Coupe de France : Chamalières à la croisée des chemins

Huitièmes de leur poule en National 2, les Auvergnats profitent aussi de la coupe pour continuer de grandir. La venue du Paris FC (Ligue 2) en 16e de finale est une nouvelle étape dans l’ascension de ce club niché à 600 mètres d’altitude et coincé entre l’amateurisme et le professionnalisme.

A Chamalières, petite ville de 18 000 habitants située juste à côté de Clermont-Ferrand, les villas sont cossues, l’équipe féminine de volley-ball poursuit son bonhomme de chemin en élite, la banque de France imprime toujours les billets en euros et Giscard-d’Estaing est toujours maire. Louis Giscard-d’Estaing. Le fils de Valéry, l’ancien président de la République, lui-même maire de 1967 à 1974, juste avant de conquérir l’Elysée.

Louis Giscard-d’Estaing était d’ailleurs présent sur le terrain annexe du complexe Gabriel-Montpied, à Clermont-Ferrand, voilà quinze jours, écharpe du club autour du cou, pour le deuxième 32e de finale de l’histoire du club, face à Bourges Foot 18 (il a donné le coup d’envoi).

Grandir Ensemble, le « slogan » floqué sur le bus du club !

Le premier 32e de finale, très récent, s’était soldé par une élimination aux tirs au but au Puy-en-Velay, en janvier 2021. Cette fois, les Auvergnats sont passés, toujours aux tirs au but, à l’issue d’une séance où leur adversaire, entraîné par l’ex-pro William Prunier, a mené deux fois et où le Berruyer Sambou a envoyé une balle de match sur la transversale !

Toutes ces émotions, Vincent Fournier, le portier de Chamalières, et ses coéquipiers les ont partagées avec près de 1500 supporters, dont certains ont envahi le terrain habituellement réservé aux équipes de l’association du Clermont Foot 63.

C’est que le stade Claude-Wolff – du nom d’un autre ancien maire de Chamalières – n’est pas homologué pour recevoir un 32e de finale, encore moins un 16e : raison pour laquelle le Paris FC, club de Ligue 2, défiera les Auvergnats dans l’antre du Clermont Foot, sur le terrain en herbe du stade Gabriel-Montpied. Cela évitera de se perdre dans la forêt du Colombier ou de prendre un sacré coup de froid sur le terrain en synthétique, à 600 mètres d’altitude !

Louis Giscard-d’Estaing, le maire, et le président Jérôme Valeyre.

On plaisante, mais ce sont bien les conditions journalières du FC Chamalières, un club aussi atypique que familial, aux moyens non extensibles, aux infrastructures beaucoup plus proches de l’amateurisme que de ce professionnalisme qu’il touche pourtant du bout des doigts, d’abord en se frottant au Paris FC, ensuite en rencontrant chaque week-end des équipes de National 2 où, bien souvent, les joueurs n’ont que le foot pour vivre.

A Chamalières, il fait froid l’hiver, mais la chaleur humaine des personnes qui « font » le club compense largement ça !

Pour sa quatrième saison en National 2, l’équipe entraînée par un p’tit nouveau, Kevin Pradier (30 ans), est 8e à mi-saison (sur 16), avec deux matchs en retard (à Romorantin mercredi prochain et contre Vierzon dans une semaine). Un classement presque inespéré compte tenu du début de saison (aucune victoire lors des cinq premiers matchs).

Il a fallu un déclic, et celui-ci est intervenu lors de l’entrée en lice en coupe de France, au 4e tour, à Beaumont (Régional 2), fin septembre, avec un premier succès, dans le temps additionnel (but de Kevin Bouvier).

Depuis, les joueurs du président Jérôme Valeyre, 52 ans, courtier en assurances, partenaire particulier devenu président en octobre 2021, ont disputé quinze matchs et n’en ont perdu qu’un seul, à Saumur (3-1, le 5 novembre). Ce qui donne une idée de la solidité de cette équipe dont Kevin Pradier, qui coachait encore en Régional 3 l’an passé, aux Martres-de-Veyres (vous avez vu, on l’a bien écrit !), toujours dans le coin, loue le potentiel offensif.

