Malgré une saison très aboutie à Concarneau, Faïssal Mannaï n’a pas été conservé. Pour se rapprocher de l’équipe nationale de Tunisie, le milieu offensif de 27 ans au parcours atypique, a choisi de signer à l’US Monastir avec qui il va disputer la Coupe Arabe des clubs champions.
Ce vendredi 28 juillet, Faïssal Mannaï, l’un des grands artisans de la montée en Ligue 2 de l’US Concarneau, va découvrir un autre monde. Avec l’US Monastir (Tunisie), le milieu offensif de 27 ans va débuter la phase de poule de la Coupe Arabe des clubs champions par un déplacement au Zamalek, le mythique club égyptien.
Ensuite, le lundi 31 juillet, Monastir recevra les Saoudiens de Al-Nassr où évolue le quintuple Ballon d’Or, Cristiano Ronaldo… Une confrontation que n’aurait jamais pu imaginer Faïssal, qui évoluait encore en Régional 1 il y 4 ans au JSC Bellevue Nantes tout en travaillant à côté du foot.
Pour lui, rien n’a jamais été facile. Son parcours, qui l’a mené en Division 5 Italienne, et aussi à Kairouan en Tunisie et à Montceau-les-Mines (N2) avant qu’il ne parvienne à « éclater » en National en 2020 à Cholet (puis Sète et Concarneau), a été semé d’embûches. Pour 13HeuresFoot, celui qui rêve de la sélection de Tunisie, est longuement revenu sur son itinéraire très atypique.
« Le plus court chemin pour atteindre l’équipe nationale, c’était de signer en Tunisie »
Le 12 juillet dernier, Faïssal Mannaï a donc signé un contrat de deux ans avec l’US Monastir, 4e du dernier championnat de Division 1 Tunisienne. Au départ, son choix numéro 1 était pourtant de découvrir la Ligue 2 avec Concarneau. « Le coach Stéphane Mignan m’avait dit dans un premier temps que je devrais prolonger, puis qu’il hésitait puis enfin que c’était fini, raconte-t-il. Ça m’a super mal venant de lui car je le considère comme l’un des meilleurs entraîneurs français. Mais je ne lui en veux pas. Concarneau, c’était comme ma famille et ça m’a fait mal au cœur de devoir les quitter. Mais je serai leur premier supporter, je vais regarder tous leurs matchs en L2 .»
L’aventure de Concarneau terminée, le milieu offensif a eu l’embarras du choix. « J’ai eu beaucoup de propositions, y compris en L2. Mais j’ai expliqué aux clubs qui me voulaient, que la Ligue 2, c’était seulement avec Concarneau… » Originaire de Kairouan, le Franco-Tunisien a choisi de retrouver ses racines à Monastir.
« J’ai envie d’être appelé par la sélection tunisienne et je pense que le chemin le plus court pour y arriver, c’est de jouer en Tunisie. Il y a la CAN en 2024, je veux me faire remarquer. Ce serait un rêve d’enfant. Je suis venu ici en mission, pour aider mon club et mon pays. J’aurais pu gagner plus d’argent ailleurs, même dans d’autres clubs tunisiens qui m’avaient contacté, mais j’ai trouvé le cadre idéal à Monastir. C’est un club familial, qui a de bonnes installations et qui a sorti de bons joueurs. En plus, je vais pouvoir jouer la Coupe Arabe des clubs. Vu d’où je viens, c’est fabuleux… J’ai commencé en seniors en 2e division de district, il y a 4 ans je jouais en Régional 1 et je vais me retrouver à affronter Cristiano Ronaldo, l’un des meilleurs footballeurs du monde ! Mon parcours montre qu’il ne faut jamais abandonner, toujours y croire et ne pas écouter ceux qui te disent que c’est impossible. »
« Un jour en Italie, j’ai pleuré à l’entraînement »
Faïssal Mannaï a grandi à Nantes, dans le quartier des Dervallières. Très tôt, il a intégré le grand FC Nantes. « Mais à 13 ans, il ne m’ont pas gardé à cause de problèmes de comportement », explique celui qui a ensuite évolué dans plusieurs clubs de la ville ou de la périphérie, Metallo Sport Chantenay Nantes, USSA Vertou, La Mellinet. « Sur le terrain, ça me paraissait presque trop facile, j’avais un temps d’avance, j’arrivais à voir plus loin. Mais je n’avais pas toujours le bon comportement. Tout le monde me disait aussi que j’étais le meilleur mais je ne jouais pas ou alors qu’avec l’équipe B. Mais dans ma tête, je voulais être pro. »
