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Emmanuel Dorado : « Le foot, c’est ma vie ! »

L’entraîneur de Sainte-Geneviève-des-Bois (N2) évoque son parcours de joueur et de coach. Le Francilien, vainqueur de la Gambardella avec le PSG en 1991, a écrit les plus belles pages de sa carrière de stoppeur à l’étranger, notamment à Malaga (champion de D2) et à Livingston (vainqueur de la Coupe de la Ligue écossaise).

Il s’agit probablement d’un record impossible à établir à coup sûr. Au plus haut niveau professionnel, comme en amateur, la longévité d’un entraîneur à la tête d’une équipe est une certitude qui peut échapper aux radars des meilleurs statisticiens du football. Mais une chose est certaine : l’aventure d’Emmanuel Dorado comme coach principal de Sainte-Geneviève-des-Bois (N2) est remarquable.

Si le natif de Brou-sur-Chantereine (Seine-et-Marne) entame sa 14e saison dans l’Essonne (!), c’est une autre carrière qu’il a accepté de raconter, sans oublier de parler de son expérience de coach.

Photo Philippe Le Brech

A ses débuts avec le PSG, le garçon, solide défenseur central d’1m88, se fraie un chemin vers le monde professionnel à grands pas. Avec Pascal Nouma ou Richard Dutruel, il remporte la Gambardella en 1991. « Un trophée dont je suis particulièrement fier, ouvre Dorado. On était la première génération à la gagner au PSG, et on est d’ailleurs la seule encore aujourd’hui. Pour mes débuts, j’ai eu un cursus des plus classiques. Minimes au PSG, sport-études, centre de formation, équipes de France jeunes avec le Tournoi de Toulon et des entraîneurs comme Raymond Domenech, Henri Michel, Roger Lemerre… C’est quelque chose dont je suis fier aussi. Ce cursus normal m’a permis de décrocher un contrat pro au PSG. Mais en équipe première, il y avait une grosse équipe, avec l’entrée de Canal Plus. Alain Roche, Ricardo, Antoine Kombouaré, et aussi David Ginola ou Georges Weah. Puis j’ai eu la malchance d’avoir des problèmes de blessures qui m’ont un peu pénalisé ».

L’Espagne, Malaga, Almeria et la grand-mère…

Le genou d’Emmanuel Dorado le lâche en 1994 (rupture des ligaments croisés). Le gaillard décide alors, après un prêt à Angers en D2, de partir visiter la terre de ses ancêtres. « Je reviens à Paris alors que Luis Fernandez a repris l’équipe. C’est bouché, et je décide qu’il faut tenter l’aventure autre part. Etant d’origine espagnole, je n’avais pas forcément de problèmes d’acclimatation, et je signe deux ans à Almeria. La ville dont est originaire ma grand-mère ».

Presque un retour aux sources. Le défenseur ne le sait pas encore, mais ce mouvement va marquer le début d’une aventure aussi belle que la victoire en Gambardella. « Je fais deux grosses saisons à Almeria. En fin de contrat la seconde année, je suis recruté par Malaga, en 1998, et je fais quatre ans là-bas. Malaga, ça fait partie à la fois des grandes joies et des grandes peines de ma carrière ».

Dans le sud de l’Espagne, Emmanuel Dorado va vivre des années de légende, encore ancrées dans la mémoire des supporters andalous. « Je suis arrivé dans une ville très football, où il y avait 20 000 socios en D2 à chaque match, dans une ambiance extraordinaire. On a la chance et la qualité pour monter, et j’ai la chance de faire 34 matches avec Brahim Thiam en charnière. Ensuite un joueur avec un peu plus de poids que moi signe au club, je ne joue pas, je suis prêté, je reviens, puis je décide de partir en 2002 pour l’Ecosse. Mais j’ai particulièrement aimé mon passage en Espagne, sa qualité de vie, son ambiance, les excès de ses supporters, aussi ».