Jérôme Valeyre (président) : « Cette saison, on déroule… »

Président, vous êtes à la tête du club depuis un peu plus d’un an, et vous voilà en 16e de finale de coupe … C’est déjà le rêve, non ?
Un grand rêve même ! Le club a atteint les 32es de finale pour la première fois de son histoire en janvier 2021, y’a 2 ans, au Puy-en-Velay. Cette fois, un 16e, c’est magnifique pour les joueurs et aussi pour l’entraîneur, Kevin (Pradier), qui vit une première année sur le banc du FC Chamalières assez exceptionnelle en National 2, mais c’est tout à son honneur car c’est en partie lui qui a choisi les joueurs, c’est lui qui a validé tout l’aspect sportif. Le mérite en revient à Kevin.

Justement, ce coach, Kevin Pradier, comment l’avez-vous recruté ? Racontez-nous…
L’aspect sportif, au club, ce n’est pas moi ! C’est Gilles Labre, notre directeur sportif, et Jean-Albert Rodriguez, conseiller technique, deux noms du foot auvergnat, qui l’avaient vu officier comme coach adverse, lors de matchs que l’on avait disputés contre lui, et ils avaient tout de suite remarqué ses qualités. Ils ont pris des infos, qui ont confirmé les dires. Pour tout vous dire, au départ, on a contacté Kevin pour devenir l’adjoint de Jaïr Karam (coach la saison passée) et quand ce dernier a décidé d’aller au Havre (il entraîne la réserve), ce qui était une opportunité pour lui, l’offre d’adjoint s’est transformée en offre d’entraîneur titulaire. J’avais aussi reçu Kevin dans mon bureau et on avait parlé de tout sauf de foot. J’avais besoin de parler avec lui, de le voir, pour le côté humain, et à l’issue de cet entretien, j’ai dit à mes deux fidèles « sportifs », « On y va sans problème » ! Kevin vient des Martres-de-Veyres, où il a toujours été licencié, sauf une ou deux années, et il s’est tout de suite beaucoup mieux fondu dans notre club que n’a pu le faire notre précédent entraîneur, mais ça, ce n’est ni de la faute de Jaïr, ni de la notre… C’est l’environnement qui fait que la personnalité et le parcours de Kevin collent parfaitement à l’esprit du FC Chamalieres.

« Ce 16e de finale est important à plus d’un titre »

Comment se passe votre début de mandat : en un peu plus d’un an, il s’est passé plein de choses au FC Chamalières…
Ca se passe très bien ! La seule chose, c’est que mon arrivée s’est faite juste après le départ de l’entraîneur principal du club, Arnaud Marcantei, qui est à l’origine des différentes montées du club, d’abord de Région en N3, puis en N2. Arnaud, c’est le bébé du club, et aujourd’hui, il est coach à Andrézieux (N2). Il y a eu énormément de mouvement donc, comme le départ également du président qui était là depuis 15 ans, le remplacement d’Arnaud par Jaïr, dont les méthodes ont pu surprendre quelques personnes au club, mais Jaïr est un véritable entraîneur professionnel, donc tout ça fait que l’on a eu beaucoup de chamboulements, et en même temps, j’ai dû m’adapter très vite. Mais à la sortie, on voit le côté positif. L’an passé, on a appris. Et cette saison, on déroule, tout va très bien.

La saison passée, le club a failli descendre en N3… Avez-vous eu peur ?
Oui, on a eu peur, c’était la première année complète de National 2 puisque les deux précédents exercices (2020-21 et 2021-22) avaient été arrêtés par la Covid. Donc il a fallu que l’on se considère comme un promu. Car finalement, on a peu d’expérience en N2.

Contre Bourges, en 32e de finale, on a senti que cette qualification était importante pour vous, pour le club…
Elle était importante à plusieurs titres. D’abord pour les joueurs, parce que disputer un 16e de finale, c’est bien, même s’il ne faut pas qu’ils oublient le championnat ! D’ailleurs, je les ai félicités le week-end dernier après leur victoire en championnat face au Stade Bordelais (4-1) car ils ont bien su enchaîner après la qualification en coupe. Importante aussi financièrement même si recevoir Paris FC, ce n’est pas comme recevoir Lyon, PSG ou Marseille : on n’est pas sur une affiche qui va remplir le Stade Gabriel Montpied, même si j aimerais bien, mais bon, je ne le pense pas. Enfin, à titre personnel aussi et bien entendu pour toute l’équipe dirigeante : cette qualification en 16e valide tous les projets que l’on a fait, comme celui d’avoir embauché un jeune entraîneur local, d’avoir un noyau de joueurs locaux et quelques pépites que nous sommes allés chercher dans les divisions inférieures. Ce 16e de finale valide le projet du club.

