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Farid Fouzari : « J’ai beaucoup payé pour apprendre ! »

L’entraîneur de Canet-en-Roussillon (National 2) regarde dans le rétroviseur et revient sur son parcours de joueur et d’entraîneur, avec, très souvent, les noms de Charleville et surtout Sedan dans la bouche. Pour un Ardennais, rien de surprenant !

Farid Fouzari s’est présenté devant la caméra – l’entretien a été réalisé en visio ! – avec son CV à la main, histoire de ne rien oublier de son parcours et de ses très nombreuses expériences, de joueur tout d’abord, à Sedan et à Charleville, où il a connu la Division 2 au début des années 90, et d’entraîneur bien entendu.

D’ailleurs, à la fin de l’entretien, il n’a pas manqué de nous rappeler qu’il avait un match à préparer pour demain, avec son club de National 2, Canet-en-Roussillon (Canet RFC), à domicile, face à Fréjus/Saint-Raphaël.

Il aurait surtout pu venir avec son bouquin sous le bras ! Pas celui de ses mémoires, après tout, il est un jeune coach de 55 ans, et il a sans doute encore de belles aventures à écrire, comme celle avec Canet, au printemps 2021, lorsque le club des Pyrénées-Orientales a « sorti » l’OM en Coupe de France avant de chuter en 1/4 de finale face à Montpellier. Pas celui de ses mémoires, mais celui de ses … anecdotes ! Tant il en a vécues !

Le bouc rasé – « Je l’avais laissé pousser pendant la coupe de France l’an dernier mais après Montpellier, je l’ai enlevé, et parfois, je le laisse repousser ! » –, détendu, posé, Farid le Carolomacérien (c’est le nom des habitants de Charleville-Mézieres, sa ville natale, dans les Ardennes), a répondu parfois du tac au tac, parfois avec beaucoup plus de détails, aux nombreuses questions de 13heuresfoot, et a retracé son parcours. Du moins une partie, sinon, il aurait fallu … un bouquin supplémentaire !

Son parcours d’entraîneur adjoint (1998-2012)

« De 1998 à 2001, je suis resté trois saisons avec Patrick Remy, on a même joué l’intertoto. Ensuite j’ai travaillé un an et demi à la formation avant d’être rappelé en mars 2003 avec Dominique Bathenay, puis avec Serge Romano de 2004 à 2006. J’ai connu un an de chômage avant de partir au Paris FC en National en 2007-2008 avec Jean-Guy Wallemme, puis avec Jean-Marc Pilorget l’année suivante jusqu’en octobre 2009. Tout le monde a été surpris que je parte à paris mais je me suis très vite adapté ! Le pauvre « paysan », entre guillemets, qui arrive ! J’ai une faculté à m’adapter. Et puis je garde un excellent souvenir des personnes avec qui j’ai travaillé, j’ai vu l’évolution du club, je suis vraiment content pour eux. En novembre 2009, je retourne à Sedan comme adjoint de Landry Chauvin, avec qui j’ai beaucoup appris également, jusqu’en 2011, et avec Laurent Guyot la saison d’après.
En novembre 2012, je n’avais plus de club, mon contrat venait de s’arrêter à Sedan, j’ai refusé des propositions de CFA et finalement je remplace Laurent Hatton à Quevilly en National. Si c’était difficile à Quevilly ? Non, ce n’était pas difficile, c’était très très très difficile, à tous les niveaux du club. Je n’avais jamais connu ça. Des clans, des jalousies, des personnes qui veulent ta place… Pour ma première expérience de coach seul, j’ai beaucoup payé pour apprendre, ça m’a servi pour la suite. Là-bas, j’ai écrit un bouquin comme ça (il montre avec les doigts).

