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Coupe de France : Thaon-les-Vosges en plein rêve !

Après s’être offert le scalp de Sochaux (L2), l’ES Thaonnaise, invaincue en National 3, poursuit son conte de fée : en 32e de finale, les Vosgiens ont éliminé Amiens (L2) au stade Robert-Sayer. Ils affronteront Nantes, tenant du titre, en 16e. Magique !

Raphaël Rodriguez, le portier vosgien, décisif lors de la séance des tirs au but. Photo Blue Army – Jérôme Paradis

C’est une histoire incroyable comme seule Dame coupe peut offrir. Déjà 1/16e de finaliste l’année dernière, l’ES Thaon est de retour à ce stade de la compétition. Invaincus dans leur championnat en National 3, les hommes de Romain Chouleur sont en train de placer leur club, en plein développement, sur la carte de France ! Tout sauf un hasard.

Contre Amiens (Ligue 2), et pourtant réduits à 10 d’entrée de deuxième période après le gros coup dur et l’expulsion du défenseur central et capitaine Wilfried Rother; les Vosgiens, poussés par la Blue Army Fans et les 2000 supporters, ont fait le dos rond et profité de la maladresse des Picards pour laisser passer l’orage.

Lors de la séance des tirs au but, Raphaël Rodriguez, le gardien, a fini le travail ! « Rapha, Rapha”, scande le public qui ne cesse d’encourager son portier : dès la deuxième série, il stoppe la tentative de son adversaire, puis une autre ! Théo Gazagnes ne tremble pas et d’un tir sous la barre transversale, propulse son équipe en 16e de finale, comme l’an passé !

Interrogé sur sa réussite, Raphaël Rodriguez évoque celle qui a accompagné son remplaçant Antonin Parisot, très performant lors de l’édition précédente.

Un club familial

Photo Blue Army – Jérôme Paradis

Décidément tout sourit à Thaon et ce n’est pas dû au hasard, tant le travail abattu est colossal pour ce club de National 3, qui développe un projet sportif cohérent, humble, mais aussi ambitieux.

Avant le match, Mickaël Ruez, manager général du club et entraîneur adjoint de Romain Chouleur, avait parlé de la qualification face à Amiens comme d’une certitude, et non d’un vœu. Il avait vu juste !

Le club, qui se définit comme familial, avec une équipe d’éducateurs fidèles, reste ambitieux. Il dispose d’un budget de 400 000 euros (dont 150 000 euros de partenariat et de subventions) : pas énorme pour le niveau, selon lui.

L’ES Thaonnaise compte une cinquantaine de bénévoles fidèles et six salariés, mise sur l’insertion par le sport et accueille des apprentis éducateurs à temps plein, ainsi que des services civiques qui organisent des événements de sensibilisation dans le cadre du programme éducatif fédéral.

Les pieds sur terre

Nicolas Clasadonte, le président, à la tête du club depuis 32 ans. Photo Blue Army – Jérôme Paradis

Celui qui est à l’origine de cette structure solide, c’est le président Nicolas Clasadonte. Quand il est arrivé à la tête du club, il y a 32 ans, l’équipe fanion végétait en district; dès la saison 2001/2002, elle a atteint le CFA2 (National 3). Elle a bien refait quelques passages en Régional 1 (DH) avant de se stabiliser en N3, plus haut niveau qu’elle ait jamais atteint. “C’est un président qui a les pieds sur terre et qui ne s’enflamme pas”, indique Mickaël Ruez à propose de Nicols Clasadonte.

Les différents parcours de Thaon en Coupe ont également apporté une manne financière, comme lors de la saison 2021-2022, qui a permis, par exemple, d’acquérir un minibus. Et malgré des sollicitations d’agent pour « placer » des joueurs, le manager général n’a pas cédé ! Ce n’est pas l’esprit thaonnais, dont la volonté est de s’appuyer sur un effectif local et fidèle.

Et puis, Thaon a connu ses heures de gloire avec un 32e de finale face à l’OM devant 8000 spectateurs au stade de la Colombière, à Epinal, en 2000-2001 (0-4), ou encore un 64e face à Gueugnon (L2), en 2006-2007 (1-3 ap).

Dans la foulée de l’engouement né des récents parcours en Coupe de France, une association de supporters a été créée en septembre 2021. “Le président est un fan de l’Olympique de Marseille donc il voulait s’inspirer de ce qu’il se fait là-bas. On y retrouve essentiellement des jeunes du club.”, poursuit Mickaël Ruez.

En Coupe, les affluences sont bien sûr beaucoup plus élevées qu’en championnat où 200 à 300 spectateurs viennent assister aux matchs. Ces rendez-vous, comme ceux d’Amiens et Sochaux, sont l’occasion de belles fêtes et surtout de fédérer autour d’un même objectif : la qualification !

