Fabien Mercadal : « Je n’ai pas peur d’être oublié »

L’ex-coach de Caen, Paris FC, Dunkerque ou encore QRM, parrain du site 13heuresfoot, qui fête ses 2 ans d’existence, revient sur sa nouvelle mission au district des Alpes, son refus de rejoindre Martigues en L2 mais dit garder dans un coin de sa tête un éventuel retour sur un banc, plus tard.

Par Anthony BOYER / Photos : district des Alpes

Plus de deux ans déjà que Fabien Mercadal ne s’est plus assis sur un banc de touche d’une équipe professionnelle. La dernière fois ? C’était le dimanche 29 mai 2022, au stade Diochon, à Rouen, pour le match retour du barrage Ligue 2 / National.

Ce soir-là, son club, Quevilly Rouen, avait définitivement et sans contestation possible validé son maintien en L2 après un succès 2 à 0 face au FC Villefranche-Beaujolais (3e de National), cinq jours après un premier succès à l’aller 3-1 à Armand-Chouffet.

Après cette mission, le natif de Manosque (Alpes-de-Haute-Provence) s’était mis en retrait du football, le temps de souffler, de digérer, de se reposer, après n’avoir quasiment jamais arrêté, et enchaîné les clubs, les entraînements, les matchs, pendant 20 ans d’affilée (Gap, Amiens, Dunkerque, Tours, Paris FC, Caen, Bruges, re-Dunkerque et enfin Quevilly Rouen).

Et puis, il y avait eu aussi le décès de son papa Jacques, en mars 2022, quelques ennuis de santé et l’envie pressante d’être en famille, plus près de sa maman.

Rentré chez lui, à Vinon-sur-Verdon, dans le Var, à la limite des Alpes-de-Haute-Provence, ce département qu’il chérit tant et qu’il connaît si bien, Fabien Mercadal a d’abord profité avant de forcément replonger. Mais pas là où on l’attendait. Le 1er novembre dernier, le District des Alpes a officialisé son arrivée au poste de conseiller technique départemental (CTD). « Originaire du territoire alpin, c’est ici que Fabien a fait le choix, par pure passion et amour de ses origines, d’écrire une nouvelle page de son histoire, et nous l’espérons, du football des Alpes » écrivait alors le district dans un communiqué.

Patrick Bel Abbes : « On en profite ! »

Croisé au stade Francis-Turcan, à Martigues, pour le match de la montée en Ligue 2 face à Nîmes, en mai dernier, Patrick Bel-Abbes, le président du district des Alpes, avait tout résumé : « La présence de Fabien chez nous au district ? On en profite… », avait-il confié.

« On est ravi de l’avoir récupéré, poursuit Bel Abbes, joint hier au téléphone; il est rassembleur, il est investi, il aime son territoire, ça se ressent. Avant qu’il n’arrive, l’Amicale des Educateurs était en sommeil, aujourd’hui on est une bonne centaine. Et puis, ce qui est très apprécié aussi, c’est qu’il effectue beaucoup de visites dans les clubs, et ça… C’est un honneur de l’avoir parmi nous et je sais que s’il est sollicité un jour par un club pro, ou s’il a un projet qui l’intéresse, on ne pourra pas retenir quelqu’un de ce calibre. »

Profiter. Le mot est bien choisi. Car c’est tout le football alpin qui profite de son expérience. Mais c’est donnant-donnant : car comme il le dit si bien, Fabien Mercadal profite aussi d’être près de chez lui, de (re)croiser des gens qu’il connaît pour la plupart, d’avoir plus de temps aussi pour « vivre ».

Mais attention, cela ne veut pas pour autant dire qu’il a tiré un trait sur le football pro ou semi-pro, comme il l’explique dans cet entretien donné depuis la Corse, où il passe quelques jours de vacances – très attaché à l’île de Beauté, où était né son père, il possède un pied à terre au village de Rapale, pas loin de Saint-Florent.

Durant cette inter-saison, son nom a circulé avec insistance à Martigues, pour prendre la succession de Grégory Poirier à la tête du promu provençal en Ligue 2. Au point d’être la priorité des dirigeants. Mais « Fabulous Fab », comme le surnommaient les supporters à Dunkerque, a décliné. Et le parrain de 13heuresfoot explique pourquoi. Il glisse aussi un mot sympa pour le site 13heuresfoot, lancé le 10 août 2022, et qui vient de fêter ses 2 ans d’existence : « Bon anniversaire ! ».

On le sait, notre « parrain » est un mordu, un assidu : il lit nos articles, sans donner son avis… sauf quand on le lui demande, bien sûr. Comme aujourd’hui !

