Brice Cognard : « Être pro, c’était un humble rêve d’enfant, secret, mais assumé »

Après plus de 150 matchs disputés au cours sa carrière du National 3 au National, le gardien Guadeloupéen (33 ans) a quitté Avranches cet été pour signer son premier contrat professionnel à La Berrichonne de Châteauroux, en National. Portrait.

Photo La Berrichonne de Châteauroux

Depuis cet été, Brice Cognard, 33 ans, est la doublure de Hillel Konaté dans les buts de Châteauroux. Après avoir évolué dans de nombreux clubs franciliens (Sarcelles, Entente Sannois Saint-Gratien, Racing CF, Saint-Brice, Saint-Ouen-l’Aumône, Poissy), il avait découvert le National à l’âge de 30 ans en signant à Avranches en 2020. Une carrière atypique, menée avec patience où il pu disputer des matchs internationaux avec l’équipe de France universitaire et la sélection de Guadeloupe.

Après avoir souvent travaillé en parallèle du foot, son arrivée à Châteauroux lui a permis de signer le premier contrat pro de sa carrière. « Au vu de mon parcours c’est clairement une victoire », explique le gardien qui est revenu longuement sur son parcours pour 13HeuresFoot.

Bernard Lama comme source d’inspiration

Sous le maillot d’Avranches. Photo Philippe Le Brech

« J’ai commencé le foot à l’âge de 6 ans après l’Euro 1996. La séance de tirs aux buts en quart de finale lors du match France – Pays Bas a été un élément déclencheur. Je me souviens que Bernard Lama, une de mes idoles au poste, a qualifié la France pour les demi-finales. »

De l’âge de 6 à 12 ans, Brice fait ses gammes au Saint Brice FC, dans le département du 95. Il intègre très vite la sélection du Val d’Oise et vadrouille entre les différents clubs du département. Après avoir joué à l’AS Sarcelles puis à l’Entente Sannois Saint-Gratien, il rejoint le Racing CF à Colombes. De 2006 à 2010, il gravit les catégories jusqu’à intégrer le groupe CFA (N2).

Malheureusement la rétrogradation financière en CFA (N2) du mythique club francilien le pousse vers la sortie. « J’avais 20 ans, j’ai décidé de retourner aux sources au Saint Brice FC en seniors PH (District), on a réussi à effectuer deux montées consécutives jusqu’en DSR (R2). Cela m’a endurci et m’a permis de reculer pour mieux sauter. »

Une médaille d’argent aux Universiades de 2017

A Concarneau (2020-21), sous le maillot d’Avranches. Photo Philippe Le Brech

En 2014, Brice s’engage à Poissy en CFA 2 (N3) où il est numéro 2. Le club parvient à monter en CFA (N2) et le portier s’en va chercher du temps de jeu à l’AS Saint-Ouen l’Aumône en CFA (N3).
A 25 ans, il est titulaire pour la première fois à ce niveau. En parallèle, il poursuit ses études, avant d’être sélectionné en équipe de France universitaire. « Après ma licence STAPS obtenue en 2015 à Nanterre, j’ai voulu rester universitaire et poursuivre en LLCE anglais pour parfaire la langue. J’ai donc rejoint la fac de Paris 13 Epinay Villetaneuse. J’ai disputé le championnat de France universitaire en 2017. Nous avons fini champion de France avec Bruno Naidon qui était également le coach de la sélection nationale. J’avais déjà été appelé en équipe de France universitaire mais malheureusement je m’étais arrêté aux portes des Universiades 2015 en Corée. Grâce à mes belles prestations en club et avec l’équipe universitaire, j’ai pu intégrer la précieuse liste pour Taipei 2017. »

Organisées tous les deux ans, les Universiades sont une compétition internationale universitaire multisports organisée par la Fédération Internationale du Sport Universitaire (FISU). De nombreux médaillés Olympiques sont passés par cette compétition étant plus jeunes. Avec Brice Cognard dans les cages, l’équipe de France universitaire fait un parcours remarquable et décroche la médaille d’argent à Taipei en 2017.

Un gros challenge sportif à Avranches en National

Avec Anthony Beuve à Avranches. Photo Philippe Le Brech

En octobre 2017, le francilien revient à l’AS Poissy mais cette fois pour être titulaire en National 2. Trois maintiens consécutifs et trois années pleines et consistantes (73 matchs) lui permettent de s’exporter hors de son Ile-de-France natale.
En 2020, Brice se retrouve en Normandie à l’US Avranches en National. « J’ai décidé de sortir de ma zone de confort et relever un gros challenge sportif où je dois pallier l’absence du gardien emblématique du club, Anthony Beuve. »

A relire (article d’octobre 2022 sur Anthony Beuve) : https://13heuresfoot.fr/actualites/anthony-beuve-lautre-monument-davranches/

Il dispute 27 matchs la première saison (43 matchs au total) et contribue au maintien d’Avranches en National. Lorsqu’il n’évolue pas avec l’équipe première, il joue également avec la réserve du club normand en National 3.

