Entraîneur-adjoint en Ligue 2, responsable de la formation et du pôle seniors, coach de la réserve : l’ex-joueur de Reims, du Red Star et de Créteil multiplie les casquettes à l’US Concarneau, où il a achevé sa carrière de joueur et où il se plaît beaucoup, à la fois au club et dans la région.
« Je forme des citoyens avant de former des joueurs »
« Tu veux une petite bouteille d’eau? » Il est 19h à Concarneau où il fait encore si chaud en cette fin du mois d’août que Danilson Da Cruz a pitié du suiveur de son match amical avec l’équipe réserve de l’US Concarneau (R1). Une attention qui résume un personnage à la générosité à fleur de peau. « Dans le foot, moi ce qui m’intéresse, c’est le côté humain. La com’ du club m’a dit que tu voulais qu’on se voit. On fait ça quand ? Demain ? D’accord. Vers midi alors, après la séance d’entraînement de la Ligue 2. »
Car Danilson Da Cruz est également coach-adjoint chez les pros auprès de Stéphane Le Mignan. En plus d’être le responsable de la formation et du pôle seniors à l’US Concarneau où il entraîne aussi l’équipe réserve. Quatre casquettes qui lui vont bien. « Je forme des citoyens avant de former des joueurs. »
Pile à 13h…
Danilson Da Cruz est un homme de terrain mais il nous invite à découvrir son bureau, en haut d’un Algeco à étage. Avec vue sur mer et sur un coin du terrain d’honneur du stade Guy-Piriou où les travaux d’homologation pour la Ligue 2 sont toujours à l’arrêt… L’entretien a commencé à midi et il se termine une heure plus tard : pile à 13h ! Comme un clin d’oeil à 13 heures foot !
L’homme est un bon client. Du genre à ne pas attendre les questions pour faire les bonnes réponses.
Arrivé en septembre 2019 à Concarneau, à l’époque où Benoît Cauet entraînait les Thoniers en National, Danilson Da Cruz n’en est plus reparti. « On se plaît trop bien ici avec ma femme. »
L’homme à la quinzaine de montées et aux 247 matchs en National (114) et en Ligue 2 (133), de Créteil à Nancy en passant par le Red Star et Reims, a posé ses valises en bord de mer et troqué son maillot de joueur contre la casquette d’entraîneur aux multiples fonctions. A 37 ans, son projet de vie dans le foot se situe à bord des Thoniers où il a très bien embarqué.
LE JOUEUR
« Mon maillot avec le nom derrière »
247 matchs en National (114) et en Ligue 2 (133). « C’est une belle carrière, franchement, je ne pensais pas faire ça. Quand j’étais petit, j’avais un seul objectif : que mes parents puissent trouver mon maillot avec le nom derrière. C’était juste ça mon objectif. Et je l’ai atteint à Créteil (2009) quand j’ai signé mon premier contrat à 23-24 ans. Avant, j’étais livreur de pizzas et expert en malbouffe car, comme je n’ai pas fait de centre de formation, je n’ai pas eu tous les codes de la diététique. J’ai toujours eu tendance à prendre du poids donc c’était énormément de contraintes durant ma carrière de footballeur. Et depuis que j’ai arrêté, j’ai dû prendre une bonne vingtaine de kilos mais ce n’est pas un souci car ce n’est plus moi qui dois courir ! En fait, la saison où je débute avec le moins de poids, c’est quand je suis à Reims et je suis à 86 kg (pour 1,88m). »
« On n’est pas monté, je pars »
Le Franco-Capverdienne, qui compte plusieurs sélections avec les Requins Bleus, n’a pas commencé le foot sur le sable des plages de cet état insulaire d’Afrique de l’Ouest. « Je suis né en France, en région parisienne, et j’ai commencé le foot à l’âge de 4 ans dans un petit club de quartier à Créteil, raconte Danilson Da Cruz. Après, à 6 ans, et jusqu’à environ mes 16 ans, j’ai joué à Saint-Maur Lusitanos avant de passer cinq saisons jusqu’en seniors à la VGA Saint-Maur où on est monté deux ou trois fois de PH à DSR. Après, il y a une année où on n’est pas monté donc je pars (sourire) à l’UJA Alfortville, en CFA. Mais je ne jouais pas, je n’avais pas du tout de temps de jeu, donc fin novembre je décide de partir et je vais à l’Ararat Issy-les-Moulineaux où je joue six mois en CFA 2. A 22-23 ans c’est ma première saison où le niveau national commence vraiment pour moi et je signe ensuite à l’US Créteil pour le groupe CFA 2. Mais j’intègre rapidement l’effectif National et c’est là que les choses commencent. »
Accession en Ligue 2 avec Créteil puis avec le Red Star
« J’étais plutôt défenseur central. Enfin, j’ai commencé milieu défensif, après je suis descendu en défense centrale quand j’étais à l’US Créteil, et ensuite j’ai rebasculé en milieu défensif quand j’étais au Red Star. Je pouvais jouer aux deux postes. Avec Créteil, on est monté de National en Ligue 2 (2012-13). Au Red Star aussi, on est monté de National en Ligue 2 (2014-15) et là, alors qu’on est promu, on fait une saison extraordinaire et on échoue à un point de la montée en Ligue 1 alors qu’on avait notre destin entre les pattes. »
« A Reims, on se sentait invincible »