Il a 17 ans quand il débute en seniors avec La Mellinet. « C’était en réserve, en 2e division de district. Je jouais limite avec des « papys » ! Après, je suis monté en Régional 2. » Alors âgé de 19 ans, il part en 5e division italienne à A.S.D San Sisto Calcio, dans la région de Pérouse. « L’adaptation a été galère car j’étais tout seul et je ne parlais que le français. Un jour, j’ai pleuré à l’entraînement tellement je me trouvais nul et que je ne comprenais pas ce que l’on me demandait. Mais au bout d’un mois, ça allait quand même mieux. Ça a été une bonne expérience au final. »
Il signe ensuite en 2015 un contrat de 5 ans à la JS Kairouan, la ville dont est issue sa famille en Tunisie. « J’ai essayé mais je n’ai pas aimé mon année là-bas même si j’ai joué en Division 1 (13 matchs). J’ai cassé mon contrat et je suis rentré en France. »
« En Régional 1, je travaillais à l’aéroport de Nantes et comme livreur »
Par l’intermédiaire du défenseur Jean-Charles Belhow, issu du même quartier que lui à Nantes, Faïssal effectue un essai à Montceau. Il parvient à convaincre le staff mais il doit attendre le 11 novembre 2016 pour pouvoir enfin débuter en National 2 face à la réserve d’Auxerre. Au total, il ne dispute que 13 matchs puis 5 lors de ses deux saisons en Saône-et-Loire. « J’ai fait des très belles rencontres mais je n’ai pas beaucoup joué. J’ai aussi été freiné par plusieurs fractures du métatarse. »
A l’été 2018, il décide de retourner chez lui à Nantes et signe à la JSC Bellevue, en Régional 1. Pour la première fois de sa vie, il travaille en parallèle du foot. « J’étais agent de piste à l’aéroport et je faisais aussi livreur pour Uber Eats. Ça ne me dérangeait pas de travailler. Dans ma tête, j’étais toujours autant déterminé à réussir, même si j’étais descendu en R1. Ma famille continuait à croire en moi et à me pousser pour que je m’accroche. Chez nous, on est très proche, il y a beaucoup d’amour. Ça m’a donné de la force. »
Sur le terrain, il a aussi retrouvé le plaisir. « L’entraîneur Loutfi Zebidi m’a dit de jouer mon foot à moi, de ne plus me poser de questions. Dans ma tête, ça m’a libéré et j’ai réalisé une grosse saison. »
« A Cholet, je voulais être fixé sur ma capacité à jouer en National »
Malgré tout, les propositions se font rares. « J’avais Challans en N3 et Cholet, contre qui j’avais joué en R1, pour la réserve, c’est tout, se souvient-il. J’aurais gagné plus d’argent à Challans. A Cholet, j’y allais sans contrat. Mais comme l’équipe première jouait en National, j’ai voulu tenter le coup. J’ai dit à mon entourage : « Comme ça, on sera fixé. Si je suis bon, je jouerai en National, sinon je resterai un joueur de N3 ou R1…»
Auteur de bonnes prestations en réserve avec Cholet, il va bénéficier d’un petit coup du destin. « Il y a eu 4 blessés en National, puis un autre qui était avec moi en réserve qui devait monter en National. Du coup, c’est moi que l’entraîneur de l’équipe fanion, Erol Malkoç, m’a remarqué et m’a fait monter. »
Le 4 octobre 2019, il effectue ses grands débuts en National en rentrant à la 70e minute face au Gazélec Ajaccio (1-1) au stade de Mezzavia. « J’ai alterné ensuite entre la réserve et le National. Cholet m’a aussi fait signer un contrat au bout de 5 mois. »
Il effectue 7 apparitions durant la première saison (stoppée par le Covid), puis 12 la suivante. Malgré ce temps de jeu assez limité, il est remarqué par Sète, une autre équipe de National. « Sète m’a fait confiance. On a dit beaucoup de choses sur les anciens dirigeants. Mais ils ont toujours été corrects avec moi. C’est l’environnement autour du club qui était néfaste. Mais moi, je me sentais vraiment bien là-bas. En cinq mois, j’ai pu m’exprimer et montrer ce que je valais sur la durée. »
Dans l’Hérault, il enchaîne les titularisations et inscrit trois buts lors de la première partie de saison 2021-2022. Et en décembre, Concarneau vient le chercher ! « Au départ, je ne voulais pas abandonner mes potes à Sète. Mais on jouait le maintien et Concarneau la montée…»
« A Concarneau, je suis tombé au bon endroit et au bon moment »
En Bretagne, depuis son arrivée en janvier 2022, Faïssal Mannaï n’a raté que trois matchs de championnat avec Concarneau. Il en a disputé 50 pour 3 buts et 10 passes décisives.