« A la Gold Cup 2023, on était à 10 minutes d’un bonheur immense »

Avec la Guadeloupe.

D’origine Guadeloupéenne par sa mère, ses performances lui permettent d’être appelé en sélection en 2022. « Mes performances ont fait écho à certains responsables de la sélection, notamment Franck Sylvestre. J’ai été très heureux d’être convoqué ».

Après des qualifications réussies, la sélection guadeloupéenne dispute la Gold Cup 2023 où elle éliminée aux portes des quarts de finale. « Nous avons passé les phases de poule, on peut relever des choses extrêmement positives. Mais tout s’est écroulé contre le Guatemala (2-3). Nous étions à 10 minutes d’un bonheur immense. C’est frustrant de passer aussi près du but. »

« Au vu de mon parcours, signer pro, c’est clairement une victoire »

Sous le maillot d’Avranches. Photo Philippe Le Brech

A son retour, Brice se rend à la Berrichonne de Châteauroux afin d’y parapher son premier contrat professionnel. « J’étais joueur fédéral avant, le football était mon métier mais pas forcément à temps plein, j’ai toujours travaillé ou entraîné à côté. J’ai eu un job étudiant à Norauto, j’ai été assistant d’éducation, éducateur sportif, animateur en centre de loisirs et responsable de la section sportive pendant des années à Saint-Brice, Poissy et Avranches. J’ai toujours été actif en parallèle du football. Je ne tiens pas forcément en place et financièrement, il fallait joindre les deux bouts. »

Ce contrat décroché à 33 ans vient ponctuer une carrière bien remplie. « C’est un aboutissement, ce n’est pas encore une consécration, ce n’est que le commencement d’une nouvelle épreuve. Au vu de mon parcours, c’est clairement une victoire. C’était un humble rêve d’enfant, secret, mais assumé. J’ai travaillé depuis mes 6 ans pour atteindre cet objectif. Il y a eu beaucoup de hauts et de bas. J’ai un parcours assez atypique et quand je regarde en arrière, je me rends compte du chemin parcouru et c’est assez beau à voir comme paysage. »

« Même à 33 ans j’ai une réelle marge de progression et une ambition immense »

Sous le maillot d’Avranches. Photo Philippe Le Brech

Endossant son rôle de doublure à La Berrichonne avec humilité et patience, Brice découvre petit à petit le monde du football professionnel. « C’est l’exigence. Rien n’est laissé au hasard. Tout est soigneusement préparé. C’est une mécanique complexe très précise. Nous sommes privilégiés, nos affaires sont toujours lavées pour le lendemain, il y a un corps médical aux petits soins, une « cryo », une salle de sport. Tout est réuni pour travailler dans les meilleures conditions. Discipline et rigueur sont les maîtres mots, ce qui n’est pas toujours le cas dans le monde amateur. »

Avec l’envie de redorer le blason de ce club emblématique, Brice se tient prêt et envisage son avenir encore dans le football. « Je veux faire une grande saison, nouer de vrais liens avec l’équipe et ses supporters. Personnellement, je veux jouer le plus de matchs possibles lorsqu’on fera appel à moi. Je veux être heureux, en bonne santé et performant. Comme j’ai éclos tard, j’aimerais jouer le plus longtemps possible tant que mon corps me le permet car j’ai énormément à donner. Même à 33 ans, j’ai une réelle marge de progression et une ambition immense. J’aimerais finir en ayant tout donné avec ce sentiment de satisfaction. Si je dois déposer les armes, ce sera sur le terrain. »

Brice Cognard du Tac au Tac

Sous le maillot d’Avranches. Photo Philippe Le Brech

Meilleur souvenir sportif ?
Les demi-finales des Universiades (2017) contre l’Uruguay, j’arrête le penalty qui nous propulse en finale.

Pire souvenir sportif ?
La défaite en finale des Universiades (2017) face au Japon (0-1), l’arbitrage était un peu douteux.

Combien de clean sheets ?
En seniors, je dirais plus d’une centaine.