« Après je pars à Reims qui venait de descendre de Ligue 1. La première saison on se maintient en Ligue 2 et la deuxième on monte en Ligue 1 (2017-18) avec un record de points (88) et une aventure humaine extraordinaire. On se sentait invincible. Avec les supporters, il y avait tout un club derrière nous, on allait tous dans le même sens. Il me restait un an de contrat, je me pose, je prends le temps de réfléchir, et je ne me sens pas d’aller en Ligue 1. Je suis un homme de vestiaire et je sais que la Ligue 1 est sur-médiatisée et qu’il y aura des comportements qui me dérangeront. J’ai toujours privilégié les relations humaines et je ne voulais pas du football bling-bling. Je voulais partir avec une bonne image vis à vis de tout le monde en fait. »
« A Nancy, je me suis mis au milieu de la cible »
« Mais l’erreur que j’ai faite, en partant en Ligue 2 à Nancy (2018-19), c’est d’accepter le rôle de capitaine. J’ai toujours été capitaine mais là je n’aurais pas dû. Je me suis mis au milieu de la cible, on attendait énormément de moi, que je fasse la différence, des exploits, alors que moi mon rôle, ça a toujours été de faire en sorte que ceux qui sont autour de moi soient plus forts. Moi, j’étais un travailleur de l’ombre et à Nancy, on attendait autre chose de moi. Résultat, je me blesse, une grosse rupture au niveau de l’insertion de l’ischio et quand je reviens il y a eu un changement de coach (Alain Perrin à la place de Didier Tholot) et des choix ont été faits sans moi. Mais ils étaient bons puisque Nancy a finalement réussi à se maintenir. Il me restait deux années de contrat (dont une en option), mais sincèrement, pour moi, je ne pouvais pas aller plus haut que ce que j’avais fait avec Reims. »
« Concarneau m’envoie des photos des Iles Glénan »
« Je voulais retrouver un équilibre et me rapprocher de la vérité du foot amateur pour préparer l’après. J’avais connu Pierre L’Hotellier à Reims et il m’appelait deux fois par jour pour que je vienne à l’US Concarneau dont il était devenu le directeur administratif. Le coach, Benoit Cauet, m’appelle aussi, Michel Jestin également, on m’envoie des photos des Iles Glénan pour me montrer que c’est bien de vivre au bord de la mer. Le Red-Star m’avait aussi sollicité mais je ne voulais plus retourner dans la région parisienne. Le Mans m’avait également appelé mais j’avais donné ma parole à Concarneau. Donc j’arrive ici et je vois que je ne me suis pas trompé : un club familial, une ambiance magnifique, et des supporters qui sont toujours là… J’adore ce qu’ils dégagent ! »
L’ENTRAÎNEUR
La bascule de joueur à entraîneur
« Après l’intérim de Pascal Laguillier, qui avait remplacé Benoit Cauet à la fin de ma première saison à Concarneau (2019-20), dès que Stéphane Le Mignan est nommé entraîneur, on discute avec lui et avec Jacques Piriou, le président. Il me restait un an de contrat, mais on décide dans un premier temps d’arrêter. Sauf que Jacques savait que le président du Red-Star, Patrice Haddad, voulait me récupérer comme entraîneur à la fin de ma carrière de joueur et donc il me dit : « tu es au club, pourquoi tu ne resterais pas chez nous? »
« Revenir dans l’amateurisme »
« J’avais la possibilité d’aller entraîner dans un centre de formation, je pouvais aussi être coach-adjoint, mais je lui réponds « c’est simple, je vais continuer à Concarneau ! ». J’ai fait le choix de rebasculer pour revenir vraiment dans l’amateurisme même si, depuis, le club est monté en Ligue 2. J’avais déjà passé mon initiateur 1 et 2 et animateur seniors quand j’étais jeune, et plus ça avançait dans ma carrière de joueur, et plus je grappillais, avec toujours en tête de pouvoir faciliter mes accessions vers les futurs diplômes. Car plus tu as un nombre important de matchs pros et plus ça te permet d’accéder plus facilement aux formations. »
Le BEF et le DESJEPS à Concarneau
« Donc la saison suivante à Concarneau (2020-21), je passe mon BEF, je prends les U17 et malgré le confinement qui arrive, il y a des choses qui sont mises en place dans le jeu. La saison d’après (2021-22), je ne suis plus sous contrat fédéral, mais avec mon épouse, on décide de rester car on se plaît à Concarneau. Je reprends les U17, des bosseurs qui ont du caractère et ils terminent invaincus. Je les ai suivis la saison suivante en U18 (2022-23) et on refait une saison extraordinaire : que des victoires et la Coupe de Bretagne! Et j’ai passé aussi le DESJEPS qui permet d’entraîner jusqu’en National 2. Le prochain diplôme, ce sera soit le BEPF soit le formateur si le club se maintient en Ligue 2. Car ça voudrait dire que dans deux saisons, il va falloir ouvrir un centre de formation et il faudrait donc avoir des éducateurs qui ont le formateur. Ce serait un choix pour le club mais ça me servira aussi, donc c’est gagnant-gagnant. »
D’abord joueur ou d’abord entraîneur ?
