Après avoir raccroché les crampons en 2014, le 2e meilleur buteur de l’histoire du National s’est lancé dans le métier d’entraîneur. L’actuel coach de Salon Bel Air (Régional 2) revient sur sa carrière, ses choix, et évoque son caractère, qui lui a peut-être fermé les portes de la Ligue 2. Portrait.
Cyril Arbaud était un joueur très convoité dans les années 2000. Pour une raison simple : il mettait des buts ! Forcément, les clubs voulaient s’attacher les services de ce finisseur, de ce « baroudeur » qui a beaucoup bourlingué durant sa carrière. Un buteur estampillé « National », la division où il a le plus souvent évolué (224 matchs à Louhans-Cuiseaux, Roye, Laval, Istres, Cannes et Rouen), la division où il a le plus marqué, donc, au point de devenir le 2e meilleur buteur de l’histoire du championnat, avec 85 buts, derrière Kevin Lefaix et ses 87 réalisations. « 85 ? Mais il me semble que l’on a oublié de me comptabiliser certains buts, je ne suis pas sûr, lance celui que tout le monde appelle Cissou ».
L’OM, son club de coeur
Depuis la fin de sa carrière, à Marignane-Gignac, en National 2, en 2014, « Cissou » est passé de l’autre côté. Désormais, il ne compte plus les buts mais les ballons dans le sac à la fin des entraînements qu’il dirige.
Après quatre ans à Marignane avec la réserve et une accession de Régional 1 en National 3 (mais son équipe n’a pu accéder à l’étage supérieur en raison de la descente de National en N2 de l’équipe fanion), puis deux ans comme adjoint à l’Entente UGA Ardziv Marseille (N3 et R1), le voilà depuis l’an passé aux commandes de Salon Bel Air, en Régional 2, à Salon-de-Provence, à une petite demi-heure de chez lui : « J’habite aux Pennes-Mirabeau, entre Aix-en-Provence et Marseille, je mets 25 minutes en scooter pour aller au club ! ».
« C’est ma deuxième saison à Salon Bel Air, explique l’ancien « minot », passé par le centre de formation de l’OM dans les années 90; on structure le club petit à petit, il y a eu du renouveau cette saison, on repart quasiment de zéro, avec une politique de jeunes. On s’est donné quelques moyens, on a recruté quelques bons joueurs, des jeunes, que l’on essaie de mettre dans de bonnes conditions. Il faudrait que l’équipe fanion retrouve la R1 même si cette saison ça va être compliqué. On se donne deux ou trois ans. »
Un joueur de … caractère !
Toujours autant passionné de football – « Chaque week-end, je regarde les résultats des clubs où je suis passé, j’ai gardé beaucoup de liens aussi », – Cissou le Marseillais n’a malheureusement jamais pu jouer en pro dans son club de coeur, à l’OM : « J’ai commencé le foot à l’USPEG Marseille, puis je suis allé à l’OM et à l’âge de 14 ans, je suis parti à Vitrolles, avant de revenir à l’OM en U17 nationaux et là, j’ai passé 3 ans au Centre de formation. C’était magnifique. Même si c’était une super époque, c’était compliqué pour les jeunes. En fait, il s’est passé quelque chose lors de ma dernière année : je suis parti faire un essai à Caen, sans que l’OM ne le sache, et j ‘y suis même allé trois fois; ensuite, ça s’est su et l’OM ne l’a pas bien pris. L’histoire s’est terminée comme ça, en queue de poisson. C’est dommage, mais c’était mon choix. J’avais envie de voir ce qui se passait ailleurs. J’ai passé des moments extraordinaires avec les copains au centre, où Georges Prost m’a appris beaucoup de choses. »
Finalement, Cyril signera à Porto-Vecchio, en CFA, après avoir découvert ce championnat avec la réserve olympienne. Puis il se forger une solide réputation à l’échelon au-dessus, en National, sans jamais connaître la Ligue 2. Une anomalie sur un CV bien garni, qu’il explique par ses choix de carrière, notamment quand il a quitté Istres après une accession en Ligue 2 pour s’engager à Cannes en National, alors qu’il lui restait un an de contrat avec le club provençal, et aussi, peut-être, par son caractère bien trempé, ce qui a pu freiner les ardeurs de quelques dirigeants. « J’avais une réputation de joueur ingérable, de caractériel, parce que quand je n’aimais pas quelque chose, je le disais à ma manière, je le faisais ressentir, je prenais la parole pour tout le monde, et c’était mal perçu. Mais j’étais comme ça, c’était moi, je vivais football, je vivais collectif. C’était pour faire évoluer les choses, pas pour semer la zizanie. »
Cyril Arbaud, du tac au tac
« A Rouen, le stade était bouillant ! »
Meilleur souvenir sportif ?