« Je suis impressionné par la disponibilité du Clermont Foot »

Vous attendez combien de spectateurs face au Paris FC ?
C’est un grand point d’interrogation. Déjà, tous nos licenciés ont une invitation car on a la volonté de leur faire plaisir. Ensuite, il y a d’autres critères, comme la météo, qui n’est pas terrible, l’attractivité du match, et quelques manifestations autour de Clermont en même temps, donc on ne sait pas trop. Si on a 4000 personnes, ce sera une belle réussite pour le club. On est vraiment aidé par Clermont Auvergne Métropole qui nous met le stade Gabriel-Montpied à disposition, en accord avec Clermont Foot 63 qui nous aide énormément, notamment pour la billetterie et la buvette. Je suis impressionné par la disponibilité des gens au Clermont Foot, un club dont on est proche; notre directeur sportif, Gilles Labre, y a été entraîneur, et récemment, Pascal Gastien, le coach de la Ligue 1, nous disait qu’il était important que l’on se maintienne en National 2, car la réserve du Clermont Foot est en N3, donc ils ont besoin de nous : s’ils ont des joueurs trop « limites » pour la L1, ils peuvent passer par chez nous, comme c’est le cas actuellement avec un joueur prêté cette saison (Fred Gnalega).

Le bémol, c’est l’affluence dans votre stade, à Chamalières ?
Oui, c’est vrai qu’il n’y a pas beaucoup de monde qui vient aux matchs le samedi. On est un peu déçu du manque d affluence mais si on compare avec les années précédentes, on a quand même un peu plus de monde. En ce moment, on est en plein hiver, l’accessibilité au stade est compliquée, y’a eu le début des soldes samedi dernier, on a des travaux sur le parking, bref, les signaux n’étaient pas tous au vert pour le match du week-end dernier face au Stade Bordelais.

Vous dîtes souvent que vous n’êtes pas issu du milieu du foot…
C’est vrai. Mais mon fils, lui, oui ! Il joue en U15 au club. J’ai fait de l’équitation quand j’étais jeune et j’ai toujours beaucoup suivi l’AS Montferrand rugby. En fait, j’étais un des partenaires du club ici, et suite à quelques soucis internes et à une coprésidence temporaire, on m’a sollicité pour prendre la présidence. J’ai été élu fin octobre 2021; ça ne me fait pas peur, car je suis venu accompagné, notamment dans le domaine sportif, avec quelques grands noms du football régional. Donc l’aspect sportif est géré par d’autres personnes. Après, à des postes comme le mien, il faut qu’on soit juste de passage. L’idée c’est de « caler » ce club, de faire monter le budget. Je resterai si besoin mais l’idée c’est de passer le témoin plus tard, de trouver des personnes qui pourront prendre la suite. Je n’ai pas vocation à rester président pendant 10 ans !

« On se « bat » avec Saumur pour le titre de « plus petit budget » ! »

Justement, quel est le budget de fonctionnement ?
Environ 550 000 euros cette saison. On se « bat », entre guillemets, avec Saumur, adversaire de notre championnat, pour savoir qui de nous deux a le plus petit budget de la poule ! Ce qui est sûr, c’est qu’on est vraiment très bas quand on sait qu’aujourd’hui, un budget moyen d’un club de National 2, c’est 1,3 million.

Quand vous dites que vous étiez « partenaire », vous voulez dire « un des gros partenaires du club » ?
Cela dépend ce que vous appelez « gros partenaire »… Chamalières est un petit club, alors oui, à l’échelle du club, un des gros partenaires, si ce n’est le plus gros à ce moment-là.

La joie après la qualification pour les 16es de finale.

Comment décririez-vous le club ?
Amateur, familial et associatif avec tous les bons cotés et les cotés qui, peut-être, ne permettent pas de grandir de façon régulière.