Retour à Sedan en 2013, en CFA2

Je suis rentré dans les Ardennes, retour aux sources, en famille. Y’a eu la reprise par les frères Gilles et Marc Dubois de Sedan en CFA2, après la rétrogradation de Ligue 2. Cela a été une aventure exceptionnelle et unique. Il restait l’entraîneur chargé de la préparation physique, Teddy Pellerin, avec qui j’avais déjà bossé, et l’entraîneur des gardiens, Régis Roch. Il restait aussi quelques joueurs de 18 ans de la Gambardella. On est monté grâce à notre place de meilleur 2e derrière Croix. Et on a enchaîné la saison suivante avec une montée de CFA en National, avec un record de victoires je crois, 23 victoires. Et puis là, Olivier Miannay, le directeur sportif arrivé la saison précédente, ne se met pas d’accord avec ses dirigeants et s’en va, et là, je vois des « satellites » arriver, tourner autour du club, c’est comme ça que je les appelle. Directeur sportif, c’est un vrai métier. Il a fallu gérer ce domaine mais ce n’est pas mon métier, même si j’ai un peu plus d’expérience maintenant. Je suis limogé en novembre 2015. Il y a eu une histoire avec Pascal Feindouno, que le club a voulu recruter, or moi je m’y suis opposé. Cela a été le début de la fin.

Le football aujourd’hui

Ce sont les comportements qui sont difficiles aujourd’hui, c ‘est de plus en plus dur de fédérer autour d’un projet d’équipe, on ne parle même plus de projet club. La mission d’un coach, c’est un projet d’équipe. J’ai vu des joueurs, qui me disaient, je suis gaucher, je veux jouer à droite… Non, non, tu vas jouer à gauche. Il va vite, il a un pied gauche. OK. Tu lui expliques une fois, deux fois, tu le mets sur le banc, il rumine, tu le mets dans les tribunes, il va voir les dirigeants. ça devient frappant. Dès fois j’ai l’impression de parler chinois. Je parle comme un vieux con, je leur dis la porte est ouverte, mais les joueurs, ils ne viennent plus ! Bon, après, c’est le métier. Fédérer, c’est compliqué. Et les jeunes qui arrivent, alors là… L’idéal, on peut dire ce que l’on veut, ce sont les jeunes qui sortent d’un centre de formation, ça bosse, ça écoute.

Canet-en-Roussilon (depuis 2020, en N2)

 « C’est ma 3e saison. La première saison, il y a eu la Covid-19. Heureusement qu’il y a eu la coupe. Cela a été extraordinaire, avec un 1/4 de finale, on avait les crocs ! On s’était arrêté en octobre puis on a repris en janvier quand on a su que la coupe de Franc allait reprendre. Cela nous a permis de nous entraîner d’abord, et puis on a passé des tours… L’année suivante, on a fait une préparation de huit semaines, car certains n’avaient pas joué depuis des mois. On a recruté une dizaine de joueurs. On a fait un super début de championnat, on a pris beaucoup de points et heureusement car on a eu notre histoire de Covid derrière… On a perdu 11 points sur tapis vert. Une erreur a été faite, ça a nui au club. Je ne veux pas en parler, des noms sont montés. Bien sûr, on était en haut de tableau, mais on n’est pas structuré pour monter. On y a pensé au début, avec notre bon départ, c’est tout, mais après, on s’est retrouvé à jouer le maintien à cause des points de pénalité, et là, l’approche n’est plus la même. Il restait six matchs. Ce n’était plus la même musique. »

Sedan ou Charleville ?

Sedan c’est mon club de coeur ! J’ai passé plus de 20 ans dans ce club, j’ai eu la chance d’être entraîneur, entraîneur adjoint, joueur, éducateur, j’y ai vécu plus de belles choses que de mauvaises, même si cela n’a pas été non plus facile en 1986, quand le club est descendu de D2 en D3, c’était une période un peu noire, compliquée. Et j’ai vécu la restructuration dans les années 80, la construction du centre d’entraînement à Bazeilles, avec les terrains d’entraînement, le président de l’époque, Urano, a fait un travail exceptionnel. Sportivement, pendant les travaux du centre, ça a été un peu l’aventure car on n’avait pas de vestiaires, on a dû aller dans des communes voisines, j’ai aussi vécu la construction du stade Louis-Dugauguez.

On aurait puis lui parler aussi de l’AS Prix-les-Mézières, club de CFA2 qu’il a emmené en 16e de finale de la coupe de France en 2017, ou encore de son bref retour à l’Olympique Charleville Neufmanil Aiglemont en Régional 1 encours de saison  2018-19, et aussi de ses aventures rocambolesques au FC Martigues, en N2 (2017-18), quand le mannequin Baptiste Giabiconi était aux commandes… On a préféré embrayer sur un bon vieux questionnaire « tac au tac » des familles !