Interview

« L’important, c’est de prendre du plaisir »

Fabien, peux-tu expliquer exactement ton rôle au sein du district des Alpes ?
Je suis conseiller technique départemental. C’est une mission fédérale, dans laquelle je m’occupe du District des Alpes, qui regroupe le département du 04 (Alpes-de-Haute-Provence), le 05 (Hautes-Alpes) et qui a la particularité d’englober aussi un club du 83 (Var), à Vinon-sur-Verdon, le SC Vinonnais. En termes de licenciés, ce n’est pas un gros district car il n’y a que 300 000 habitants en tout sur les deux départements du 04 et du 05 mais en termes de distances, c’est très large, on va jusqu’à Briançon. L’avantage pour moi, c’est que c’est un territoire que je connais bien. Je peux même le dire : c’est mon territoire, c’est mes terres, c’est mes racines. Je suis bien ici.

Comment s’est effectuée ton arrivée au district ?
En fait, je connais bien le président Patrick Bel Abbes et un jour, l’année dernière, il m’a remis une médaille suite au décès de mon père, à titre posthume. C’est véritablement ce jour-là que l’on en a parlé pour la première fois. Patrick cherchait quelqu’un. Il m’a proposé le poste. Au départ, je ne savais pas si j’étais capable de faire ça, car c’est un autre métier. Et puis j’ai réfléchi. Finalement, j’ai pensé que c’était un bon compromis : à la fois, je restais chez moi, à Vinon-sur-Verdon, et en même temps je remettais un pied dans le foot. Parce qu’occuper un tel poste, ça reste du foot, quand même ! Quand tu es CTD, il y a différentes missions, certaines me plaisent plus que d’autres, c’est normal : par exemple, je préfère évidemment la partie « terrain », ça a toujours été mon truc, je m’occupe de sélections, de développer le foot à 11.

J’ai une bonne partie de mon travail qui a trait à la Ligue de Méditerranée car je fais partie de l’ETR, l’équipe technique régionale, avec Nicolas Dubois (directeur technique régional), et cette équipe-là, je la connaissais un peu moins, mais franchement, je me sens à l’aise avec eux. C’est rafraîchissant. Et puis j’ai des missions d’observation pour Hervé Renard et l’équipe de France féminine : on est donc un certain nombre à être allé superviser des adversaires éventuelles de l’équipe de France féminine; ça, par exemple, c’est une mission qui ressemblait déjà à ce que je faisais avant. Sinon, il y a une partie administrative que je connaissais moins bien, avec des codes à apprendre, à intégrer, mais maintenant je me sens à l’aise. Enfin, le fait de connaître les gens du territoire, ici, est un gain de temps énorme.

Tu n’as pas eu l’impression d’un retour en arrière, après tes années à Digne, Manosque ou Gap ?
Non même si je recroise des copains avec qui j’ai joué, des éducateurs que j’ai connus avant… Franchement, ça me convient bien. Je m’entends bien avec le président, Patrick Bel Abbes, c’est quelqu’un de bien, c’est important. On sait bien que l’on a des manques, des « moins », mais on essaie d’optimiser les « plus ».

Avec Patrick Bel Abbes, avez-vous un accord, au cas où, si un club te sollicite à nouveau et que le projet t’intéresse, tu puisses partir ?
Il n y a pas besoin de papier. Je sais très bien que, si jamais j’ai un projet qui m’intéresse, Patrick (Bel Abbes) me laissera partir pour mon bien, et je ne partirai pas comme un voleur. En fait, là, on profite l’un de l’autre. Lui profite du fait que je sois disponible et moi je profite du fait que cela soit une mission intéressante, dans le foot, qui me permet de rester chez moi.

Ton nom a circulé avec insistance pour occuper le poste d’entraîneur à Martigues, cet été : peux-tu nous en dire plus ?
J’ai eu la chance de rencontre Djamal Mohamed, le directeur sportif du FC Martigues, un club que je connais bien, et ça s’est super bien passé. Le FCM m’a fait une proposition. J’ai réfléchi longuement, mais je l’ai refusée. Parce que le boulot que je fais, il me plaît. La Ligue 2, je la connais quasiment par coeur… J’ai failli dire oui, j’ai eu un très bon contact avec les dirigeants, c’est un club sérieux, je pense qu’ils vont faire une bonne saison. Mais j’avais aussi le désir d’aller plus loin dans ma mission. Dans le football, il y a plein de métiers. Il n’y a pas que le métier d’entraîneur. Et ce métier-là, CTD, je ne l’avais pas encore fait. J’apporte mon expérience d’un côté et j’apprends de l’autre.

