N2 / Baptiste Ridira : « Transmettre, c’est ce qui m’anime au quotidien »

L’entraîneur de Saint-Pryvé/Saint-Hilaire (N2) évoque son parcours et sa vision du métier. Réfléchi et altruiste, il ne tire jamais la couverture à soi, attache beaucoup d’importance à l’aspect collectif et met l’accent sur les notions de progression, d’épanouissement personnel, de plaisir et de passion.

Par Anthony Boyer – Photos Philippe Le Brech

Photo Philippe Le Brech

« Un entraîneur qui a des résultats, quelque soit son niveau, est plus crédible qu’un entraîneur qui n’en a pas, et ce quelque soit son parcours et son vécu ». Ce n’est pas un philosophe qui a dit cette lapalissade, mais Baptiste Ridira, l’entraîneur de Saint-Pryvé/Saint-Hilaire. Encore que, même si le discours de ce dernier s’apparente souvent à de la philosophie, dans son cas, l’on peut plutôt parler de pragmatisme, une doctrine dont il essaie de se rapprocher au gré des saisons et de l’urgence du résultat.

A 40 ans, le natif de Neuville-aux-Bois, dans le Loiret, fait partie de ces « jeunes » entraîneurs qui montent, « à la mode », et qui se font remarquer dans le foot amateur grâce à leur travail et leurs compétences. Et aussi leurs performances : les siennes sont admirables pour un club de ce standing – les deux communes, Saint-Pryvé et Saint-Hilaire font moins de 9000 habitants à elles deux -, et bien installé depuis bientôt 7 ans en National 2.

« On a réussi à mettre le club sur la carte du foot amateur ! »

Quand il a pris en charge l’équipe fanion en CFA2 (N3) en 2016, celle-ci est immédiatement montée en N2, avant d’enchaîner six maintiens. Pour le 7e maintien, il faudra encore attendre quelques semaines : la venue d’Angoulême, samedi dernier, un concurrent direct au maintien, aurait pu permettre, en cas de succès de faire un grand pas mais les joueurs du Loiret ont perdu 1 à 0. Si bien qu’à trois journées de la fin, Saint-Pryvé-Saint-Hilaire FC, qui compte un match en retard, n’est pas encore sauvé, même si ça sent bon (4 points d’avance sur le premier relégable mais seulement un point d’avance sur le 9e, potentiellement relégable). Il faudra encore cravacher.

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Baptiste Ridira est aussi un formidable ambassadeur pour son club et ses deux communes, et il en tire une réelle fierté : « Tout le monde nous mettait en Vendée à cause de Saint-Hilaire-de-Riez, ça nous faisait toujours sourire, après, je pense honnêtement qu’aujourd’hui on a réussi à mettre le club sur la carte du foot amateur ! Maintenant, les gens savent où se situe Saint-Pryvé sur la carte de France (près d’Orléans), grâce à nos coups d’éclat en coupe de France notamment et notre longévité en National 2. C’est une fierté, mais on sait que c’est loin d’être gagné pour nous, en terme de moyens, parce que l’on fait figure de village gaulois dans le paysage. On a vraiment fort à faire pour pouvoir exister à ce niveau-là. Après, ici, dans le jargon, les gens disent « Saint-Pryvé » par raccourci, parce le stade et les installations de l’équipe de N2 sont à Saint-Pryvé, mais on a des terrains sur les deux communes, qui chacune aide le club. »

Des coups d’éclat en coupe

C’est peut-être aussi ses résultats en coupe de France qui lui ont ouvert les portes du diplômes pour le BEPF (Baptiste Ridira fait partie de la promotion 2023-2024). « Je ne sais pas, répond-il; j’ai passé les tests trois fois. C’est vrai qu’avec Saint-Pryvé, on a fait un 16e de finale contre Rennes (en 2019), on a battu deux équipes de Ligue 2, Dijon (en 2022) et Troyes (en 2018), et aussi Toulouse (Ligue 1, en 2020), donc forcément, ces coups d’éclat mettent l’entraîneur sur le devant de la scène et lui offre plus de crédibilité. C’est peut-être aussi grâce à la stabilité du club que j’ai été pris au BEPF, tout cela a fini de convaincre les jurés de me faire entrer en formation. »