Le National 2 envisageable ?

Photo Blue Army – Jérôme Paradis

Ces épopées donnent forcément des “étoiles dans les yeux” aux jeunes du club qui s’identifient à ces exploits et ont envie d’être à la place de leurs aînés. Les jeunes du club évoluent d’ailleurs à un bon niveau régional : les U17 et les U19 sont en Régional 2.

Mais cela n’a pas toujours été simple de les attirer, surtout avec un voisin comme le SAS Epinal à seulement 10 kilomètres.
Aujourd’hui, entre les deux clubs, les relations sont devenues “plus courtoises”, parce qu’une réelle rivalité sportive existait lorsque Epinal jouait dans la poule de Thaon.

La fidélisation de ces jeunes fut matérialisée par la création d’un section sportive au collège et d’un emploi grâce au soutien des nombreux partenaires. “Lorsque les jeunes de la région cherchent à s’orienter vers un club organisé et structuré, ils choisissent Thaon, plutôt qu’Epinal”, avance Mickaël Ruez avec fierté, précisant toutefois que cette démarche s’effectue sans dénigrer le travail du voisin spinalien.

Photo Blue Army – Jérôme Paradis

Invaincue dans sa poule de N3 (2e à 6 points du leader, Biesheim, mais avec un match en moins), l’équipe thaonnaise réalise une belle saison. « Il faut faire mieux que la saison dernière (7e), poursuit Ruez. Avec notre parcours en coupe (élimination 1 à 0 contre Reims en 16e), on avait délaissé le championnat parce qu’on s’était vite maintenus. En plus, on avait gagné la coupe du Grand-Est contre la réserve de Troyes.”

La montée en National 2, si elle paraît sportivement envisageable, s’accompagnerait d’un changement de dimension évident pour les Vosgiens. “Si l’occasion de monter vient à se présenter, on la prendra, sans dénaturer nos bases et en gardant les pieds sur terre. »

Enfin, bien que Thaon ait réussi l’exploit d’atteindre les 16es de finale deux fois consécutivement, il faudra gérer le moment où cette aventure s’arrêtera. Les dirigeants et joueurs en sont bien conscients.

Romain Chouleur : une vie 100% foot

Romain Chouleur, le coach. Photo Blue Army – Jérôme Paradis

Romain Chouleur, l’entraîneur thaonnais – depuis 2017 -, qui a fêté ses 37 ans hier (le 10 janvier), a réalisé un parcours entièrement lorrain par choix. Attaché à sa famille et ses amis, le meneur de jeu technique a été formé à Nancy, club pour lequel il a joué jusqu’en 2008 (trois matchs en Ligue 1 !). Il a ensuite rejoint Raon-l’Etape en CFA avant de jouer en National pendant 5 ans à Epinal. En manque de temps de jeu, il rejoint l’ES Thaon en 2016, où il devient ensuite entraîneur, avec la réussite qu’on lui connaît. Une évidence pour lui : dès l’âge de 19 ans, il entraîne ses amis au FC Dombasle en U18, en parallèle de sa carrière de footballeur professionnel. Joueur la journée, entraîneur le soir, le Dombaslois vit une vie “100% foot”. Il raconte son parcours, ainsi que son travail à Thaon qui ne cesse de porter ses fruits.

Romain, vous avez eu cette double carrière de joueur professionnel et d’entraîneur à Dombasle. Ce n’était pas trop dur à gérer ?

Ce sont des semaines chargées, il y avait match le samedi avec les seniors et le dimanche comme entraîneur, et des entraînements la journée et aussi le soir à Dombasle. Donc il fallait s’organiser. C’est sûr que c’était du 100% foot. Ca me plaisait, et même si j’y suis allé sur la pointe des pieds au début, avec les résultats, ça m’a motivé à poursuivre. On a connu la montée de nombreuses fois pour passer de D1 à R2. J’ai la particularité d’avoir connu toutes les divisions, du District au National.

Photo Blue Army – Jérôme Paradis

Vous avez toujours eu cette appétence pour le coaching et l’encadrement des joueurs ?

Je suis quelqu’un de réservé, donc je n’étais pas un meneur d’hommes, plutôt un meneur technique sur le terrain. Je n’étais pas quelqu’un qui parlait beaucoup. C’est venu au fil des années aussi. Quand j’étais joueur, je faisais attention aux choix des coachs, je me demandais pourquoi ils mettaient en place telle ou telle séance. Je cherchais toujours à comprendre pourquoi on faisait telle ou telle chose. Quand il y a des choix à faire, notamment sur les convocations, il faut que ce soit le plus juste possible parce que j’ai connu ça en tant que joueur. Je me suis toujours intéressé et inspiré de ma carrière de joueur aussi : ça m’aide à comprendre ce que les joueurs peuvent aimer ou non. J’ai vraiment apprécié cette double casquette, même si c’était prenant au niveau temps et énergie, mais c’était enrichissant.