Quel est l’avenir pour un club comme Chamalières ?
(Silence). Je ne sais pas… On voit bien la volonté de la Fédération de professionnaliser au maximum les championnats et de créer une Ligue 3 à la place du National, après, est-ce qu’il restera de la place pour des petits clubs comme Chamalières ? L’avenir nous le dira mais je ne suis pas sûr que Chamalières ait sa place dans un championnat professionnel. Si la Ligue 3 voit le jour, il faudra sans doute aller à un ou deux niveaux en-dessous. Nous, on fait avec les moyens du bord. On est inventif, on va chercher les partenaires. On est « staffé » en National 2, c’est vrai, et c’est bien, mais perdurer dans ce type d’organisation, ça va être compliqué avec notre budget. Si le secteur sportif a de très bons résultats, cela engendrera de nouveaux postes à pourvoir, cela appellera de nouvelles personnes chez nous, et il faudra pouvoir l’assumer financièrement. C’est la clé de tout. Chamalières est une petite ville, les collectivités nous accompagnent, la ville nous aide avec ses moyens, mais c’est vrai que si on voulait mieux structurer le club, il faudrait le faire de manière pérenne et stable, et pas avec des bouts de ficelle, même si, en ce moment, ça marche très bien.

Qu’est ce qui vous rend fier ?
C’est de voir notre plus vieux licencié, Robert Courtial, notre intendant, en larmes dans les bras de notre capitaine (Vinicius Gomes, le fils du Brésilien Cris, l’entraîneur de Versailles en National et ancien joueur de l’OL) à l’issue du match de Bourges et de notre qualification en 16e ! Le club date 1965, Robert a eu sa première licence en 1969. Cette image est forte. Elle restera gravée en moi à jamais. Et elle veut tout dire sur le club.

Kevin Pradier (coach) : « La coupe a lancé notre saison ! »

Kevin Pradier a fêté ses 30 ans en octobre dernier. Le calcul est vite fait : lorsqu’il a été choisi pour prendre les rênes de la formation de National 2 après le départ de Jaïr Karam pour Le Havre, il avait… 29 ans !
N’allez pas chercher le natif de Beaumont, à côté de Clermont-Ferrand, sur ce terrain là, il pourrait – poliment – vous renvoyer dans vos 22 mètres !

Bien sûr, la question de son âge – qui en fait le plus jeune coach en National 2 – lui a été posé 100 fois. Pensez donc, on n’a pas hésité un seul instant avant de la lui poser une 101e fois !

Réfléchi, posé, impliqué, le nouvel entraîneur du FC Chamalières impressionne par sa maturité et son flegme. En six mois, il a déjà conquis tout le monde au club. Son président, Jérôme Valeyre, ne doit pas regretter d’être allé le chercher dans son village, aux Martres-de-Veyres, où Kevin Pradier a grandi, joué et entraîné.

Avec lui, les Auvergnats ont déjà atteint les 16es de finale de coupe de France – record du club – et peuvent envisager de parvenir à l’objectif : un nouveau maintien en National 2, mais en souffrant moins que la saison passée…

Kevin, quand on vous catalogue comme « jeune entraîneur », ça vous agace ?
Au début, ça m’a pas mal agacé, notamment au moment où j’ai signé à Chamalières, parce que qu’on m’a catalogué sur deux choses : 1. mon âge, car j’avais 29 ans, bon, aujourd’hui, j’en ai 30, ça change déjà l’approche ! 2. j’étais en Régional 3 la saison passée, donc c’est ça qui a suscité l’intérêt des médias locaux, avec des questions redondantes. Voilà ce que j’ai dit à ce moment-là, et ce que je vous redis aujourd’hui : ce n’est pas mon âge qui fait mes compétences, mais mon parcours, toutes les formations que j’ai pu passer. Et si je suis en National 2 aujourd’hui, c’est aussi parce que j’ai le diplôme (DES) qui me le permet.

Avez-vous envie de passer le BEPF, par exemple, pour entraîner encore plus haut qu’en N2 ?
Vous dire non, ce serait mentir, parce que c’est forcément dans un coin de ma tête. Après, je viens juste d’arriver en National 2, il faut faire les choses étape par étape et ne pas se croire plus haut qu’on ne l’est, juste parce qu’on a gagné deux ou trois matchs d’affilée. On sait d’où on vient. Je sais d’où je viens. Au bout de 5 journées de championnat en début de saison, lorsque l’on n’avait pas encore gagné un match, cette question ne se posait pas.

Entraîner, c’est votre vocation ?
Oui. J’ai commencé à 18 ans avec ma première équipe, en 2011, en U17 et donc une différence d’âge peu importante.