Plus belle boulette ?
Avec l’US Saint-Denis, il y a un ballon en chandelle dans la profondeur sur un terrain sec. Le rebond est trop haut et une rafale de vent passe par là, la trajectoire s’accélère et je me fais lober.

Sous le maillot d’Avranches. Photo Philippe Le Brech

Plus bel arrêt ?
C’était lors de la saison 2020-2021 à l’US Avranches. On gagne 1-0 contre Sporting Club de Bastia à Furiani. J’arrête un penalty à la 85e minute de jeu après beaucoup d’arrêts, j’étais en état de grâce ce jour-là.

Pourquoi avoir choisi d’être footballeur ?
C’est venu à moi comme une évidence. Je voulais également faire comme mon grand-père qui a joué au Red Star et pour qui j’ai toujours voué une grande admiration, et bien sûr faire comme Bernard Lama, il était à part, hors normes.

Votre geste technique préféré ?
Au pied : la transversale, le jeu long. A la main : une prise de balle aérienne ou une claquette main opposée.

Qualités et défauts sur un terrain selon vous ?
Mes qualités sont la communication, l’anticipation, la lecture du jeu, le jeu au pied, le domaine aérien et les frappes à bout portant. Mes défauts sont l’excès de communication parfois ce qui peut me faire perdre de l’influx nerveux de l’énergie et de la concentration. Il faut savoir être égoïste pour être le plus décisif possible. Il faut que je sois plus succinct, concis et précis.

Sous le maillot d’Avranches. Photo Philippe Le Brech

Le club ou l’équipe où vous avez pris le plus de plaisir ?
En premier, l’équipe de France universitaire, une équipe et des hommes incroyables. Ensuite, la saison 2016-2017 à l’AS Saint-Ouen l’Aumône, l’année de la montée en N2 (refusée par la DNCG). On avait un groupe exceptionnel, on se sentait invincible.

Le club où vous rêveriez de jouer dans vos rêves les plus fous ?
Arsenal.

Un match marquant ?
France-Brésil en quarts de finale de la Coupe du Monde 2006.

Un coéquipier qui vous a marqué ?
Azzedine Ounahi, actuellement à l’OM et passé par Avranches entre 2020 et 2021.

Avec Saint-Ouen l’Aumône en 2015-2016.

Le joueur adverse qui vous a le plus impressionné ?
Gaël Kakuta (RC Lens) et Mamadou Sakho (PSG) que j’ai affrontés chez les jeunes avec le Racing.

Un coéquipier avec qui vous aimeriez rejouer ?
Je dirais Jonathan Djidonou (actuellement au SO Romorantin, N2) et Maxime Louchart (actuellement Iris Club de Croix, N3).

Un coach que vous aimeriez revoir ?
Ali Tabti (Racing), José Da Silva (Racing), Bruno Naidon (Equipe de France Universitaire) et Emmanuel Tregoat (Saint-Ouen l’Aumône).

Sous le maillot d’Avranches. Photo Philippe Le Brech

Une causerie de coach marquante ?
La causerie pour le match de la montée en N2 avec Saint-Ouen l’Aumône. « Manu » Tregoat nous a fait un montage vidéo avec nos familles, c’est toujours fatal au niveau émotion quand il s’agit de nos proches. Nous avons gagné 4-0 contre la réserve d’Amiens.

Une anecdote de vestiaire ?
Ce qui est au vestiaire reste au vestiaire.

Le joueur le plus connu de ton répertoire ?
Habib Beye, actuel coach du Red Star.

Une devise, un dicton ? Sans maîtrise, la puissance n’est rien, sans sagesse la force n’est rien, sans recul avancer ne sert à rien.

Terminez la phrase. Vous êtes un gardien plutôt…
Complet.

Un modèle de joueur ?
Thierry Henry, Bernard Lama.

Une idole de jeunesse ?
Michael Jordan (basket), Denzel Washington (cinéma) et Thierry Henry (football).

Sous le maillot d’Avranches. Photo Philippe Le Brech

Un plat, une boisson ?
Dombré crevettes (plat martiniquais), Rhum vieux.

Vos loisirs ?
Cinéma, sport, course à pied, voyage, dessin, jeux vidéos

Un film culte ?
The Great Debaters, Les évadés, La ligne verte.

Dernier match vu ?
Arsenal – Manchester City (Community Shield finale, 06/08/2023)

La Berrichonne de Châteauroux en deux mots ?
Histoire, authentique.

Le milieu du foot en deux mots ?
Intransigeant, impitoyable.

Texte : Olesya Arsenieva

Photo de couverture : Philippe Le Brech

Photos : Philippe Le Bech (sauf mentions spéciales)

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