« C’est une bonne question ! Je suis joueur depuis que je suis tout petit. J’ai toujours eu un ballon dans les pieds mais dès l’âge de 16 ans, je me suis intéressé au rôle d’éducateur. Je pense que, par la suite, j’ai fait ma carrière de joueur pour être entraîneur. Oui on peut dire que je suis entraîneur dans l’âme. J’ai toujours su que j’entraînerais. A 16 ans, j’ai pris pour dépanner un groupe de débutants, donc des 5-6 ans, j’ai adoré, et dans la même saison je suis passé directement à des plus grands, des benjamins à l’époque, j’ai toujours coaché, même quand je jouais en Ligue 2, je coachais en parallèle, jusqu’à ce que j’aille à Reims. Il y a eu quatre saisons où j’étais entre le National et la Ligue 2 et en parallèle j’entraînais des jeunes ou des féminines. »
« Si ça marche cette année ce sera grâce à cette première décision »
« A la fin de la saison dernière, Stéphane Le Mignan me dit qu’il compte sur moi pour la responsabilité de la formation et qu’il me considère comme un adjoint, un adjoint à la formation. A ce moment-là, il a déjà en tête que je vais retranscrire en réserve ce qu’il essaye de mettre en place en équipe première. Et après, avant le début de la prépa de la Ligue 2, il me dit qu’il aimerait que je sois là aussi, au moins au début, le temps que les nouveaux arrivent pour qu’ils m’identifient comme le coach de la réserve. Stéphane m’a mis dans les meilleures conditions parce que je suis avec eux au quotidien. Les joueurs, quand ils descendent en réserve, ils ne découvrent pas un autre coach. A l’entraînement, je suis amené à leur dire des choses, donc quand ils descendent, ils ne vont pas en équipe réserve, ils vont dans la continuité de la première… Et si ça marche cette année, ce sera grâce à cette première décision. Cette idée-là est extraordinaire et elle me met dans un confort total. Vraiment. Après ce sera à moi de gérer, t’es face à des joueurs, à leur égo, ils descendent de Ligue 2, il ne faut pas qu’ils le prennent comme une punition, mais bien comme du temps de jeu en réserve pour re-postuler tout de suite dans de bonnes conditions en première, sans se brûler les ailes une fois de plus. »
Danilson Da Cruz, du tac au tac
« Marvin Martin avait offert le jeu FIFA à tout le monde »
Combien de montées en cumulant les deux carrières de joueur et d’entraîneur ?
En jeunes, je suis souvent monté. Mes premières années seniors aussi, en Ligue, j’ai fait trois montées consécutives, et quand j’étais entraîneur tout en jouant, il y a eu des accessions aussi, par exemple avec les féminines de Saint-Maur… Donc, en ajoutant à tout ça les montées en pro avec Créteil, le Red-Star et Reims, ça doit bien faire une quinzaine !
La plus belle ?
La montée en Ligue 1 avec Reims en 2018. Je suis capitaine, je fais en sorte que tout aille bien toute la saison. C’est l’apothéose de ma carrière.
Meilleur souvenir de joueur ?
Avoir joué au Bernabeu avec Reims.
Un regret ?
La saison à Nancy (2018-19). C’est la plus compliquée. Mais pas forcément à cause du club, à cause de moi aussi.
Meilleur souvenir d’entraîneur ?
J’en vois deux. La saison dernière avec les U18 de Concarneau : c’était vraiment extraordinaire avec la montée en U19 Nationaux et la Coupe de Bretagne. Mais Il y a aussi une saison avec les féminines de Saint-Maur. On monte de D2 en D1 avec 22 victoires sur 22 matchs ! La saison parfaite, comme l’année dernière en fait, il y a match entre les deux.