Ton refus à Martigues n’a donc rien à voir avec le fait qu’il y ait eu des incertitudes autour du projet (installations, présidence, effectif…) ?
Non, cela n’a absolument rien à voir. Je connais bien Martigues. Et je sais qu’il y a un gros potentiel dans ce club.

Plus généralement, est-ce que le foot, est-ce qu’entraîner en pro te manque toujours autant ?
Disons que ça me manque un peu moins, mais ça me titille encore, surtout pendant cette période actuelle de préparation, quand je vois les collègues sur le terrain, les matchs amicaux; après, comme dans tous les métiers, il y a des plus et des moins. C’est sûr que la partie « terrain », le relationnel avec les collègues éducateurs, les joueurs, les dirigeants, ça, oui, ça me manque, tout comme cette notion de management.

À côté de ça, il y a des parties qui ne me manquent pas du tout, comme les relations avec certains médias. Ce qui me dérange, ce que je déteste dans ce milieu de la presse, c’est l’entre-soi, le copinage. J’aime être jugé sur ce que je fais, même quand ce n’est pas bien. Parce que je suis comme tout le monde : on fait des bonnes choses et des moins bonnes choses.

Tu n’as donc toujours pas peur d’être oublié ?
Non, je n’ai pas peur. Si l’occasion d’entraîner en pro ne se représente plus, ce n’est pas grave, parce que je l’ai déjà fait. En soi, ce n’est pas vital, même si je sais qu’il y a une chance qu’on m’oublie. Et puis je vois bien qu’il y a une nouvelle génération d’éducateurs qui est arrivée. Pour autant, je pense qu’il n’y a pas de règle : le meilleur exemple, c’est Eric Roy. Il n’a pas entraîné pendant… Pendant combien de temps ? 11 ans ? Il est arrivé à Brest, il était frais, il a observé le foot pendant toutes ces années, de manière différente, et il a réussi.

Repartir sur un projet en National 2 ou même en National 3, c’est quelque chose de possible ?
Oui, pourquoi pas. Mais pas immédiatement. Je sais que j’ai vécu le foot à un niveau plus élevé mais il faut rester humble dans ce métier. Ce qui est important aussi, c’est de prendre du plaisir, même si je sais que plus haut, on peut prendre du plaisir aussi, ce que j’ai déjà fait.

Tu « bouffes » toujours autant de foot ?
Je m’y suis beaucoup remis, notamment dans le cadre de ma mission d’observateur pour l’équipe de France féminine d’Hervé Renard. Du coup, j’ai beaucoup regardé de football féminin. Je devais observer les éventuelles adversaires de l’équipe de France, je n’étais pas seul, on était plusieurs à le faire : on devait analyser l’Allemagne, l’Australie et les États-Unis. Franchement, je me suis vraiment régalé, c’est fou ! C’est du très bon niveau. J’ai analysé le jeu des États-Unis, c’était très riche, et du coup, cela m’a titillé… Parce que le football féminin, je suis passé à côté, alors que j’ai eu des possibilités à l’époque, et c’est très intéressant. C’est vrai, pour en revenir à ma passion du foot, il m’est arrivé de rater des matchs, et pour la petite histoire, j’ai raté le dernier France-Pologne à l’Euro parce que je croyais que c’était à 20 heures, mais en fait c’était à 18 heures !!! Alors ça, cela ne m’était jamais arrivé avant !

Et 13heuresfoot, dont tu es le parrain : tu lis les articles ? Tu en penses quoi ?
C’est très intéressant. Je lis quasiment tout le temps les articles. C’est rafraîchissant. J’aime le fait que le site mette en avant des gens moins connus, cela permet de mieux les connaître, et puis il y a toujours quelque chose à en retirer. Ce qui est bien aussi, c’est que le site va au fond des choses, il ne survole pas le sujet. Après, les interlocuteurs disent ce qu’ils ont envie de dire, mais on arrive à déceler les personnalités au travers des articles.

  • Lire aussi le portrait que nous lui avions consacré au lancement du site :

https://13heuresfoot.fr/actualites/fabien-mercadal-lhomme-des-collines/

  • Lire l’interview de Patrick Bel Abbes, le président du distrcit des Alpes :

https://13heuresfoot.fr/actualites/patrick-bel-abbes/

 

Texte : Anthony BOYER / Twitter : @BOYERANTHONY06 / mail : aboyer@13heuresfoot.fr

Photos : district des Alpes

  • Suivez-nous sur nos réseaux sociaux (Facebook, Twitter et Instagram) : @13heuresfoot
  • Contactez-nous (mail) : contact@13heuresfoot.fr