Il monte en Liga avec Malaga

Et un titre de champion de deuxième division, acmé de ce chapitre espagnol. « J’ai la chance d’avoir gardé un appartement à Malaga pour mes vieux jours, j’y reviens tous les ans, et il n’y a pas une année où on ne m’évoque pas cette montée en Liga. Pourtant, c’était en 1998. Malaga attendait ça depuis tellement longtemps. Il y a eu des scènes de liesse équivalentes à la France championne du monde en 98. C’était ça, un peu. Il y a eu un bus, des gens, c’étaient trois, quatre jours, des célébrations… On a à peine eu le temps de partir en vacances qu’on reprenait déjà ».

Mais en première division (Liga), le Français, pourtant pilier de la montée du haut de ses 34 rencontres, ne joue pas. « Dorado, vous êtes trop jeune, un jour vous comprendrez le football » lui délivre même son entraîneur.

La fameuse raison et le choix extra-sportif qu’évoquait le Titi sont là. Une recrue est arrivée pour le remplacer, cruel retournement de situation pour Emmanuel, alors même qu’il aurait pu quitter les Boquerones bien avant : « Lors de ma première année à Malaga, à la trêve, Luis Miguel Ramis, défenseur central prêté par le Real Madrid à La Corogne, se blesse. La Corogne veut donc me recruter, pour la Liga. Malheureusement, les dirigeants ne se mettent pas d’accord, et je continue à Malaga ».

L’été suivant, après le titre, c’est carrément le grand voisin, le FC Séville, qui veut le faire venir ! « On me fait comprendre du côté de Malaga que c’est impossible de me laisser partir à Séville, parce que c’est un peu la rivalité, comme celle qu’il peut y avoir entre le PSG et Marseille. Il est hors de question de me laisser partir à Séville ».

Le nord du Royaume-Uni, la flotte et les gens fantastiques…

Quitte à partir, alors, autant faire le grand écart. Le très grand écart. Quelque 2 500 km plus loin, dans le nord de l’Europe, non loin d’Edimbourg, à Livingston. Pourquoi, alors, troquer le soleil andalou et un cadre de vie objectivement agréable contre la bruine écossaise et le haggis (spécialité à base de panse de brebis farcie) ?

« Au départ, je ne connais pas du tout Livingston, comme pas mal de gens je pense. Mais il y a plusieurs joueurs espagnols qui sont là-bas, car le club travaille avec une cellule de recrutement espagnole, il y a un gardien, un ancien joueur du Real Madrid… Plusieurs connaissances me disent ‘’Manu, il n’y pas le soleil, mais franchement niveau football, c’est génial‘’. Je suis sur la plage à Malaga, mon agent m’appelle et me dit ‘’On part en Ecosse, faut que tu voies les installations’’. Première impression, je me dis : ‘’Hors de question. Impossible. Je ne peux pas partir de Malaga en plein été, 32 degrés, et j’arrive en Ecosse où il pleut, ils ont les gants, il fait 10 degrés, et on est au mois de juillet’’ ».

Effectivement, le delta thermique ne fait pas nécessairement envie. Mais le stoppeur commence à s’entraîner avec le club, les offres n’arrivent pas sur le bureau de son représentant, et l’équipe dispute la Coupe de l’UEFA. Le rebond sera écossais, se dit le Seine-et-Marnais. Dans un club « extraordinaire, à l’ambiance extraordinaire, avec des gens fantastiques, du Nord, froids d’apparence, mais toujours prêts à ouvrir leur porte pour vous accueillir », les débuts sont toutefois compliqués. La blessure, ce satané fil d’Ariane de la carrière d’Emmanuel Dorado, revient au galop. Le genou qui l’avait déjà trahi refait parler de lui, le cartilage explose à l’entraînement.

… Et un nouveau titre !

