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Fahd El Khoumisti : « J’ai l’impression que je n’en suis qu’au début ! »

L’avant-centre de Concarneau, qui vient de fêter ses 30 ans, revient sur son parcours et son arrivée sur le tard dans le foot pro. Entretien décalé dans la joie et la bonne humeur avec le Sarthois, qui va redécouvrir la Ligue 2 !

Photo Philippe Le Brech

Avec Fahd El Khoumisti, c’est comme avec les impôts. Une fois passé le délai légal pour la déclaration, c’est retour à la page d’accueil jusqu’à la prochaine échéance, l’année suivante !

L’attaquant, qui vient de fêter ses 30 ans en juin dernier, fonctionne comme ça, et pas autrement : il ne donne aucune interview pendant la saison sportive, à l’exception évidemment des « bords terrains » mi-temps ou fin de match, qui sont des obligations de la LFP et qui ne durent que quelques secondes.

« C’est ma façon de faire, répond l’intéressé. Je préfère rester concentré, c’est une habitude. Après, c’est peut-être par superstition. Avant, j’en donnais mais ça ne m’a pas porté chance. Je sais bien qu’un article, ça valorise, ça fait toujours du bien, mais… Non pas que je n’ai pas besoin de ça, mais en refusant les demandes, ça permet de me dire inconsciemment que ce n’est pas fini, que ce n’est pas parce que je fais des bonnes choses que c’est arrivé. C’est naturel, humain, d’avoir tendance à se relâcher, à moins avoir la dalle, à être un peu suffisant. Donc je me suis dit que, pour éviter ça, il fallait que je reste au calme. Je suis mieux comme ça, et je reste focus sur mon équipe et sur moi. Pendant la saison, on veut souvent m’interviewer, mais je dis non à partir du moment où le championnat a commencé ! Et puis après, une fois que la saison est terminée, on ne me demande plus rien, alors forcément, moi ça me va, tant mieux (rires) ! »

« Je suis toujours joyeux »

Photo Philippe Le Brech

Il fallait donc se dépêcher pour obtenir un entretien avec le grand Fahd (prononcez « Fède »). La saison sportive 2023-2024 ouvre déjà ce samedi en Ligue 2 BKT, un échelon que le natif de Mamers, à 50 kilomètres du Mans, dans la Sarthe, va retrouver avec Concarneau, trois ans après son passage mitigé à cet échelon avec Orléans (juillet 2018 à octobre 2019 – 15 matchs et 2 buts).

Il fallait se dépêcher, et surtout trouver un créneau : rendez-vous est pris pour vendredi 19h, la veille du match amical contre Avranches (1-1). Finalement, après un peu d’attente, il est là, au bout du fil ! Il est d’excellente humeur, rigole beaucoup. Il est tout excité ! « Tu me connais, je suis toujours joyeux ! »

« Je ne suis pas facile à vivre »

Photo Philippe Le Brech

On plaisante beaucoup, on prend des nouvelles, on parle un peu en « off », comme on dit dans le jargon, et puis, vient la question sur sa réputation. Celle d’un garçon extrêmement gentil, sympa… Celle d’un garçon qui fait l’unanimité. Il coupe : « Va faire un tour au Mans, tu verras qu’on ne dit pas que des bonnes choses sur moi (rires) ! Pourtant, je sais que je ne suis pas facile à vivre mais franchement, c’est ma religion qui fait que je suis comme ça, c’est mon mode de vie, mais au quotidien, je suis un peu une « galère »… Parfois je m’énerve. Un exemple : je me gare mal alors je prends des amendes et comme ce sont mes parents qui les reçoivent au Mans… En plus, comme je ne fais que de bouger dans des Airbnb, je ne risque pas de la recevoir l’amende (rires) ! Mais j’essaie d’être quelqu’un de bien. Tiens, rien que là, pour l’interview, j’ai mis 100 ans à t’appeler ! Mais je suis super-sérieux dans mon métier, avec mon hygiène de vie. »

Photo Philippe Le Brech

Si certains bougent de ville en ville, Fahd, lui, bouge de Airbnb en Airbnb. L’info, croustillante, est parue dans L’Equipe. L’appartement qu’il a récupéré à son retour de Concarneau, après son bref passage au Mans, à l’automne dernier, est loué par sa propriétaire en été. SDF Fahd ? Un peu exagéré. La situation, cocasse, ne semble pas lui poser le moindre problème. « Ah bon, c’est sorti dans L’Equipe ? Je n’ai pas lu l’article, tu peux me l’envoyer ? Mais qui a dit ça ? J’ai vu les journalistes à l’entraînement, je sais qu’ils ont interrogé Thibault (Sinquin) et Guillaume (Jannez), et aussi le président (Jacques Piriou), mais qui leur a parlé de ça ? C’est vrai qu’en ce moment, je dors dans un Airbnb, à Concarneau, le temps que je récupère mon appart’. Quand je suis revenu du Mans, je n’avais plus de logement et c’est galère d’en trouver un ici. J’ai eu un coup de coeur pour celui-là mais la propriétaire m’a dit « OK, mais en été, il faudra partir ! » Après, je comprends, si j’étais propriétaire, je ferais peut-être la même chose. En deux mois, les propriétaires se font quasiment la même somme que durant toute l’année ! Mais franchement, là, je suis bien dans mon Airbnb, au bord de la mer. Je m’y sens bien ».