C’est la montée en L2 avec Istres
Pire souvenir sportif ?
Ma blessure au genou, les croisés, à Roye, j’ai manqué six mois, j’ai mis du temps à revenir, du coup je n’ai fait qu’un match avec l’équipe, c’est dommage car le club est descendu et je pense que j’aurais pu les aider à batailler pour le maintien en National. Je m’étais fait ça à l’entraînement, sur une reprise d’appui, après un duel. La classique quoi.
Ton plus beau but ?
Peut-être pas le plus beau mais celui qui m’a amené le plus de satisfaction, avec Porto-Vecchio, en CFA, contre les Girondins de Bordeaux, en 16e de finale de la Coupe de France (février 2000), à Furiani. On était coaché par François Ciccolini. Le stade était à nos couleurs, en rouge et blanc. J’égalise. C’était une émotion particulière. J’ai ressenti comme une vague de supporters déferler des tribunes contre moi, ça m’a vraiment marqué, c’était au début de ma carrière. Mais ensuite, à 1-1, ils ont fait rentrer Dugarry, il a fait un festival, et on a perdu (1-4). Je n’ai joué qu’une année en corse mais ce fut exceptionnel. En plus, juste après, je suis parti dans le Nord. Vraiment une super expérience. J’ai gardé des liens, notamment Coco Aubanel, on va se retrouver face à face d’ailleurs dimanche en championnat puisqu’il entraîne Saint-Maximin, en R2.
La fiche technique du match (16e de finale de coupe de France, le 12 février 2000).
Porto-Vecchio – Girondins de Bordeaux 1-4 (1-1). Buts. – Porto-Vecchio : Arbaud (38′); Bordeaux : Laslandes (18′), Dugarry (58′, 69′), Martins (76′). 4 000 spectateurs.
Porto-Vecchio : Massoni, Akaouch (Puech 80′), Lassource (Guyot 80′), Estabes, Belarbi, Aubanel (Carapuca 70′), Soliveres, Marchetti, Ouombleon, Aït-Yahia, Arbaud. Entraîneur : François Ciccolini.
Girondins de Bordeaux : Ramé, Afanou, Saveljic, Diabaté, Bonnissel, Grenet, Pavon, Ziani (Martins 74′), Micoud, Wiltord (Dugarry 57′), Laslandes. Entraîneur : Elie Baup.
Plus beau raté ?
C’était à Louhans-Cuiseaux, sur une passe en retrait de Loïc Nieto, contre Besançon, qui était monté en L2 cette saison-là. On était au coude à coude avec eux en championnat. A 1-1, alors que j’avais égalisé, j’ai la balle du 2-1, et alors que je suis à un mètre du but, j’arrive à la mettre à côté ! J’avais déjà les bras en l’air ! Ce sont des choses qui arrivent !
Un stade, un club ?
L’Olympique de Marseille et le Vélodrome, ça va de paire.
Le club où tu as failli signer ?
Valenciennes et aussi Bastia, quand j’étais à Cannes : je voulais vraiment y aller mais Cannes m’a bloqué, je me suis disputé avec eux, et finalement, je suis allé à Rouen en National. Je n’ai aucun regret. Mais ce sont deux clubs où j’aurais pu jouer.
Un coéquipier ?
Cédric Rémy. Un ami. Un joueur aussi qui m’a toujours fasciné par sa simplicité et sa qualité technique. C’est un joueur que j’ai connu au début de ma carrière pro, à Louhans-Cuiseaux, et je n’ai plus jamais retrouvé un joueur aussi fort que lui. Il m’a impressionné. Il avait un pied gauche magique. Et pourtant j’en ai côtoyés quelques-uns ! C’était un vrai numéro 10 et pour moi qui suis attaquant, c’était extraordinaire de jouer avec lui.
L’équipe où tu as pris le plus de plaisir ?
Collectivement et individuellement, je dirais Istres, avec l’accession en Ligue 2 au bout.
Une erreur de choix de carrière ?
Je ne suis pas quelqu’un qui regrette les choses, je suis quelqu’un qui s’adapte facilement quelque part, maintenant, avec le recul, je pense que ma troisième et dernière saison à Louhans-Cuiseaux a été très difficile, il y a eu un changement d’entraîneur et j’ai eu des déboires avec mon ancien agent, qui était aussi l’agent de Sylvain Matrisciano, le coach. Je ne voulais pas rester. j’ai fait l’année de trop. C’est la seule dans ma carrière.