Le pire souvenir d’entraîneur ?
Avec les U19 aux Lusitanos de Saint-Maur où on finit par descendre alors qu’en début de saison on jouait la montée. C’est le point noir.
Le plus beau stade ?
Bernabeu avec Reims contre le Real (défaite 5-3) en 2016 (16 août). C’était l’anniversaire de la finale de la Coupe d’Europe (rencontre de gala dans le cadre du 60e anniversaire de la première finale de la Coupe d’Europe des clubs champions qui avait opposé les deux clubs au Parc des Princes).
Le meilleur entraîneur ?
Il y en a plusieurs. Jean-Luc Vasseur (Créteil), Rui Almeida (Red-Star), David Guion (Reims)… Mais au-delà des coachs, il y a aussi des staffs, Stéphane Dumont, le coach de Guingamp aujourd’hui, mais l’adjoint de David Guion à Reims à l’époque, et en préparateur athlétique Laurent Bessiere qui est à Nice maintenant, pour moi c’était le staff extraordinaire. Au Red-Star, il y a eu aussi Rui Almeida, c’était magnifique également, une autre méthodologie, en adjoint Manu Pires qui est aujourd’hui aussi à Nice, et Faouzi Amzal, l’entraîneur des gardiens, c’est mon ami. J’ai eu beaucoup de belles rencontres dans ma carrière de joueur.
Le pire entraîneur ?
Pas le pire mais celui avec lequel j’ai eu la situation la plus délicate car il m’a mis de côté, c’est Alain Perrin à Nancy (2018-19). Mais je reconnais entièrement ses qualités d’entraîneur. Quand il prend l’équipe, on est limite condamné à descendre et au final on se maintient en Ligue 2.
Le meilleur président ?
Là-aussi il y en a beaucoup. Mais Jean-Pierre Caillot, à Reims, c’est différent.
La meilleure causerie d’entraîneur ?
David Guion à Reims, il avait des super causeries. Et Jean-Luc Vasseur aussi, à Créteil, c’était très costaud.
Et une causerie où les joueurs n’ont rien compris ?
Rui Almeida, au Red Star (2015-16), à cause de la barrière de la langue. Pour beaucoup de joueurs c’était très peu compréhensible. Mais pour moi non, je suis capverdien donc le portugais je comprends aussi. Donc j’étais son relais.
Le partenaire qui t’a le plus impressionné ?
Je ne peux pas. Il y en a trop… Edouard Mendy avant qu’il n’aille à Rennes et à Chelsea, mais nous à Reims on avait déjà décelé que c’était un top gardien, Diego Rigonato, un génie ce joueur, pareil à Reims, Jean-Michel Lesage à Créteil, très très fort aussi, Hamari Traoré, à Reims et après à Rennes, et Marvin Martin, ah oui, c’était Marvin Martin le plus fort, à Reims!
Et L’adversaire ?
Kroos. Toni Kroos. C’est le meilleur joueur que j’ai rencontré. Pourtant, je ne suis pas du tout supporter du Real, mais c’est le meilleur, c’est impressionnant. Et là tu dis qu’on ne fait pas du tout le même sport.
Une anecdote qui n’est jamais sortie du vestiaire ?
Quand je suis à Reims, Marvin Martin signe chez nous. Et un matin, t’arrives dans les vestiaires, et dans tous les casiers des joueurs et du staff, il y a le nouveau jeu FIFA de l’année. Avant même qu’il ne sorte. 80 balles le jeu. C’était Marvin. Et là tu te rends compte de la personne que c’est. C’est fort. Et tu vois, ça c’est une anecdote qui reste dans le vestiaire, mais pour moi c’est plus qu’une anecdote de vestiaire, c’est une anecdote humaine.
La meilleure ambiance d’après-match ?
J’adore faire la fête. Pour les joueurs, après les matchs, c’est impossible de dormir, donc les années où ça se passe super bien, ou t’as que des victoires, forcément tu sors. Et moi ce que j’adorais c’est qu’on se retrouve à 15 ou 20 joueurs et c’est ça aussi qui a fait notre cohésion durant les belles saisons. Et au-delà du foot, ça devient une aventure humaine. Partout où j’ai été, j’ai toujours voulu que ça se passe comme ça.
Texte : Denis Vergos / Twitter : @2nivergos / Contact : dvergos@13heuresfoot.fr
Photo de couverture : Christian Rose Cornouaille Photo
Photos : Christian Rose Cornouaille Photo, Denis Vergos (sauf mentions spéciales)
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