« En début de saison, on n’était pas loin »

Chamalières a attendu la 6e journée de championnat pour remporter son premier match : avez-vous douté ?
On n’est pas une équipe destinée à jouer le haut de tableau, et ce n’est toujours pas le cas même si on est 8e aujourd’hui (sur 16) mais voilà, c’est déjà une place qu’on n’imaginait pas occuper en début de saison. Après, douter… Franchement, les cinq premières journées, OK, on n’a pas gagné, mais on n’était pas loin. Les matchs se sont joués à rien. A Angers, on perd 1 à 0, on a loupé un penalty et on a un but refusé pour hors jeu. A Nantes, on peut mener à la pause et on prend un rouge en début de 2e mi-temps. En fait, c’est juste que ça ne tournait pas en notre faveur, on ne marquait pas, on n’avait pas ce brin de réussite alors que le potentiel offensif est vraiment important. Là, je suis content parce que ce potentiel est en train de s’exprimer pleinement, ça valorise le travail du staff, qui est très compétitif et investi. On a quelqu’un (Alexis Carmo) qui s’occupe des attaquants, par exemple, un analyste vidéo aussi. On a toujours été très soudé, même quand on ne marquait pas, et voilà, lors de notre dernier match, triplé de notre avant-centre (Patrick Mbina) et aussi premier but pour Michaël Nsilu, mais sincèrement, pour en revenir à notre début de saison, on était très proche. Semaine après semaine, je l’ai répété aux joueurs.

Comment avez-vous choisi votre staff ?
Patrice Dufraise, l’entraîneur des gardiens de but, était déjà là, il a plus d’expérience à ce niveau-là. J’ai pris un adjoint, Alexandre Ferreyrolles, qui est aussi le préparateur athlétique : j’étais son tuteur dans le cadre de son DEF, il entraînait à l’ASM, il est très compétent, il a faim, il a envie de prouver, il a déjà été adjoint en U19 Nationaux, ça a matché avec lui. Il y a aussi Alexis (Carmo), avec qui j’ai joué dans les catégorie de jeunes et qui a fini sa carrière de joueur aux Martres l’an passé avec moi : j’avais besoin de sa connaissance du niveau N2 en tant que joueur (Cannes, Rodez, Moulins). J’ai pris aussi un analyste vidéo, Alexandre Combes, étudiant en STAPS, et on a un kiné, Olivier Carillo, un team manager, deux intendants, sans oublier Gilles Labre, le directeur sportif, présent au quotidien avec nous. Se staffer, c’était la priorité. On le voit au quotidien, c’est une plus-value.

Arnaud Marcantei a passé de nombreuses années au club, n’est-ce pas difficile de lui succéder ?
Déjà, je ne lui ai pas succédé puisque la saison passée, Jaïr (Karam) arrivait de l’extérieur aussi, comme moi cette saison. D’ailleurs, j’étais parfois venu observer ses séances, parce que je m’intéressais au haut niveau régional, comme je l’avais fait aussi avec Arnaud sur des séances les années précédentes. Après, pour en revenir à la question, ça se passe très bien, j’ai été très bien accueilli.

« La semaine de stage passée à Clermont Foot m’a servi »

Vous alliez voir jouer Chamalières avant de signer au club ?
Honnêtement, non. J’ai juste suivi une préparation du temps d’Arnaud (Marcantei) en National 2, y ‘a 2 ou 3 ans, c’était très intéressant, j’avais fait des observations en tribune, et l’an passé, je suis venu voir le match Chamalières – Angers en fin de saison, quand l’idée que je rejoigne le club était dans les clous.

Et Clermont Foot, vous allez les voir jouer en L1 ?
Je regarde les matchs à la télé, en bon supporter auvergnat que je suis ! J’ai eu la chance d’effectuer une semaine de stage avec le groupe pro et l’entraîneur Pascal Gastien, qui a été bienveillant avec moi, qui a pris le temps; c’était l’année de leur accession en Ligue 1, y’a 2 ans. Pascal Gastien m’a ouvert les portes de son groupe dans le cadre de mon stage d’observation. A l’époque, je sortais d’un recyclage. J’avais une méconnaissance totale du haut niveau, des codes, des règles, de l’organisation, alors j’ai choisi de contacter un ami qui m’a mis en contact avec le coach du Clermont Foot. La semaine passée avec eux m’a beaucoup servi dans la compréhension de ce milieu. Je m’en sers aujourd’hui dans l’organisation de mes semaines, idem pour son projet de jeu, toutes proportions gardées bien sûr.