« Je suis vraiment tombé au bon endroit et au bon moment pour évoluer. Cette saison a été la meilleure et la plus aboutie de ma carrière. Cette montée en L2 a été magnifique. Je suis content d’avoir vécu ça. Même si cela ne s’est pas terminé comme je l’aurais voulu, je ne veux garder que le bon. J’ai trouvé une famille à Concarneau et dans 10 ou 20 ans, on parlera encore de cette montée en L2 entre nous. »
Quand il se retourne sur ces années où il a connu beaucoup de bas, il se dit « fier » de lui. « Rien n’a été facile pour moi. Il s’est passé énormément de choses dans ma vie et dans ma carrière. Mais je n’ai jamais lâché. Dans le foot, ce ne sont pas toujours les meilleurs qui réussissent. A ma place, beaucoup auraient arrêté. Mais ma détermination et mon endurance m’ont permis d’arriver là où j’en suis aujourd’hui. »
Faissal Mannaï, du tac au tac
Première fois dans un stade ?
La Beaujoire à Nantes. Je devais avoir 6 ans. Comme j’étais licencié au FC Nantes, on avait des « pass » pour rentrer !
Votre plus beau souvenir de joueur ?
La montée en L2 avec Concarneau. Juste magnifique. Une émotion forte partagée avec des personnes avec qui on formait une vraie famille.
Votre pire souvenir de joueur ?
Mon départ de Concarneau. Après tout ce qu’on venait de vivre, que mon coach, qui a fait tellement pour moi, me dise « Non on ne continue pas », ça m’a fait très mal…
Votre plus beau but ?
Dans ma carrière, j’en ai marqué des très beaux notamment à Bellevue en R1. Mais je vais ressortir celui qui m’a procuré la plus grosse émotion. C’était avec Concarneau contre Laval (18 avril 2022). Je marque le but du 2-1, du gauche, sur une passe de Fahd El Khoumisti. Il y avait 6 000 personnes au stade, c’était en direct sur Canal +. J’ai vraiment kiffé ce moment. Malheureusement, on s’est fait rejoindre ensuite à 2-2.
Votre geste technique préféré ?
J’aime bien les crochets. Mais ce que je préfère avant tout, c’est de faire de belles passes pour mes coéquipiers. Une passe réussie, c’est aussi un geste technique.
Vos qualités et défauts sur un terrain ?
La vision du jeu, la créativité. Le fait d’arriver à créer une occasion à partir de rien. Après, mes entraîneurs m’ont souvent dit que j’étais trop généreux sur un terrain et qu’il fallait que j’arrête de défendre autant car en tant qu’ailier, on attendait plus de moi, on attendait que je sois décisif offensivement. Mais c’est dans ma nature. Je pense d’abord au collectif. J’aime faire les efforts pour mon équipe et mes coéquipiers. J’ai un gros coffre donc je peux répéter les efforts mais j’ai compris aussi que je devais moins me disperser pour garder ma lucidité.
Le joueur le plus fort que vous avez affronté ?
J’en citerais trois : Randal Kolo Muani qui était vraiment au-dessus quand il jouait à Boulogne-sur-Mer en National, Julien Maggiotti avec qui j’ai joué à Cholet puis que j’ai affronté quand il était à Laval et Mehdi Boussaïd, à Avranches, qui vient de signer au Mans.
Le joueur le plus fort avec qui vous avez joué ?
Il y en quelques-uns. J’ai déjà parlé de Julien Maggiotti avec Cholet. A Concarneau, j’ai évolué avec beaucoup de joueurs exceptionnels, Amine Boutrah, le talent qui a parlé avec ses pieds, Fahd El Khoumisti, bien sûr, Mamadou Sylla, un grand défenseur que la Ligue 2 va apprendre à connaître, Alex Georgen, Gaoussou Traoré… A Montceau, il y avait aussi Amir Nouri, qui était très fort.