Farid Fouzari, le joueur

Ton meilleur souvenir sportif ?
Un 8e de finale de coupe de France avec Charleville-Mézières. On avait dû jouer à Lens au lieu de jouer chez nous, c’était magnifique.

Pire souvenir sportif ?
Une grave blessure l’entraînement, avec Sedan, j’ai eu fracture du crâne, du péroné, des deux malléoles et beaucoup de difficultés à revenir et un an après, je suis passé adjoint de Sedan avec Patrick Remy. C’est le destin.

Un coéquipier ?
Fabrice Jacquier à Sedan, on est encore ami, on faisait partie de la charnière centrale à Sedan en D3 et on est monté en D2 aussi, j’ai joué une saison à Sedan en D2 avant de partir 4 ans en D2 à Charleville. Y’en d’autres aussi, mais quand je rentre dans mes Ardennes, avec Fabrice, on est obligé de se voir !

Le coach qui t’a marqué ?
Y’en a plusieurs, Pierre Tordo, Bruno Metsu, Moussa Bezaz, Michel Leflochmoan, ce sont des bons entraîneurs et ce sont des hommes surtout !

Des amis joueurs de l’époque ?
Je suis toujours en contact avec quelques anciens, Cédric Elzéard, Cédric Mionnet, Olivier Quint, Frédéric Barbin, on reste en contact, j’en oublie plein !

Une anecdote de vestiaire ?
Avec Sedan, on était revenu à 4h du matin de je ne sais plus où et en arrivant sur le parking, là le coach, Brunoi Metsu nous dit de ne pas rentrer chez nous, car … il y a entraînement !

Un adversaire ?
Plutôt un derby alors, les derbys Sedan – Charleville, des matchs âpres à jouer, à l’époque, c’était les années 90, y’avait beaucoup d’engagement. J’ai fait les deux clubs en plus, alors…

Un stade ?
Le stade Emile-Albeau de Sedan, maintenant, il n’existe plus, car le stade Louis-Dugauguez a été construit à sa place. Je suis un peu nostalgique, oui, c’était un vieux stade, les gens étaient debout, sur les gradins, en pourtour, on a y a vécu une montée en Division 1 et une demi-finale contre Le Mans extraordinaire en Coupe de France (4-3 après prolongations en 1999 puis défaite en finale 1 à 0 contre Nantes au Stade de France). On a des souvenirs extraordinaires dans ce stade.

Un match référence ?
Non, j’étais assez régulier, j’avais une certaine moyenne, des fois je descendais en dessous (rires !).

Le club où tu as failli signer ? Au Mans ! J’étais allé faire un essai là-bas, c’était la seule fois que je partais des Ardennes, y’a avait énormément de monde, j’avais été surpris. Ils étaient en D2.

Farid Fouzari, l’entraîneur

Meilleur souvenir de coach ?
La première année avec Sedan, comme adjoint de Patrick Remy, on a eu la réussite de monter en Division et de faire la finale de la coupe de France.

Pire souvenir ?
La descente en Ligue 2 avec Sedan, en 2007, j’étais à la formation, Dominique Bathenay avait repris l’équipe, le club m’avait rappelé pour être adjoint.

Meilleur joueur sous tes ordres ?
Plusieurs joueurs m’ont surpris en élevant leur niveau de jeu, je pense à ceux de Sedan à la fin des années 90, qui ont joué en National puis en Ligue 2 et en Ligue 1, les Cédric Mionnet, Madjid Adjaoud, Cédric Elzéard, Pierre Deblock, etc. Je jouais avec eux l’année d’avant mon premier poste d’adjoint. Bruno Metsu était parti à Valence et le président Pascal Urano m’a proposé de travailler avec Patrick Remy. Je sortais d’une année compliquée, je n’étais plus compétitif. Je n’ai pas retrouvé mon joueur, donc j’ai accepté de suite le poste.

Un rituel de coach ?
Oui, j’aime bien faire mes causeries le matin du match.

Un coach avec qui tu pourrais partir en vacances ?
Avec Patrick (Remy), je suis resté en relation avec lui, on s’est vu y’a un mois et demi, c’est celui celui qui m’a fait démarrer.