Sollicité pour un long entretien – la marque de fabrique de 13heuresfoot ! -, Baptiste Ridira a immédiatement accepté, lui qui donne assez peu d’interviews, si ce n’est à la presse locale. C’était un mercredi, juste après un succès sur le terrain de l’ex-leader, Libourne (1-0) et juste avant un autre à Blois (1-0 toujours). « Pour vivre heureux, vivons caché, comme dit mon président Jean-Bernard Legroux ! Bon, non, je ne me cache pas forcément, je réponds aux sollicitations si j’en ai. »

Interview

« C’est le collectif qui nous permet de réussir ! »

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Baptiste, d’où vient cette passion du métier d’entraîneur de football ?
Je l’ai toujours eue. Je me suis inspiré des gens que j’ai rencontrés, que cela soit dans le foot, quand je jouais gardien, ou dans l’éducation nationale. J’avais ça en tête dès le collège. J’ai eu des profs d’éducation physique qui étaient aussi entraîneurs à côté de leur métier et c’était quelque chose qui m’intéressait. Je me voyais bien faire coach, mais à cette époque-là, plutôt un coach sans grande ambition, de niveau régional, tout en étant enseignant à côté. Après mon bac S, je suis rentré à la fac de sport, mais j’ai compris au fil des années que la relation enseignant-enseigné, une relation contrainte dans laquelle on n’est pas face à un public volontaire, me passionnait moins que la relation entraîneur-entraîné.

Entraîner était donc une vocation…
C’est mon parcours de joueur qui a construit mon parcours d’éducateur, puis d’entraîneur. J’ai eu un parcours modeste, d’abord à Neuville-aux-Bois jusqu’à mes 17 ans. Ensuite, je suis allé à Saint-Jean-de-la-Ruelle pour être 2e gardien en 18 ans nationaux, et j’ai tout de suite joué en seniors. Après, je suis allé à Saint-Jean-le-Blanc et j’ai fait un petit passage à l’US Orléans. En parallèle, j’étais éducateur : à la fac, on avait la possibilité de faire un double cursus – diplôme fédéral et cursus universitaire -, du coup, ça m’a amené à passer mon Brevet d’état 1er degré en 2006. Je suis retourné jouer à Saint-Jean-le-Blanc, qui m’a employé en tant qu’éducateur; à l’époque je travaillais également comme assistant d’éducation à côté : on a monté une section sportive, et c’est là que j’ai été mis en relation avec le District du Loiret, où j’ai été embauché en CDI en 2008, au départ sur une mission de création d’une section sportive élite départementale, avec un projet de « foot des quartiers ». Puis il y a eu du mouvement sur la structure : Bertrand Baillou, qui s’occupait du foot diversifié et du foot féminin, a basculé sur un poste à la coordination technique (il est aujourd’hui entraîneur des gardiens à l’US Orléans) et j’ai aussi pris en charge le foot féminin et les pratiques diversifiées. En 2011, j’ai passé mon DEF (DES aujourd’hui, qui permet d’entraîner jusqu’en N2).

« Le club ne tangue pas quand ça fonctionne moins bien »

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C’est comme cela que tu es devenu entraîneur en N2 ?
En fait, en 2014, j’ai intégré le staff du Saint-Pryvé/Saint-Hilaire FC en CFA2 afin de pouvoir passer le CEGB (certificat d’entraîneur gardien de but) en 2016. Et en fin de saison 2015/2016, mon prédécesseur, Mickaël Ferreira, a annoncé son départ vers le mois de mars. Là, je me suis signalé auprès des dirigeants. « Micka » était entraîneur à plein temps et responsable technique du club. Au départ, les dirigeants voulaient réduire la voilure et repartir avec l’entraîneur de la réserve, qui bossaient à côté, mais il n’avait pas tous les diplômes requis. Le 10 juin 2016, le club m’a sollicité pour reprendre l’équipe. J’ai sauté sur l’occasion. Là, avec mon adjoint Mathieu Pousse, on s’est retrouvé à devoir construire un effectif et à préparer une saison, et dans le même temps, il a fallu finaliser et préparer la saison avec le District, duquel j’ai démissionné. Au départ mes deux co-présidents étaient réticents à me « sortir » d’une forme de sécurité de l’emploi, pour basculer dans le monde des coachs assez incertain et instable; on se connaissait, mes dirigeants étaient prévenants avec moi, mais on a pris cette décision et dès la première saison on est monté en N2.