Déjà 4 buts en matchs de préparation !

Photo Philippe Le Brech

Bien dans ses baskets, bien dans son appart’, bien dans son club… Fahd le sait : il vit une période faste. Depuis son arrivée dans le Finistère, en janvier 2021, il affole les compteurs : 6 buts en 17 matchs lors de la demi-saison 2020-21 puis 20 buts en 34 matchs la saison suivante, qui a consacré le Franco-Marocain, élu meilleur joueur de National par ses pairs. Et enfin 13 buts en 19 matchs entre début décembre dernier, après son retour du Mans, où il a pu constater que nul n’était prophète en son pays, et cette fin de saison incroyable, qui a propulsé les Thoniers en Ligue 2.

Ce qui fait un total de… 39 buts en 70 matchs avec les Thoniers ! Et ce n’est pas fini… ou plutôt, ça ne fait peut-être que commencer : lors des matchs de préparation de l’US Concarneau, il a inscrit un doublé contre Lorient (L1, 3-3), un autre but contre Rennes (Ligue 1, 1-1) et enfin un quatrième but contre Avranches (National, 1-1).

Le déclic à Saumur, en DH

Photo Philippe Le Brech

Des « stats » qui ne lui font pas du tout tourner la tête. Mais auxquelles il est un peu plus attaché qu’avant. Surtout depuis sa saison à Saumur, en Division d’Honneur (R1), en 2015-16, après des passages à La Suze (DSR et CFA2), à 10km du Mans, puis à Thouars, en CFA2. « C’est le coach de Saumur, Julien Sourice, celui qui a fait monter le club de R1 en N2, qui m’a fait prendre conscience de certaines choses. Qu’il fallait que je me concentre sur ma mission. Marquer. C’est là que j’ai commencé à réaliser tout ça. »

C’est sans doute pour cela, aussi, que le Franco-Marocain a éclos tard. Mais pas seulement : « C’est difficile à expliquer. Il y a une part de destin et aussi le fait que, morphologiquement, j’étais en retard dans ce domaine-là. Jeune, j’étais plus petit que les autres. Et puis j’avais une autre façon de jouer aussi. J’étais milieu. Parfois je jouais 10. C’est le coach de Thouars, Lionel Goubeau, qui m’a positionné devant. Mais je ne marquais pas souvent, je dépensais beaucoup d’énergie à courir, à défendre. Par contre, je faisais pas mal de passes décisives ! »

On en revient à ces fameuses statistiques. A Fontenay-le-Comte, en CFA, lors de la saison 2016-17, il marque 14 buts en 29 matchs pour la découverte de ce niveau. Il a alors déjà 23 ans. « On a commencé à me remarquer quand j’ai eu des statistiques, c’est comme ça. Naïvement, quand je jouais en jeunes, je pensais que les contenus de matchs et ce que tu pouvais apporter à l’équipe étaient les choses les plus importantes. Après, je me suis aperçu que j’étais plus utile à l’équipe si je me concentrais à mettre le ballon au fond. J’ai appris ça sur le tard, et aujourd’hui, je ne sais pas pourquoi, j’ai l’impression que je n’en suis qu’au début… »

Cavani, Benzema, Orléans, Le Mignan…

Sous le maillot du Mans. Photo Philippe Le Brech

Tout n’a pas été rose et linéaire pour l’avant-centre, formé chez lui, à Mamers, et passé aussi au SOM (Stade Olympique du Maine), remarqué sur le tard, donc, à Fontenay, puis au PSG, où on le surnommait le « Cavani de la réserve » !

Quand il a signé pro à Orléans, à 25 ans, en tout ne s’est pas passé comme il l’espérait. Son prêt au Puy-en-Velay en National (octobre 2019 à mars 2020), où il s’est beaucoup plu et où, après une phase d’adaptation normale, il semblait vraiment avoir trouvé la bonne carburation en janvier (5 buts lors de ses 10 derniers matchs, 15 matchs au total), s’est arrêté prématurément en raison de la crise de la Covid-19.
Son retour de prêt, à Orléans, lui, ne fut pas folichon. « Je n’ai pas envie d’en reparler, ça ne sert à rien. »

Bref, il a fallu un appel, celui de Stéphane Le Mignan – qu’il ne cesse d’encenser à chacune de ses interviews, à la fois pour le football qu’il prône et pour l’avoir enrôlé – pour qu’il donne la pleine mesure de ses moyens.

