait s’arrêter un jour mais c’est moi qui ait pris la décision donc je n’ai aucun regret. Après 17 ans à ce niveau, c’était important de revenir vers des choses « vraies », comme profiter de mes filles, de ma femme, de mes proches.
Valentin, ton frère, est coach de l’équipe fanion de Pouzauges Bocage FC en R1. On imagine que le rejoindre était une évidence à ce moment-là ?
Sur l’aspect professionnel, on parle le même football. Il a aussi été joueur (à Châtellerault, à Chartres, au TVEC Les Sables) et puis il s’est mis à entraîner. J’avais envie de l’aider et je souhaitais aussi continuer de jouer. Cette option s’est présentée et tout était aligné pour que ça se passe.
Il y a environ 6000 habitants à Pouzauges. Comment apprivoises-tu ce nouvel environnement ?
Mon frère vit ici depuis bientôt dix ans, j’habite à dix minutes de chez lui en plus de ça. On fait la route ensemble. « Val » l’a fait pendant très longtemps seul donc le faire à deux, ça lui fait du bien (sourires) ! Tout se passe très bien depuis, je me plais, j’aime le foot et la relation que j’ai avec le milieu amateur aujourd’hui… c’est une sorte de transition légère !
« Je suis agréablement surpris »
Quel regard poses-tu sur le football amateur justement ?
Je suis agréablement surpris par ce qui est mis en place par les joueurs, dans le travail, dans le sérieux, dans la qualité technique des séances. Je savais très bien que mon frère allait créer un groupe qui lui ressemble, avec la vision qu’il avait envie d’amener. On sent qu’il y a de la qualité et je prends beaucoup de plaisir !
Est-ce que tu as connu un club en professionnel avec la même ambiance, ce côté chaleureux, convivial ?
Oui, je dirais à Angers lors mes débuts, une ambiance que j’ai pu retrouver à Brest. On vivait bien tous ensemble. Dans d’autres clubs, il y a des affinités qui se créent plus facilement avec certains mais globalement, partout où je suis passé, il y avait des groupes intéressants. Après, c’est vrai que je me suis senti vraiment bien au SCO Angers et à Brest.
« Je suis quelqu’un de normal, simple »
Quel a été ta première impression dans le vestiaire vendéen ?
Je ne suis pas quelqu’un qui va arriver avec mes grands sabots. Je pars du principe que j’arrive dans un groupe où des gars sont là depuis longtemps et j’ai plus à apprendre d’eux dans la vie de groupe que l’inverse. J’ai cette envie de m’intégrer du mieux possible car c’est d’abord un sport collectif et c’est aussi ce que je ressens dans le discours de mon frère. Je me suis très bien adapté et acclimaté au groupe. Je suis quelqu’un de normal, simple, je chambre, je me fais chambrer (sourires) ! Sur le terrain, j’en loupe aussi comme les autres. L’important, c’est de persévérer, d’être meilleur à chaque match et on est dans une très bonne spirale au niveau du club (Pouzauges Bocage FC est 2e de son championnat en Régional 1 avec 7 victoires, 1 nul et 2 défaites et 22 points, à 3 longueurs de la réserve du Mans, leader).
Est-ce simple de s’acclimater dans un groupe où la priorité n’est pas forcément le foot ?
J’échange comme je peux avec mes coéquipiers. Je suis ouvert à tout même si je ne pourrais peut-être pas répondre à toutes les interrogations. On essaye de trouver des solutions ensemble afin que les petits besoins de chacun soient comblés. On a un groupe qui est très exigeant avec lui-même et je suis admiratif de sa progression !
Après 138 buts en 477 matchs en pro, qu’est-ce que tu peux amener à ce groupe ?
Je n’ai pas envie d’avoir l’étiquette du joueur sur qui on peut tout miser. Je suis juste moi-même, j’essaye de faire jouer les autres, de faire marquer, de marquer aussi ! C’est ce qui m’a animé toute ma carrière. Être dans une équipe qui joue bien, avec des situations pour marquer offensivement.
« L’important, c’est que le collectif marche »
Néanmoins, est-ce que tu t’es fixé des objectifs comptables cette saison ?