Quand, à 33 ans, tu es parti du District, où tu étais en CDI, avec la sécurité de l’emploi, n’as-tu pas pris un risque en optant pour un poste d’entraîneur dont on connaît le caractère aléatoire ?
En fait, le hasard avait fait aussi que je m’étais installé, avec ma famille, à Saint-Pryvé. C’est une décision que j’ai prise assez rapidement. Je ne calcule pas énormément les choses. J’aime bien fonctionner à l’instinct et à la confiance. Au départ, avec Saint-Pryvé, je suis parti sur un contrat de 2 ans, avec une option de renouvellement en cas de maintien au bout des 2 ans ou en cas de montée. Et comme on est monté la première année, ça m’a assuré 3 ans encore après l’année de la montée. Donc c’était une forme de sécurité aussi, sachant qu’ici, les entraîneurs restent longtemps quand ils en ont la volonté, que le club est stable et qu’il ne tangue pas quand la machine fonctionne moins bien : je peux en parler en connaissance de cause puisque la saison passée, on est resté sans gagner un match jusqu’à la 8e journée, et pourtant, à aucun moment mon président m’a dit « Coco, il faut se poser des questions, on ne va peut-être pas continuer si on n’a pas de resultat »…

« Ici, ça me ressemble en terme de travail, de sérénité et d’humilité »

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Saint-Pryvé laisse donc le temps aux entraîneurs…
Ici, on est dans un club familial où ça fonctionne au relationnel et à la confiance. Je n’ai jamais senti de difficulté par rapport à ça et cela va faire 8 ans en juin qu’on est ensemble, avec un adjoint, Mathieu Pousse, qui est arrivé dans le staff 4 ans avant moi, qui entraîne également la réserve et qui a un boulot à côté. On est dans une structure plutôt modeste au niveau du staff mais ça me ressemble en terme de travail, de sérénité et d’humilité. On sait qu’on doit continuer de prouver chaque jour, et c’est ça qui me fait avancer. Je continue d’être un entraîneur en construction et en désir de progression. C’est ce qui nous a permis d’avoir une dynamique évolutive et positive en termes de résultat.

Tu as dit que tu avais joué à l’US Orléans, le grand club de ta région…
Oui, j’y ai passé une saison, comme gardien, en réserve. C’était l’année de mon DEF. J’ai effectué la préparation avec le groupe National de Yann Lachuer, j’ai aussi croisé Olivier Frapolli. Dans l’optique du diplôme, c’était intéressant, ça m’a permis d’acquérir des connaissances dans un club plus huppé, plus tourné vers la performance du haut niveau.

Y a-t-il eu, durant tes années de joueur, un entraîneur qui t’a inspiré, qui t’a marqué plus qu’un autre ?
Oui, Philippe Rebot. C’était le responsable de l’option football à la fac (aujourd’hui Directeur National adjoint à la Fédération Française du Sport Universitaire). C’est lui qui m’a confirmé dans ma passion du foot et dans ma passion de transmettre, parce qu’il y avait cette bivalence entre l’aspect transmission des « savoir faire » et « savoir être ». Je garderai toujours ce côté transmission, ce côté partage de ce qu’on est, de ce que l’on aime faire et de son savoir faire : sans manquer d’humilité, je pense que transmettre, c’est quelque chose qui m’anime au quotidien. D’ailleurs, au club, aujourd’hui, je ne suis pas seulement entraîneur de l’équipe de N2, je suis aussi manager général. Ce qui implique une transmission auprès des éducateurs du club. Il y a un travail profond qui est fait en filiation entre le projet de jeu de l’équipe première et celui qu’on applique sur les jeunes, et ça, c’est quelque chose qui continue de m’animer même si j’ai basculé aussi vers la performance et l’élitisme. J’ai pris goût à la compétition. Être sur un banc, aujourd’hui, cela fait partie d’une stimulation positive.