Sous le maillot du Puy avec Tony Patrao. Photo Philippe Le Brech

Fahd El Khoumisti à Concarneau, c’est « The right man at the right place ». Mais n’a-t-il pas peur d’être catalogué « joueur de Concarneau » ? « Non, ça ne me fait pas peur, poursuit celui que l’on surnomme désormais « Le Benzema de Concarneau », et qui a son chant des supporters; Je sais comment on joue ici, et j’aimerais qu’on continue à jouer comme on joue là… D’ailleurs, je pense que ça va très bien se passer cette saison, je suis très positif. J’aime la façon de jouer de mon équipe. Bien sûr, on ne sera pas chez nous pour nos matchs à domicile (Concarneau reçoit Bastia à Guingamp demain), et ça… Franchement, notre petit chaudron, ça va nous manquer, c’est vraiment quelque chose qui… On va dire que l’on se quitte mais c’est pour mieux se retrouver dans un an ! Attention, on a nos supporters qui vont nous suivre à Brest, Guingamp et Lorient, où nos matchs ont été délocalisés. »

Il est 23h30. L’entretien touche à sa fin. « Il faut que j’aille dormir ! On a un match demain contre Avranches. C’était sympa cette interview, on a bien rigolé ! »

On verra si les défenses de Ligue 2 rigoleront autant. On se rappelle dans un an ?

Fahd El Khoumisti, du tac au tac

« Le foot, c’est quelque chose que j’ai à l’intérieur »

Sous le maillot d’Orléans. Photo Philippe Le Brech

Meilleur souvenir sportif ?
La montée en Ligue 2 avec Concarneau.

Pire souvenir sportif ?
Mon pire souvenir ? Je ne vais pas clasher, ça sert à rien. Je n’en ai pas vraiment.

Combien de buts marqués ?
Je ne sais pas, je ne compte pas.

Même à Concarneau, tu ne sais pas ?
Non, même si je l’ai lu dans un article, mais je ne m’en souviens pas !

Tu as mis 39 buts en 70 matchs avec Concarneau en championnat.
Ah… C’est pas mal !

Pourquoi as-tu choisi de faire du foot ? Je n’ai pas choisi, ça m’est tombé dessus. Dès que j’ai su que je pouvais en faire mon métier, j’ai voulu faire ça, je ne sais pas trop l’expliquer. C’est quelque chose que j’ai à l’intérieur. Quand c’est ton truc, c’est ton truc. J’ai commencé à la maison avec mon grand frère, mes soeurs, dans le couloir… Puis un jour j’ai vu jouer Zidane.

Sous le maillot d’Orléans. Photo Philippe Le Brech.

Plus beau but marqué ?
Il n’a pas été filmé. A Mamers, une reprise de volée quasiment du milieu de terrain.

Un geste technique ?
Une belle frappe en première intention.

La saison où tu as pris le plus de plaisir sur le terrain ?
Ma première saison à Concarneau, quand j’ai fini meilleur joueur de National. Cette saison-là aussi, bien sûr, mais je suis arrivé en cours de saison.

Le club où tu as failli signer ?
J’aurais pu aller en Turquie mais bon…

Avec la réserve du PSG. Photo Philippe Le Brech.

Le club où tu aurais rêvé de jouer, dans tes rêves les plus fous ?
A Concarneau mec (rires) ! Je suis déjà dans le club de mes rêves.

Un stade mythique ?
Le stade Guy-Piriou mec (rires) ! Bon, mythique, allez, le stade Santiago-Bernabeu (stade du Real Madrid).

Un coéquipier marquant ?
Antoine Rabillard, Amine Boutrah. Et Yohann Demoncy quand j’étais à Orléans.

Un coéquipier avec qui le feeling passe dans le jeu ?
Amine (Boutrah) et « Rabi » (Antoine Rabillard), et aussi Faissal Mannaï.

Un joueur qui t’a impressionné, qui t’a marqué ?
Rémi Sergio de Villefranche. Il parle beaucoup sur un terrain mais qu’est-ce qu’il est fort ! S’il se taisait un peu plus il serait encore meilleur ! S’il se taisait, ça ferait du bien à ses adversaires, à ses coéquipiers et à lui, tiens, c’est un conseil gratuit ça (rires) !

Avec la réserve du PSG. Photo Philippe Le Brech.

Un coéquipier perdu de vue que tu aimerais bien revoir ?
Quand j’étais au Puy, je m’entendais bien avec Johann Obiang. Il a signé à Pau (L2).