Sous le maillot de Livingstone (Ecosse)

« Le club a été parfaitement conciliant, a tout payé, m’a renvoyé en France où je me suis fait opérer. Il n’y avait pas de soucis, ils voulaient que je sois à 100 %, dans les meilleures conditions. Quand je reviens, j’ai la grande surprise de voir Guillermo Amor à l’entraînement (37 sélections avec la Roja, plus de 400 matches avec le Barça entre 88 et 98, ndlr), un énorme joueur du FC Barcelone de l’époque de Cruyff. Je me dis, ‘’Pu****, j’ai pas joué avec Guillermo Amor, les boules !’’. Il ne reste pas, moi, j’avais signé 4 ans, et je repars l’année suivante avec un genou tout neuf. »

Et si les débuts sont douloureux, la suite sera magnifique. En 2004, dans un souvenir que tous les supporters de la ville de 50 000 habitants du West Lothian ont encore imprimé sur les rétines, la formation de Dorado remporte la Coupe de la Ligue écossaise. « I was at the game in 2004… Dorado was very solid, strong and a great gentleman. The after season party was immense (j’étais au match en 2004, Dorado était vraiment solide, fort, un grand gentleman. La fête de fin de saison fut immense) », écrit même un fan sur YouTube, en-dessous d’une interview du podcast Not the Old Firm, qui met en avant les équipes hors Old Firm, le nom du derby de Glasgow entre le Celtic FC et les Rangers.

« On bat Hibernian à Hampden Park, rempli aux trois-quarts par les fans adverses. La petite ville de Livingston est représentée par un quart des tribunes. L’ambiance était extraordinaire. Toutes les finales sont belles à jouer, quel que soit le pays, mais celle-là était extraordinaire. Je me sens chanceux, malgré les pépins physiques qui m’ont empêché de franchir un palier supplémentaire. J’ai gagné trois titres, la Gambardella, le titre de D2 avec Malaga et cette Coupe en Ecosse. La finale est extraordinaire parce que j’ai de la famille en tribunes, mon frère, et qu’on est le petit poucet que personne n’attend, car le club sort d’une situation économique difficile où il avait dû licencier des joueurs. Un ensemble de choses qui fait qu’on ne pouvait pas perdre ».

Encore aujourd’hui, le souvenir donne la chair de poule à l’ancien joueur, qui évoque, gêné, des gens très respectueux qui n’oublient pas et qui viennent le voir à l’aéroport pour le remercier avec un « You was my legend » ici, une célébration des 20 ans de la victoire dans une salle avec ovation de deux minutes de 3 000 supporters là. « Ce sont des choses qu’on ne peut pas oublier ».

Vidéo : résumé de la finale de la Coupe de la Ligue remportée avec Livingstone contre Hibernians 2 à 0 en 2004 !

Le post Twitter après la finale :

https://twitter.com/spfl/status/973853752548515840

Vidéo : interview d’Emmanuel Dorado en 2021

Depuis 14 ans, son football s’écrit à Sainte-Geneviève !

Yes, ce sont des choses qui ne s’oublient pas. Et le genre d’expériences et d’histoires qui se racontent. Dans un autre type de football, moins professionnel, tout aussi humain, le coach de Sainte-Geneviève (N2) fait forcément passer un peu son vécu : « En tant qu’entraîneur, j’essaie de mettre en place ce que j’ai pu apprendre dans les différents pays ».

« Je vais vous faire une confidence, rebondit ensuite Dorado. Quand je reviens en France, après Livingston, j’entraîne Coulommiers. On monte en PH. Eh bien c’est un de mes meilleurs souvenirs, j’en suis très fier. C’est un titre. Et il n’y a pas de titre bradé, tous les titres sont importants ».

Photo Philippe Le Brech

Un révélateur de sa mentalité, et de la passion pour le football qui l’anime. Comme entraîneur, l’homme de 49 ans veut ainsi transmettre toute son exigence à ses éléments, en N2. « L’entraîneur qui a débuté il y a 14 ans n’est plus le même qu’aujourd’hui. J’arrivais avec des certitudes, des exigences du monde pro, dans un club 100 % amateur, où on s’entraîne le soir, car les garçons travaillent tous. Ils ne sont pas forcément impliqués à 200 % comme je pouvais l’être, parce que moi, le football, c’est ma vie. Il m’a beaucoup donné, même s’il m’a beaucoup pris, aussi. J’avais donc des exigences en arrivant que je ne pouvais pas avoir avec des joueurs amateurs. Je suis admiratif d’ailleurs car je ne fais que du foot et eux travaillent, je dois tirer le meilleur d’eux-mêmes. Il faut être psychologue, pédagogue. Je leur dis que tout ce qu’ils ont vécu, je l’ai vécu aussi ».