La joie après la qualification pour les 16es de finale.

C’est quoi la différence entre coacher en Régional 3 et en N2 ?
C’est plus facile d’entraîner en N2, car les conditions sont parfaites, le terrain est bon, on a le nombre de buts mobiles que l’on veut, le nombre de joueurs que l’on veut, je peux en enlever, en rajouter, les gars ne sont là que pour ça. En R3, les conditions changent tout le temps. Après, sur l’aspect technique et tactique, les joueurs sont beaucoup plus performants. C’est plus riche en terme de management : la gestion humaine tient une place plus importante aussi, déjà par le fait qu’on se voit tous les jours. En N2, le foot est une partie très importante de leur vie. Mais ça reste les mêmes règles, ça reste du football, simplement, tout va plus vite, après, on met sa sauce, on met sa patte, sans se prendre pour un intellectuel du football.

« Le niveau tactique des équipes est relevé dans notre poule en N2 »

Les joueurs travaillent-ils en dehors du foot ?
La majorité travaille, oui, soit au club avec d’autres missions, soit à côté; par exemple, on a un joueur qui est magasinier et bosse de nuit, un autre qui est pompier professionnel à la caserne de Chamalières, des profs, des étudiants, etc. On est un club, en termes de budget, bien en deçà de la moyenne des budgets de la poule, mais on ne se cache pas derrière ça, simplement, du coup, les codes ne sont pas les mêmes. On s’entraîne tous les jours à 17h, hormis le mercredi, à 20h, car on ne peut pas utiliser notre terrain en synthétique de Chamalières, partagé avec nos 550 licenciés.

Le N2 est-il conforme à l’idée que vous en aviez ?
D’abord, il suffit de lire le classement pour voir qu’il est extrêmement serré. Les équipes de haut de tableau ont des qualités techniques supérieures aux autres. Les équipes sont bien organisées, les staffs effectuent un gros travail, analysent bien leurs adversaires et préparent bien leurs équipes. Les matchs sont relativement fermés. Je dis ça, mais pour le coup, samedi dernier, face au Stade Bordelais, cela n’a pas du tout été le cas (succès 4-1). Mais j’ai le souvenir d’un match contre Angoulême à la 2e journée (0-0) : je ne suis pas sûr qu’il y ait eu une frappe cadrée. Je ne connais pas la poule Sud, on m’a dit que c’était plus « fou-fou », avec plus de qualités individuelles mais moins d’organisation tactique. Dans notre poule, je trouve le niveau tactique des équipes élevé.

« Pas d’excitation particulière »

Contre les 3 premiers de votre poule (GOAL FC, Bergerac et Les Herbiers), vous avez pris 7 points sur 9 : qu’est-ce que cela signifie selon vous ?
On a fait nul à Bergerac, on a gagné aux Herbiers et on a aussi été les premiers à battre GOAL FC, le leader, chez nous. En fait, on a eu un début de saison difficile et ensuite, on a vraiment enchaîné depuis notre premier succès de la saison, en coupe, à Beaumont. Depuis, on n’a perdu qu’une seule foi, à Saumur, qui est 4e. Y’a la dynamique d’une part, et aussi notre style de jeu qui fait que l’on n est pas forcément plus en difficulté contre des équipes qui ont beaucoup le ballon. On avait à chaque fois un plan de jeu très clair, que les joueurs ont su réciter. On a été très rigoureux, comme aux Herbiers, qui est l’une des plus belles équipes que l’on ait affrontée. Contre GOAL, c’était différent : je pense qu’on a été pris de haut, vraiment. Alors que contre Les Herbiers et Bergerac pas du tout. Je me souviens, à la mi-temps du match aux Herbiers, je demande à mes joueurs « Etes-vous surpris de mener 1 à 0 ? » et ils ont répondu « non », parce qu’ils avaient appliqué à la lettre ce qu’on avait bossé. On avait déjà vu à Bergerac et aussi à Moulins-Yzeure que ça marchait. Y’a cette force collective qui se dégage chez nous et cet état d’esprit qui font la différence.