Un coach perdu de vue que tu aimerais bien revoir ?
Jaques Aubry et Jacques Lemaître, des coachs que j’ai eus à Mamers. J’étais en U11, même pas.

Un coach que tu n’as pas envie de revoir ?
Ouaip, mais non, ça ne se fait pas, c’est méchant. En plus tu sais très bien qui c’est.

Un président marquant ?
Le président de Concarneau, Jacques Piriou, forcément, et aussi celui du Puy, Christophe Gauthier.

Photo Philippe Le Brech.

Une causerie d’un entraîneur marquante ?
C’était une causerie improvisée de Stéphane Le Mignan, après le match du Puy, la saison passée, à trois journées de la fin, quand on perd là-bas. Cela s’est fait naturellement. Cela a été un moment de vie de l’équipe. Au coup de sifflet final, on pensait qu’on avait perdu nos espoirs de montée et on voit les autres résultats… Donc à ce moment-là, on y était, on était là où on voulait être, toujours 2es, et on s’est rendu compte qu’à deux journées de la fin, on avait encore notre destin en mains alors qu’on pensait que c’était fini. J’avais raté un penalty. Je crois que Roland (Vieira), le coach du Puy, avait bien préparé ça.

Le joueur le plus connu de ton répertoire ?
Je n’en ai pas trop, non. Même si j’ai côtoyé quelques joueurs connus au PSG, mais je ne les ai pas forcément dans mon répertoire. Peut-être Yacine Adli, quand même, qui joue au Milan AC. J’ai joué avec lui en réserve au PSG.

Avec Le Puy Foot 43. Photo Philippe Le Brech

As-tu des manies, des tocs avant un match ?
Je n’ai pas de superstition mais j’ai des habitudes, comme appeler ma famille. Rien de spécial. Je n’écoute pas de musique. Et à la mi-temps, j’ai toujours un message de mon frère et de ma soeur, qui rejoignent d’ailleurs souvent mon ressenti. C’est plus un message d’encouragement.

Une devise ?
Plutôt une façon de faire : écouter mon instinct.

Tu as écouté ton instinct quand tu as signé au Mans l’an passé ?
Oui et non ! En tout cas je l’ai écouté pour revenir à Concarneau.

Qu’est-ce qu’il t’a manqué à ce jour pour être un bon joueur de Ligue 2 ?
Un coach qui joue au football. C’est un peu arrogant comme réponse mais bon.

Tu es un attaquant plutôt…
Mobile.

Avec Le Mans. Photo Philippe Le Brech.

Une idole de jeunesse ?
Zidane, mais ce n’est pas une idole.

Un modèle d’attaquant ?
Karim Benzema.

Un plat, une boisson ?
Un plat marocain. La pastilla. C’est des feuilles de cuisson… C’est difficile à expliquer. Un mélange de sucré-salé, avec du poulet dedans, du sucre-glace… Comme boisson, le Perrier.

Un numéro fétiche ?
Le 10. Je vais retrouver mon numéro fétiche, que j’avais avant de partir au Mans. J’avais le 15 cette saison parce qu’il était pris.

Dernier match auquel tu as assisté en tant que spectateur ?
Cela devait être la réserve de Concarneau, en Régional 1.

Avec Le Mans. Photo Philippe Le Brech.

Ton match référence ?
Le dernier match de l’année précédente au Red Star, on avait perdu 4 à 1 ou 5 à 1 mais j’avais fait un bon match (5-1, Ndlr), sinon la saison d’avant, à Bourg-en-Bresse, on avait gagné 2 à 0 là-bas, j’avais eu un très bon contenu et j’avais mis 2 buts.

Ton pire match ?
A Bastia-Borgo, quand j’étais au Mans.

Le match de football de légende ?
La finale de la Ligue des Champions (en 2002) quand Zidane, avec le Real, marque d’une reprise de volée contre Leverkusen. Une autre finale aussi, Milan AC – Liverpool. Et aussi Concarneau-Bourg quand Rabi (Antoine Rabillard) marque à la dernière minute, à l’avant-dernière journée, en mai dernier !

Ta plus grande fierté ?
De faire partie de ceux qui ont fait que cette ville, Concarneau, va découvrir pour la première fois le foot professionnel. D’être de cette aventure-là.

C’est quoi qui t’énerve dans la vie ?
Le manque de respect, la condescendance, ça m’énerve plus que tout.

Samedi 5 août 2023 – Ligue 2 BKT (Journée 1) : US Concarneau – SC Bastia, au stade de Roudourou, à Guingamp.

 

Texte : Anthony BOYER / aboyer@13heuresfoot.fr / Twitter : @BOYERANTHONY06

Photos : Philippe Le Brech

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