Mais tu aurais pu être prof d’EPS…
Oui mais je n’ai pas validé mon concours : c’est un objectif manqué dans mon parcours mais je n’en suis pas malheureux, parce que cela a été un vrai choix de ne pas aller au bout de ce cursus. Je ne le regrette pas. Je me suis tourné vers le coté entraîneur et éducateur. Grand bien m’en a pris !

« Si on se maintient, ce sera comme une petite accession »

As-tu vu une évolution du National 2 depuis l’accession en 2017 ?
Pas franchement. C’est toujours aussi exigeant. Mais je pense qu’on va retourner vers un niveau plus élevé comme du temps du CFA. La réduction du nombre de clubs fait que l’on va vers un championnat encore plus compliqué, où on trouvera des clubs plus performants et mieux structurés, comme le souhaite la FFF. On passe quand même de 4 poules de 16 à 3 poules de 16 en deux saisons, donc nous, si on se maintient, ce sera comme une petite accession ! C’est déjà une vraie performance d’être là depuis 7 ans.

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Justement, comment fait Saint-Pryvé pour exister et « survivre » en National 2 ?
En N2, les subventions municipales tournent en moyenne autour de 250 000 euros pour un club, mais chez nous, c’est moins de 50 000 euros avec les deux communes cumulées. Sans parler du budget, où la moyenne en France est, grossièrement, de 1,2 million d’euros. Nous, on est péniblement entre 700 et 800 000 euros. Mais à défaut de moyens, on a des idées. On a fait évoluer le fonctionnement du club même si on tâtonne encore sur certains aspects. On a continué sur la lancée du travail qui avait été mis en place avant que je n’arrive, sur l’aspect « développement des exigences du haut niveau ». On est passé de 4 séances à 7 créneaux si l’on compte la séance de soin du jeudi; certains joueurs bossent et ne peuvent faire que 4 créneaux du soir et de la kiné. On a mis des séances en journée pour augmenter le volume et attirer aussi des joueurs en développement et qui ont besoin d’un volume de séances important pour continuer leur progression : ces joueurs-là peuvent se servir de notre club comme un tremplin. C’était le cas d’Anthony Baron (Servette de Genève), Antoine Carnejy (Feirense, D2 portugaise) ou Hugo Vargas (Le Mans), passés chez nous, entre-autres joueurs.

« On n’a pas de marge à ce niveau »

Dans l’effectif, il n’y a pas trop de « noms »…
On a Georges Gope-Fenepej (Troyes, Boulogne, Amiens, Le Mans, Concarneau) et Idrissa Sylla (Le Mans en L2, Anderlecht, Zulte-Waregem et Ostende en D1 belge), on a aussi des jeunes joueurs qu’on a fait venir pour les accompagner dans leur développement ou alors des garçons qui ont déjà fait leurs classes en National 3 ou en National 2, comme Yoann Wachter, international gabonais formé à Lorient (ex-Sedan en National), Grégory Lescot, un international guyanais, ou le gardien Jordy Claveau, qui a été formé au PSG. Ils ont eu une belle formation mais n’ont pas passé le cap. C’est ce qui fait la richesse de notre effectif. On va souvent chercher des garçons qui ont des choses à prouver, ce qui nous ressemble un peu car nous aussi, au niveau du club, on doit prouver chaque année qu’on a les capacité à vivre et à survivre en N2. Les joueurs s’inscrivent dans cette démarche et c’est d’ailleurs ce qui fait que cela fonctionne. Les seuls soucis que l’on peut avoir, c’est quand les joueurs ou nous, le staff, on se met à penser que l’on est arrivé alors que l’on n’a pas de marge à ce niveau.