Non pas du tout ! Même en pro, je ne m’en fixais pas ! L’important c’est que le collectif marche. En pro, des fois en début de saison, je ne marquais pas mais je savais que dans le jeu j’étais influant. Quand ça doit venir, ça viendra tout seul. Je n’ai pas à forcer les choses, je ne suis pas du tout dans cette mentalité-là.
Tu as un profil un peu atypique, non ?
Je suis grand et tout le monde s’attend à ce que je reste devant à dévier les ballons. Pourtant, j’ai été pendant longtemps le plus petit de ma génération. J’étais très mobile, me déplaçant dans l’espace pour être « joignable ». Je ne suis pas le genre de joueur qui court longtemps et très vite.
Comment caractériserais-tu les ambitions sportives du groupe ?
Mon frère entame sa deuxième saison sur le banc et je dirais que c’est plutôt un club qui se reconstruit après le départ de l’ancien entraîneur (Cédric Fuzeau) qui est resté dix ans à la tête du groupe. On est des compétiteurs mais il y a aussi la réalité du championnat avec des écuries comme la réserve du Mans, du Poiré, d’autres clubs qui ont évolué en N3 aussi. C’est très homogène et c’est surtout très difficile de déterminer qui terminera premier. Sachant qu’en plus, il y a un barrage d’accession à disputer pour valider la montée. Pour l’instant, on est dans les clous, on est là où on veut être.
Tu as connu plusieurs montées en Ligue 1, tu sais les émotions que ça procure. On imagine que tu as envie de revivre cela ?
Une saison, c’est long ! On a eu un passage ou on a été un peu dans le dur mais on essaye de mettre en place une idée de jeu, de travailler avec un objectif. Le principal, c’est d’abord avoir un contenu positif si on veut gagner des matchs. Tout le monde commence à bien se connaitre, ça joue aussi ! Des fois, ça prend très vite, d’autres fois ça peut prendre plus de temps.
« Faire grandir les jeunes du pays de Bocage »
Comment le club se conditionne-t-il pour performer ?
Il y a des bases intéressantes avec 550 licenciés foot féminin et masculin confondus. C’est un groupement de plusieurs villages alentours et le club de Pouzauges veut faire grandir les jeunes du pays de Bocage. Il y a une belle mixité entre les locaux et ceux qui viennent d’un peu plus loin. Il y a des bases avec tout ce qui a pu être mis en place depuis une dizaine d’années. Après on sait que le football amateur a besoin de subventions et doit aussi pouvoir s’appuyer sur les collectivités.
Tu essayes donc d’avoir un rôle majeur au sein du club et notamment auprès des jeunes…
Au-delà de mon rôle de joueur, sur l’aspect sportif, une fois par mois, j’anime un spécifique attaquant pour les catégories U15 à U19. Quand je peux aller voir des matchs de jeunes, j’échange avec les éducateurs, j’observe aussi. J’essaye d’avoir un œil sur tout l’aspect organisation car il y a beaucoup de choses qu’on ne voit pas sur les séances : les infrastructures, la gestion du matériel…
« Même en Régional 1, on a des exigences »
Justement, est-ce un moyen de préparer ta reconversion ?
Je vais déjà jouer jusqu’en fin de saison, très probablement la prochaine aussi. On va mettre des choses en place suivant les demandes du président. Je m’occupe aussi de la communication au club. On a refait la charte graphique, c’est une base de travail sur laquelle on peut s’appuyer. Elle donne une ligne directrice et c’est important si on veut attirer du monde car même en R1, on a des exigences. On essaye d’illustrer au mieux notre quotidien, par les résultats, par le travail chez les jeunes. Par exemple, nous avons mis en avant la montée en R1 des U19, une première historique ! C’est pourquoi on a imaginé une collaboration avec l’équipementier NOLT afin de pouvoir leur offrir les maillots.
Tu es aussi titulaire d’un BEP hôtellerie-restauration. Est-ce toujours un domaine qui t’attire ?
Après le collège, j’ai toujours eu l’envie et l’ambition d’être footballeur pro. Mes parents m’avaient donné pour objectif d’avoir un diplôme. Ensuite, j’ai eu la même période pour trouver un club professionnel. C’était soit l’un, soit l’autre, mais aujourd’hui je me vois dans le football, c’est ce que j’ai toujours connu !