Pas de quoi entamer la passion et la motivation de l’ancien joueur. Quatorze ans plus tard, le technicien est donc toujours en poste dans l’Essonne, au sein d’un club familial. « On me laisse travailler à ma manière, sans interférer dans mes décisions, jamais. Le directeur sportif est un ami, le président est devenu un ami. J’accorde beaucoup d’importance à l’humain ».

L’autre fil rouge de la carrière d’Emmanuel Dorado. Une histoire et un chemin habités par l’humain, le football, et la vie.

Vidéo : le résumé de la finale de Gambardella remportée par PSG en 1991

https://histoiredupsg.fr/video-1991-la-derniere-gambardella-du-psg

Emmanuel Dorado, du tac au tac

« J’ai gagné au Nou Camp face au Barça ! »

Coéquipier le plus fort avec lequel tu as joué ?
Deux monstres, Georges Weah et David Ginola.

Le coéquipier le plus fou que tu aies côtoyé ?
Catanha, en Espagne à Malaga. Il était particulièrement perché ! J’étais devant dans le bus, il lisait la Bible, et toutes les deux minutes, il s’arrêtait, posait la Bible, et mettait une dizaine de coups de poings dans mon siège. C’était sa façon de se motiver.

Le coéquipier perdu de vue que tu aimerais revoir ?
Bernard Allou, du PSG, un joueur que j’aimais beaucoup. On échange de temps en temps mais on ne s’est pas vus depuis longtemps. Edvin Murati aussi, un Albanais, avec une histoire impressionnante, qui était passé par la frontière caché dans un camion. Philippe Brunel également, croisé au Bataillon de Joinville (équipe de France militaire).

Le joueur le plus fort affronté ?
Roy Makaay, à La Corogne. Il m’avait posé des problèmes…

Une équipe, adverse ou pas, qui t’a bluffé ?
Le Barça. La philosophie de jeu, repartir de derrière. Impressionnant. Et pourtant, on a gagné au Nou Camp avec Malaga ! Il y avait Fred Déhu, van Gaal… Mais le Barça, c’est positif et négatif en même temps. C’est-à-dire que le Barça fait des choses que très peu sont capables de faire, et malheureusement en amateur on veut faire du Barça, mais on n’est pas le Barça !

Ton meilleur souvenir ?
Les trois victoires. Je ne peux pas différencier les trois, la Gambardella, l’Espagne avec le titre de D2 et l’Ecosse avec la Coupe.

Ton pire souvenir ?
Les blessures. Le moment de la blessure, et quand on comprend qu’on va être « out » pendant six mois.

L’entraîneur qui t’a marqué ?
Roger Lemerre. Par sa personnalité. Atypique. Quelqu’un d’entier, de profondément humain. Un peu perché quand même, il fallait le suivre des fois ! Mais intéressant, intéressant…

Le stade qui t’a le plus impressionné ?
J’ai eu la chance, lors d’une de mes premières sélections en équipes de France jeunes, de jouer à Wembley. Le vieux Wembley, qui n’existe plus aujourd’hui malheureusement. On avait joué en lever de rideau d’un Angleterre-Uruguay. J’avais 15-16 ans, se retrouver à Wembley devant 60 000 personnes, ça impressionne… Et puis c’était un stade mythique. J’aime beaucoup le Parc des princes aussi. Et j’ai eu la chance de jouer à Bollaert, avec Sainte Geneviève contre la réserve, les chants d’avant-match, ça donne la chair de poule. J’ai d’ailleurs un très très bon contact avec Franck Haise, l’entraîneur du RC Lens. Je suis un grand supporter de cet entraîneur. C’est quelqu’un de simple, qui n’a pas changé, qui a gardé ses valeurs. C’est plutôt rare dans le monde du football actuel.

Texte : Clément Maillard / Mail : contact@13heuresfoot.fr / Twitter : @MaillardOZD

Photos : Sainte-Geneviève Football-club et Philippe Le Brech