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Comment faites-vous pour, chaque année, être compétitifs ?
La clé, c’est vraiment le travail et cette conviction que l’on ne peut pas, si on veut rester au niveau où on est, se reposer sur nos acquis. Parce que sinon, le club, le staff, le groupe, on va finir par stagner. Il faut que tout le monde reste dans cette démarche de progression. A chaque début de saison, on repart dans la peau du challenger et on se dit qu’il faut faire mieux. On regarde les statistiques : si on a fini 6e, on va viser la 5e place. Tant que l’on aura la conviction que l’on a encore des choses à prouver, on continuera de survivre. Depuis qu’on est arrivé avec le staff, on a augmenté le travail vidéo par exemple, on a un quelqu’un qui s’occupe des gardiens, on a pris un alternant spécialisé dans l’optimisation de la performance, on a intégré des étudiants en STAPS pour la ré-athlétisation… On fait preuve d’imagination et ça permet aussi de renouveler notre façon de travailler, d’apporter un plus. On a passé un partenariat avec une marque étrangère pour un logiciel d’analyse vidéo, et également avec Tanguy Fleury, préparateur individuel de Sébastien Haller (Dortmund) : il a mis en place une application qui s’appelle « enjeux », destinée au suivi individuel. On met en place des formations pour les joueurs, qui peut les amener à avoir une porte de sortie après le football et leur donne des billes supplémentaires (interventions sur la nutrition, sur la préparation mentale) pour leur carrière. On essaie de relier des nouvelles expertises dans différentes domaines, pour se renouveler. Il ne manque que quelques moyens supplémentaires pour faire encore mieux et améliorer les choses.

Est-ce que tu vas voir des matchs dans ta région, notamment en National à l’US Orléans ?
Il existe un lien fort avec l’US Orléans où notre président Jean-Bernard Legroux (depuis 1984 et la création du club) est actionnaire de la SASP; c’est un ami de Philippe Boutron (ce dernier, président de l’USO, vient de vendre le club) donc forcément, oui, on va régulièrement voir des matchs à La Source en National. Je suis proche aussi de Maxime d’Ornano, l’entraîneur du FC Rouen, donc je regarde ses matchs. Récemment, je suis allé voir le Red Star contre Niort. Tout ça fait partie de ma formation et de ma progression. J’ai aussi eu l’occasion d’aller plusieurs années de suite en immersion avec le staff de Pascal Gastien à Clermont, ce fut très riche. Et dans le cadre du BEPF cette saison, je suis allé au Lausanne Sports où j’ai passé une semaine avec le coach Ludovic Magnin et son staff : on a eu des moments de partage qui ont été enrichissants, passionnants et exceptionnels. Ce sont des choses qui permettent surtout de se relier aux exigences du très-très haut niveau et nourrissent notre réflexion , même si c’est parfois difficile de trouver des choses transversales entre ces structures et des structures comme Saint-Pryvé/Saint-Hilaire, mais avec de l’imagination, on arrive à en tirer des « astuces » pour mieux fonctionner.

« La formation au BEPF, c’est passionnant, stimulant… »

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Parle-nous un peu de ta formation au BEPF, des candidats…
La formation, c’est très riche. Quand on regarde la liste de ceux qui sont avec moi, forcément… Quand on voit mon parcours, c’est déjà une opportunité d’être relié à ce type d’entraîneurs de haut, voire de très haut niveau, comme Sandrine Soubeyrand, qui a disputé la Ligue des champions à la tête du Paris FC, Lilian Nalis, qui l’a aussi connue cette saison avec Lens, Didier Digard, qui a entraîné Nice en Ligue 1. Ce n’est pas rien. Il y a une forme d’éclectisme magnifique entre tous les profils : cet écart avec les stagiaires qui ont touché au très haut niveau et d’autres comme moi fait qu’il y a une énorme richesse dans le partage et les échanges. On a à apprendre de tout le monde et je me nourris de ça au quotidien. C’est varié, et ça remet en question tout ce que l’on fait durant la saison, car, pour avancer, on met sur le grill nos compétences et nos certitudes. C’est passionnant. Et au delà de la simple formation, on a crée des connivences entre nous et les intervenants. On vit quasiment ensemble une année complète, c’est stimulant. Parfois, on se livre car on travaille sur des choses plus personnelles, sur la connaissance de soi, sur des éléments qui nous amène à nous interroger sur nos parcours de vie, et ça, peut-être que je ne le partagerai plus jamais avec d’autres personnes. Je sais qu’il y a de grandes chances que je retrouve un jour des camarades de promotion comme adversaires, en coupe ou en championnat, parce que c’est le foot et que l’on est amené à croiser des collègues, mais ce sera un vrai plaisir et un vrai défi !