Ce parcours en Coupe de France, ça vous aide ? Vous arrivez à le gérer ?
La coupe, c’est ce qui a complètement lancé notre saison ! De toute façon, on n’avait pas gagné un seul match avant notre entrée en lice, à Beaumont. C’est ce qui nous a permis de gagner en confiance aussi. Notre parcours est ultra-intéressant, on a gagné à la dernière seconde contre une R2 qui a beaucoup fermé le jeu, on a joué une R1 qui a beaucoup ouvert le jeu, ce qui a permis d exploiter tout notre potentiel offensif, on se qualifie aussi deux fois aux tirs au but (Gueugnon et Bourges) ! Contre Mâcon, on est dos au mur, mais on se qualifie ! Tout ça, ce sont des choses qui marquent, qui créent une dynamique. Après, sur le plan physique, pour le moment, ça va, mais là ou ça va se compliquer, c’est après ce match face au Paris FC, que l’on attend extrêmement dur en termes d’intensité, bien au-delà de ce que l’on a l’habitude d’avoir en N2, car on rejoue ensuite le mercredi et le samedi en championnat. Et là, oui, la semaine va être différente à gérer. Déjà, cette semaine, on a organisé lundi dernier un match amical pour les joueurs qui n’ont pas ou peu joué, histoire qu’ils gardent le rythme. Mais bon, jusqu’à présent, les joueurs ont prouvé qu’ils étaient capables de faire « step by step ».

Dans quel état d’esprit êtes-vous avant d’affronter Paris FC ? Excité ? Impatient ?
Pour les dirigeants, ce match est une magnifique récompense, ça va être une belle fête pour eux, même si y’a aussi du stress dus aux préparatifs, mais ils vont profiter d’un moment au stade Montpied, où le Clermont Foot nous a encore mis dans des conditions géniales : le club voisin a vraiment été très classe. Pour moi, à titre personnel, je ne ressens pas d’excitation particulière, je suis quelqu’un d’assez peu démonstratif en termes d’émotion. Je suis vraiment focus sur ce que nous avons à faire, sur la préparation de ce match, mon staff aussi. Après, si ça se trouve, l’adversaire va être trop fort, mais pour moi, ce n’est pas la fête, c’est un 16e de finale de coupe de France contre un club professionnel avec un entraîneur, Thierry Laurey, hyper-expérimenté, que je voyais à la télé avant. Je n’imaginais pas le retrouver sur le banc d’en face, c’est un honneur de jouer contre quelqu’un comme lui !

« Chamalières mérite d’être plus mis en lumière »

Comment décririez-vous le club de Chamalières ?
C’est un club qui mêle le haut niveau, car le N2 c’est le haut niveau, et l’essence de l’esprit associatif : les gens aiment se retrouver, être ensemble. Il y a un côté familial; à Saumur, j’ai retrouvé aussi cet ambivalence-là entre le haut niveau et l’esprit associatif, à Bergerac aussi. Mais assez peu de clubs arrivent à cela, et cela va être de plus en plus difficile de retrouver des clubs comme nous, du fait de la pyramide qu’est en train d’instaurer la FFF , de par le nombre de descentes (22 descentes sur 64 clubs cette saison de N2 en N3). Ce qui fait que ces clubs n’existeront plus et ce sera méritoire d’arriver à se maintenir. Chamalières est un club où l’on se sent bien, où les joueurs se sentent bien aussi, tous ont ce sentiment d’appartenance. Tous ces gens, ces bénévoles, ces dirigeants, ces éducateurs, qui sont là depuis des années, garantissent cet esprit-là. Après, c’est un club qui a eu une ascension fulgurante, qui est passé de R2 en N2 en 5 ans, grâce au travail d’un homme : Arnaud Marcantei.

Un bémol ?
Oui, il n’y a pas assez de monde au match. Samedi dernier, contre le Stade Bordelais, on a été déçu. On est passé de 1500 spectateurs contre Bourges en coupe à 100 personnes. Chamalières mérite mieux en termes d’affluence, par rapport à l’investissement des gens. Il mérite aussi plus de visibilité, même de la part des médias. Bon, là, c’est exceptionnel, y’a la coupe de France, mais il mérite d’être mis plus en lumière.

16e de finale de la coupe de France : FC Chamalières (National 2) – Paris FC (Ligue 2), samedi 21 janvier 2023, à 18h, au stade Gabriel-Montpied, à Clermont-Ferrand.

Textes : Anthony BOYER / Mail : aboyer@13heuresfoot.fr / Twitter : @BOYERANTHONY06 et @13heuresfoot

Photos : 13heuresfoot et FC Chamalières