Gaëtan Charbonnier du tac au tac
Meilleur souvenir sportif ?
Les montées en Ligue 1 avec Brest et Auxerre.
Pire souvenir sportif ?
La descente avec Reims.
Plus beau but marqué ?
Lors de la rencontre Toulouse – Brest avec une victoire 5-2 !
Un but tout fait que tu as loupé ?
Avec Reims contre Sochaux !
Pourquoi as-tu choisi d’être footballeur ?
C’était mon rêve.
Ton but le plus important ?
Y’en a plusieurs, mais le doublé à Le blé qui valide la montée de Brest en L1 !
Ton geste technique préféré ?
Le petit pont.
Combien de cartons rouges dans ta carrière ?
Cinq, six je dirais…
Qualités et défauts sur un terrain, selon toi ?
Altruiste (trop pour certains), vision du jeu… Impulsif et râleur pour les défauts je dirais !
Le club ou l’équipe (ou la saison) où tu as pris le plus de plaisir sur le terrain ?
Brest sans hésitation.
Le club où tu aurais rêvé de jouer, dans tes rêves les plus fous ?
Barcelone.
Un stade et un club mythique pour toi ?
Barcelone.
Un public qui t’a marqué ?
Brest.
Un coéquipier marquant (si tu devais n’en citer qu’un), mais tu as droit à deux ou trois…
Quentin Bernard, pour son leadership et sa capacité à rassembler. Aïssa Mandi et Gauthier Larsonneur pour leur professionnalisme !
Le coéquipier avec lequel tu avais ou tu as le meilleur feeling, avec lequel tu t’entendais le mieux sur le terrain (idem, tu as droit à 2 ou 3) ?
Mathias Autret dès la première séance, incroyable ! Après, avec le temps, sur une saison, Claudiu Keseru et Gauthier Hein !
Le joueur adverse qui t’a le plus impressionné ?
Thiago Silva, Verratti, Edin Dzeko.
L’équipe qui t’a le plus impressionné (impuissance, souvenir d’un match) ?
Paris SG, Arsenal là bas en Ligue des Champions.
Un coéquipier et un coach perdus de vue que tu aimerais revoir ?
Aucun, je suis plus ou moins en contact fréquent avec tous ceux qu’avec qui j’avais créé du lien.
Un président ou un dirigeant marquant ?
Louis Nicollin.
Une consigne de coach que tu n’as jamais comprise ?
Anime Off, ça part d’une touche, le ballon circule de droite à gauche, un des défenseurs casse les lignes pour toucher un attaquant et là : « à partir de là, on voit ce que ça donne »; en gros, démerdez vous !
Le joueur le plus connu de ton répertoire ?
Aïssa Mandi.
Le stade qui t’a procuré le plus d’émotion (en dehors des clubs où tu as joués) ?
Le stade de Schalke 04 à Gelsenkirchen !
Des rituels, des tocs, des manies ?
J’ai toujours pleins de paires de chaussettes le jour de match pour pouvoir choisir ! Et je ne m’échauffe jamais avec la paire avec laquelle je joue.
Une devise, un dicton ?
Marquer un but de plus que l’adversaire.
Tes passions dans la vie ?
Ma famille, mes ami(es), la Play.
Termine la phrase en un adjectif ou deux : tu étais un joueur plutôt …
Altruiste.
Un modèle de joueur ?
Denis Bergkamp, Dimitar Berbatov, Edin Dzeko, Mickael Pagis.
Une idole de jeunesse ?
Zidane.
Le match de légende, c’est lequel pour toi ?
France-Brésil en 1998.
Le Pouzauges Bocage FC, c’est un club plutôt… ?
Familial.
Ci-dessous : avec Brest et Reims (Photos Philippe Le Brech).
Texte : Joël PENET
Photos : Philippe Le Brech et Pouzauges Bocage FC
-
Contactez-nous (mail) : contact@13heuresfoot.fr
-
Suivez-nous sur nos réseaux sociaux (Facebook, Twitter et Instagram) : @13heuresfoot