Pas de regrets de ne pas avoir continué au haut niveau ?

Je suis toujours vice-président à Dombasle, je suis très attaché à mon club de cœur, à ma famille aussi. C’est pour ça que je suis encore à Thaon aujourd’hui. On m’avait proposé des challenges loin de la France et ça ne me tentait alors pas du tout. Il y a eu des opportunités avec Raon et Epinal, je savais qu’il y avait un gros niveau et que c’était tout proche.

Pourquoi être passé de joueur à entraîneur si tôt, à l’âge de 31 ans ?

Le regret, c’est peut-être d’avoir arrêté trop tôt. Après quand j’étais entraîneur-joueur, je pouvais continuer, mais on se rend vite compte que si l’on veut faire les choses bien, on ne peut pas cumuler les deux. Les règlements m’interdisent d’entraîner en National 3 et de jouer en niveau ligue à Dombasle par exemple. C’est vraiment le gros regret, mais bon, quand je vois ce que je vis en tant qu’entraîneur, ça fait un peu passer la pilule.

« Pour Nantes, ça va être bizarre de jouer à Thaon avant d’aller à la Juve ! »

Photo Blue Army – Jérôme Paradis

Samedi contre Amiens, on a vu vos joueurs physiquement prêts à « encaisser » un match contre une équipe professionnelle. Sur quoi mettez-vous l’accent à l’entraînement ?

Ouais, alors qu’on avait fait une coupure de deux semaines, et qu’on avait repris il y a douze jours ! Même moi j’ai été surpris et impressionné qu’on ait autant de jus. On ne s’entraîne que sur synthétique donc avec le terrain gras, ça aurait pu être compliqué, les efforts ne sont pas les mêmes et la fatigue arrive plus vite. Je ne travaille pas du tout sur le physique, parce que je n’aimais pas ça en tant que joueur. Il y a une séance de travail athlétique, toutes les deux, trois semaines. Par contre je demande beaucoup d’intensité et de compétition dans les petits jeux qu’on fait donc ça permet de travailler physiquement mais plus sous forme de jeu. Beaucoup de technique, beaucoup de circuits techniques et la partie athlétique arrive derrière. On est sur trois séances par semaine. Le lundi c’est plutôt récup’, le mercredi c’est la grosse séance avec du jeu et le vendredi, travail technique et tactique, et du jeu aussi.

Vous jouez à 3 derrière. Comment définissez-vous votre philosophie de jeu ?

La première fois que j’ai vu ce système, c’était avec le Mexique en 1998; l’Argentine jouait aussi comme ça et j’aimais bien. Quand j’ai commencé à entraîner à 19 ans, j’utilisais ce système, depuis, ça a bien pris. Donc ça va faire 15 ans que je joue à 3 derrière, que ce soit en 3-5-2 ou en 3-4-3. J’ai des joueurs qui l’appliquent parfaitement aussi. A partir du moment où ça fonctionne, pourquoi le changer ? Donc on reste là dessus. Quand j’ai pas mal de blessés, d’absents, pour les matchs de coupe ou quand on doit amener plus de renforts offensifs, on peut bien sûr passer à 4. Mais globalement, c’est surtout à 3 derrière.

Photo Blue Army – Jérôme Paradis

Que vous apportent, à titre personnel, les parcours en coupe de France ?

Quand on est joueur ou entraîneur, on vit pour ça. Le club prend un peu la lumière. On est très fiers d’accueillir des clubs professionnels. Ce sont des moments très rares pour des amateurs, même si on l’a fait deux années de suite. C’étaient des premières fois pour le club. Il faut donc savourer, jouer sans pression et sans regret. Sur ce genre de matchs, il n’ y a pas à en avoir.

Vous allez recevoir le FC Nantes, le tenant de titre de la compétition. Votre première réaction ?

Il y a deux façons de voir les choses. Les joueurs sont des fans de Paris, Marseille, Lyon. Deux années qu’on va loin, qu’on a la possibilité de les rencontrer. Et d’un autre côté, on se dit que l’on a la possibilité de rencontrer une National, à l’extérieur ou des choses comme ça, donc on aurait été dégoûtés de faire un parcours comme ça pour se faire sortir contre une équipe comme ça. Donc là, tirer le FC Nantes, on est très content, c’est un grand club français, tenant du titre et qui va surtout aller défier la Juventus dans quelques semaines. Ça va leur faire bizarre de jouer Thaon, puis d’aller défier la Juventus. (rires) On est très contents et très fiers de pouvoir les accueillir dans les Vosges.

Textes : Emile Pawilk / Mail : contact@13heuresfoot.fr  / Twitter : @EmilePawlik

Photos : Blue Army – Jérôme Paradis