L’entraîneur ou les entraîneurs qui vous ont marqué ?
Stéphane Le Mignan. Il est au-dessus. Je me souviens qu’avant le match de Nancy, un délégué avait dit de lui que c’était une bibliothèque du foot. Il a tout résumé. Je dois beaucoup à Stéphane Le Mignan. Et même si sa décision de ne pas conserver a été un peu incompréhensible, que personne ne l’a compris même des joueurs adverses qui m’ont envoyé des messages, je ne lui en veux pas. Je lui ai pardonné. Vous ne me verrez jamais dire du mal de quelqu’un ou critiquer. Je n’ai pas été éduqué comme ça.
Le président qui vous a marqué ?
Benjamin Erisoglu à Cholet. C’est avec lui que j’ai été le plus proche et avec qui j’ai bien parlé.
Le club où vous avez pris le plus de plaisir ?
Concarneau, forcément. Je vais continuer à suivre tous leurs matchs, en tant que spectateur maintenant.
Le club qui vous fait rêver ?
Le FC Nantes car c’est le club de ma ville.
Vos joueurs préférés ou modèles ?
Je n’ai pas de modèles. Mais j’admire Karim Benzema pour sa justesse. Il a vraiment un QI foot très élevé. Après, celui qui m’a procuré le plus de plaisir à voir jouer, c’est Hatem Ben Arfa. Ca me fait mal de voir qu’il n’a pas fait la carrière qu’il méritait par rapport à son talent. Mais je ne connais pas sa vie donc je ne me permettrais pas de juger.
Un stade mythique ?
Mes plus belles émotions, je les ai connues à Guy-Piriou à Concarneau.
Vos amis dans le foot ?
J’en ai beaucoup, avec qui je parle tous les jours. A Concarneau, on était une famille et beaucoup sont devenus comme des frères pour moi : Amine Boutrah, Gaoussou Traoré, Axel Urie, Mamadou Sylla… Il y a aussi Amir Nouri, Kadia Mendy, Moussa Niakaté. J’ai aussi une histoire particulière avec Armand Gnanduillet (ex-Le Mans, aujourd’hui à Dunkerque en L2). Je ne le connaissais pas et un jour, on s’est retrouvé avec des amis communs à faire un five à Nantes. A l’époque, je jouais en R1 à Bellevue et lui à Blackpool en League One (3e division anglaise). Deux mondes différents… Mais grâce à lui, j’ai pu aller faire un essai à Blackpool. J’y ai passé une semaine. Le coach a changé quand j’y étais et je n’ai pas été gardé. Mais ce qu’a fait Armand Gnanduillet pour moi, c’était très fort. Je lui en serai toujours reconnaissant. Je sais qu’il a tendu la main à d’autres joueurs. C’est vraiment une très bonne personne.
Vos occupations en dehors du foot ?
Après les entraînements, c’est sieste, puis séries ou PlayStation. Je suis très casanier et très famille. J’aime bien me balader avec ma femme. J’ai une vie très tranquille.
Si vous n’aviez pas été footballeur pro ?
J’aurais été dans la restauration avec mes frères qui ont des restaurants.
Le milieu du foot en deux mots ?
On sait que c’est un milieu spécial avec des mauvaises personnes qui gravitent autour… Mais moi, je préfère ne retenir que les bonnes rencontres que j’ai faites grâce au foot. Ce que je recherche, c’est avant tout l’aspect humain. Pour moi, la vie passe avant le foot… Par exemple à Concarneau, j’étais en concurrence avec Axel Urie. Mais ça ne nous empêchait pas d’être des supers potes. D’ailleurs, on nous appelait les jumeaux ! Quand je me regarde dans une glace, je suis content. On peut tout dire de moi, que je ne suis pas bon, que j’ai raté un match. Mais je pense que personne ne vous dira « Faissal, c’est une mauvaise personne… » C’est ça le plus important pour moi. Je veux toujours rester le même. Le foot, c’est un monde égoïste, mais, moi je n’ai jamais pensé qu’à ma gueule.
Texte : Laurent Pruneta / Mail : lpruneta@13heuresfoot.fr / Twitter : @PrunetaLaurent
Photos : Philippe Le Brech