Un coach perdu de vue que tu aimerais revoir ?
Dans l’ensemble j’ai toujours eu de bons rapports avec tous mes entraîneurs, même si j’avais un peu cette étiquette de joueur caractériel et ingérable; à Cannes, par exemple, avec monsieur Albert Emon, on avait des divergences, mais on s’est déjà revu, y’a pas de souci avec lui. Mais à Cannes, y’avait des choses qui me dérangeaient, alors que ce groupe avait une qualité folle, et je trouvais aberrant qu’on n’y arrive pas. On s’est pris le bec plusieurs fois, mais j’ai beaucoup de sympathie pour lui. Humainement, il était top. Alors pour répondre à la question, je citerais Alain Ravera ou Denis Troch, qui m’a beaucoup inspiré sur l’approche des matchs et la préparation mentale. Et aussi monsieur Garcin à Rouen, un super-entraîneur, un super-mec, avec qui j’ai perdu le contact. Ces entraîneurs-là m’ont marqué et aidé dans mon cursus, pour devenir entraîneur aujourd’hui.
Ton geste technique préféré ?
Je n’en avais pas un spécialement, moi, du moment que le ballon entrait au fond, ça me suffisait, c’était ma seule satisfaction ! De l’épaule, de la tête, du front, qu’importe. C’est sur que des frappes de 30 ou 35 mètres, je n’en ai pas mis beaucoup. J’étais plus dans la finesse, ouvrir le pied, placer le ballon, assurer, cadrer.
Une causerie de coach marquante ?
Celles de Denis Troch.
Une anecdote de vestiaire que tu n’as jamais racontée ?
Si je ne lai pas racontée, c’est que … Oh, tu vois Anthony, tu veux me faire dire des choses qui ne sont pas bien (rires) ! Bien sûr qu’il y a eu du rififi des fois, comme dans tous les clubs, mais ça reste dans le vestiaire, j’ai eu des frictions avec des joueurs, je m’en excuse. Même avec certains avec qui j’ai eu des histoires, on s’entend super bien aujourd’hui.
Le joueur le plus connu de ton répertoire ?
Certains ont joué en Ligue 1, Eric Bauthéac à Cannes, Julian Palmieri et Gary Coulibaly à Istres, Sigamary Diarra, Fahid Ben Khalfallah, Rémi Gomis, Anthony Gonçalves, Arnaud Balijon, à Laval, y en a quelques-uns.
Le stade qui t’a procuré le plus d’émotion ?
(Il réfléchit) Ah, quand même, le stade Diochon, à Rouen. Quand tu marquais, c’était quelque chose, le stade était bouillant. Rouen, c’est vraiment une ville de foot. J’ai des regrets, car j’ai eu des pépins au genou là-bas, j’ai été mal soigné, et j’ai vraiment eu du mal à revenir physiquement lors de ma deuxième année. Quand j’y étais, y’avait une grosse équipe de National, on sentait les supporters vraiment derrière.
Un modèle d’attaquant ?
Marco Van Basten et bien sûr Jean-Pierre Papin.
Des rituels avant un match ?
J’aimais bien boire un petit thé avant de partir au stade, je prenais toujours un peu de temps pour lire mon journal, j’aimais bien déconner, chambrer, titiller, tout en restant concentré, dans ma bulle. Tout en respectant la préparation des autres. J’aimais bien aller faire le con, ça permettait de détendre un peu l’atmosphère.
La ville que tu as préféré ?
J’ai bien aimé Laval, une ville de football aussi. j’ai bien aimé Dunkerque aussi, l’accueil, les gens. Après, je suis plutôt facile, je me suis intégré partout. J’ai bien aimé Cannes aussi, c’était super.
Même à Roye ?
Alors, figure toi que Roye, c’est une super-ville : là-bas, j’ai gardé de super-contacts, comme avec la personne qui s’occupait du stade, on était un groupe de copains, c’est pour ça que j’ai été frustré de ne pas jouer, je savais que je pouvais les aider en marquant quelques buts.
Comment on passe de Louhans-Cuiseaux à Roye ?