Un coach avec qui tu ne partirais pas en vacances ?
Je n’en ai pas, j’ai été adjoint de beaucoup d’entraîneurs au début de ma carrière, Dominique Bathenay, Serge Romano, Landry Chauvin, Jean-Guy Walemme, Jean-Marc Pilorget, Laurent Guyot, même si avec Guyot, je n’étais pas vraiment son adjoint. C’était particulier.

Un modèle de coach ?
J’observe, j’aime ce que fait Bielsa, sa façon de faire, ses modulations tactiques. J’aime le football anglais. J’adore ce championnat, où c’est l’efficacité avant tout, qui alterne le jeu court et le jeu direct.

Un style de jeu ?
J’ai un système preférenciel, en 4-4-2, parce que j’ai commencé dans c système avec beaucoup de réussite à Sedan ! Mais je ne suis pas figé.

Un club ?
Canet-en-Roussillon, mon club actuel.

Un stade ?
Albeau, et le Stade de France. La première finale de coupe de France là-bas, avec Sedan, waouh, ca m’a marqué !

Un match référence ?
Oui, à Istres, en National 3, avec l’Athlético Marseille, juste avant mon arrivée à Canet. On est 2e, ils sont 1ers, et on va gagner chez eux avec un score… et une prestation très élevée, on gagne 7-0, et compte tenu des soucis extra-sportifs que l’on avait à ce moment-là, c’est marquant (son club avait finalement terminé 1er de son championnat avant de se voir refuser l’accession en N2 et d’être rétrogradé en Régional 2).

Pire match ?
Un match de championnat avec Charleville à Marseille, lors de la deuxième saison de l’OM en D2, je n’ai jamais vu un match aussi long et pénible, on était archi-dominés, ça durait 2 jours, le ballon revenait sans cesse, on prenait des vagues, on a perdu 4 à 0 (en novembre 1995). Pénible.

Le club où tu as failli signer ?
Je ne dirais pas les noms, mais j’ai eu des contacts pour entraîner plus haut mais il me manque le diplôme pour entraîner en pro … Je me suis inscrit l’an passé mais je n’ai pas été pris. C’est comme ça. Je vais refaire ma demande, aller aux tests.

Le club que tu rêverais d’entraîner ?
Un club anglais !

Qu’est-ce qui t’a manqué pour durer en National ?
J’ai peut-être été trop « club » parfois, quand j’étais adjoint, j’aurais peut-être dû partir pour passer mes diplômes, à ce moment-là.

Farid Fouzari, dans la vie de tous les jours

Joueur préféré ?
Un de mes joueurs actuels à Canet, mais je ne vous dirais pas lequel !

Ton match de légende ?
Les matchs de l’équipe de France avec le quatuor que j’adorais, Fernandez-Platini-Tigana-Giresse.

Une idole de jeunesse ?
Mickaël Jackson ! Rien à voir avec le football !

Place Ducale à Charleville ou château de Sedan ?
Place Ducale quand même !

Tes occupations en dehors du foot ?
J’aime bricoler, c’est mon père qui m’a appris ça. J’ai même donné un coup de main à une période à Fabrice Jacquier qui est couvreur maintenant. Sinon, les balades, le cinéma.

Un plat ? Une boisson ?
Le couscous de ma mère. Et je vais dire de l’eau, parce que je ne peux pas dire autre chose, mais mes amis savent ce que j’aime bien boire (rires) !

Une couleur ?
Bleu.

Cinéma ?
Les films d’aventure, d’action.

Une devise ?
Il n’y a que le travail qui paie.

Ce que tu détestes par-dessus tout ?
Les gens hypocrites. Moi je suis franc, alors… Je « perds » des joueurs parfois parce que je ne leur vends pas du rêve en leur disant qu’ils seront titulaires, je ne trouve pas ça honnête.

Ta plus grande fierté ?
Mes parents, ma famille.

La chose la plus importante pour toi dans la vie ?
Etre soi-même, mais c’est de plus en plus dur aujourd’hui !

Texte : Anthony BOYER / Mail : aboyer@13heuresfoot.fr / Twitter : @BOYERANTHONY06

Photos : DR et Canet RCF