A Louhans, lors de ma 3e saison, j’ai eu ce problème avec cet agent, et j’ai décidé d’arrêter avec lui. J’ai fait une année blanche. Je crois que je n’ai pas marqué un seul but cette saison-là. La situation s’était très vite dégradée, beaucoup de choses m’avaient déplu, ça s’est très mal passé. Et comme je n’avais pas ma langue dans ma poche… Des clubs m’avaient sollicité mais des choses s’étaient racontées sur moi. Roye m’a ouvert ses portes, ça a matché avec le président, et pour moi, peu importe que le club soit huppé ou non. Malheureusement…. tu connais la suite.
Qualités et défauts sur un terrain ?
Buteur je pense. J’avais ce truc de sentir les coups. Quand tout le monde allait au premier poteau, moi je sentais que le ballon allait arriver au deuxième. J’étais trop caractériel, ça m’a sûrement porté préjudice à certains moments. J’ai eu quelques « trucs » avec deux ou trois coéquipiers.
Et puis à Rouen, là, ce fut avec le président Pascal Darmon, car les joueurs n’étaient pas payés, et ça… ça n’est pas passé avec moi. S’il fallait mettre quelques tartes pour faire comprendre certaines choses…
J’étais capable de le faire, mais ça m’a porté préjudice, alors que je n’étais ni violent ni agressif. Mais c’est comme ça, je suis comme ça. Bien sûr, je regrette certaines choses que j’ai faites, notamment à des coéquipiers, mais ce n’était pas contre eux, je pense que j’étais un garçon super gentil, mais sur le terrain, voilà, j’étais un compétiteur, j’avais cette gagne en moi.
Et aujourd’hui, sur un banc ?
Je me canalise, oui, je suis bien obligé, j’essaie de donner la meilleure image possible de mon club, de mon équipe, j’essaie d’inculquer certaines valeurs, même si je reste compétiteur et gagneur. Après, on a des formations, au niveau de la Ligue, qui permettent de nous aider à gérer les situations, à prendre sur soi.
Pourquoi n’as-tu jamais joué en Ligue 2 ?
J’ai eu la possibilité d’y aller, mais c’est des choix personnels : j’ai préféré rester un « grand » chez les « petits », plutôt que l’inverse. J’ai eu des propositions, mais voilà. A Istres, après l’accession en Ligue 2, j’aurais pu rester, j’avais encore une année de contrat. Mais monsieur Fakhri et Cannes sont arrivés… C’est toujours pareil, il y a le ressenti, et les moyens que le président de Cannes a mis, c’était exceptionnel à l’époque, le discours par rapport à moi, ça m’a plus, à la seconde où je l’ai eu au téléphone. J’étais un garçon de challenge. J’aurais tellement souhaité que Cannes retrouve le niveau pro. Aujourd’hui, je sais que Jean-Noël Cabezas y fait du bon boulot en National 3 et j’espère que ce club va retrouver la place qu’il mérite.
Tu étais un joueur plutôt …
Généreux.
Si tu n’avais pas été dans le foot…
J’aurais certainement bossé dans la coiffure !
Ta plus grosse prime de match, tu t’en souviens ?
Oh pauvre, oui ! C’était à Dubaï ! J’ai joué une année là-bas à après ma saison avec Laval où j’avais marqué 22 buts avant de me retrouver à l’UNFP ! Pour le coup, je n’ai eu que des propositions qui ne m’intéressaient pas. J’en avais marre. On fait un match amical contre Clermont, un agent vient me voir et me propose d’aller là bas, au Dubaï Cultural Sport club, mais je suis revenu assez tôt car le championnat a fini tôt, et j’ai demandé à m’entraîner avec la réserve d’Istres, ce que Nicolas Usaï, le coach de l’époque, a accepté. Et avec Frédéric Arpinon, le coach de l’équipe une, ils m’ont proposé de signer la saison suivante, en National. Ah, la prime à Dubaï ? 5000 dollars !
Ta plus grande fierté ?
D’avoir joué pendant autant d’années et d’être resté en forme, sauf la saison à Roye, et d’avoir pu vivre de ma passion pendant presque 15 ans, d »avoir connu des gens, des régions, d’avoir vécu des émotions fortes, des moments exceptionnels. Aujourd’hui, je retrouve ces émotions en tant que coach, je me régale dans ma nouvelle vie d’entraîneur.
Plus grande fierté familiale ?
Mes deux filles, dont une, Loane, joue à l’OM. L’autre, Julia, 11 ans, et fait de la danse.
Texte : Anthony Boyer / Mail : aboyer@13heuresfoot.fr / Twitter : @BOYERANTHONY06
Photos : Christophe Martinez (C3M – Salon Bel Air), Bernard Morvan et Serge Haouzi.