Compte tenu du travail effectué depuis toutes ces années à Saint-Pryvé, le « grand » club voisin (l’USO) aurait pu s’intéresser à toi, non ?
C’est vrai qu’à chaque nouveau changement d’entraîneur à l’US Orléans, il y avait toujours quelqu’un pour écrire dans la presse, notamment locale, ou sur les réseaux sociaux, « Pourquoi pas Baptiste Ridira ? ». Eh bien tout simplement parce qu’il n’avait pas le diplôme ! Aujourd’hui, l’USO a trouvé une belle stabilité avec Karim Mokeddem, qui selon moi est l’homme de la situation. Maintenant, le changement de propriétaire fait qu’il y aura peut-être des changements, des évolutions, mais moi, je n’ai jamais fait de l’USO une priorité. Déjà, le niveau où je suis aujourd’hui, en National 2, ce n’était pas quelque chose de prévu, ni de calculé. Maintenant, à un moment donné, on sait bien que, pour un entraîneur, chaque semaine qui passe, chaque mois qui passe, chaque saison qui passe, le rapproche de la fin avec la structure dans laquelle il est, donc fatalement, il faudra écouter tout ce qui se passe ici ou ailleurs. Le fait d’obtenir, je l’espère, et je croise fortement les doigts, le diplôme du BEPF, ouvre aussi des perspectives individuelles qui n’ont jamais été explorées. Par le passé, je n’ai jamais eu intérêt à partir du club : on a eu la montée en N2 la première année, ensuite il a fallu pérenniser le club à ce niveau, on a eu la Covid au bout de la 2e année en N2… Ce n’était pas des périodes adaptées pour pouvoir bouger. Après, il y a eu la perspective du diplôme, qui implique une année très exigeante, et nécessite beaucoup de stabilité, à la fois sur le plan organisationnel et familial. C’est pour ça que c’était important pour moi de passer mon diplôme en étant à Saint-Pryvé, parce que le fonctionnement était calé, que l’on travaille dans un grande confiance avec les dirigeants. Cela permet aussi de passer une saison sereine sur ce plan-là mais pas tranquille pour autant, on le voit avec le classement, mais le cadre était sécurisant.

« Aucun club français n’a vu passer mon CV… »

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Forcément, l’obtention du BEPF va te donner des envies d’aller plus haut, dans le foot pro…
Oui. Mais je me répète, je n’ai pas de plan de carrière. Je ne me suis jamais dit « à 50 ans il faut que je sois en Ligue 1 « . Là, je suis sous contrat jusqu’en juin 2024 et en cas de maintien, contractuellement, il y a des possibilités pour le club et moi on continue, maintenant, il ne faut jamais dire jamais, car les choses vont très vite, on le sait. Des contacts, on en a tous, mais pour le moment, je suis là jusqu’à la fin de saison et je me projette déjà sur la saison suivante, que je prépare, parce que cela fait partie de mon boulot. Pour l’heure, ce qui est prioritaire, au niveau du club, c’est le maintien en National 2 et aussi en Régional 1 pour l’équipe réserve, et au niveau personnel, c’est mon diplôme. C’est pour cela que je ne vais pas au-devant de sollicitations et que les clubs français n’ont pas vu passer mon CV, ce n’est pas ma manière de fonctionner. Et si je dois travailler encore 10 ans à Saint-Pryvé, je ne vois pas pourquoi ce ne serait pas possible, même si, personnellement, j’espère faire évoluer le club pour aller plus loin : à ce sujet, j’ai déjà dit qu’il n’était pas taillé pour le National. Alors effectivement, j’ai de l’ambition, mais voilà, c’est une ambition légitime par rapport à tout ce que l’on a fait au club, et je dis bien « on », parce que c’est le groupe, les dirigeants et le staff, ce n’est pas moi tout seul. C’est pour ça que j’attache beaucoup d’importance à l’aspect collectif : j’ai rarement vu un entraîneur faire une saison seul avec un vestiaire à dos, il faut en être conscient, individuellement, on n’est pas grand chose. C’est le collectif qui nous permet de réussir. Et quoi qu’il advienne, mes ambitions sont construites et tournées vers un projet collectif, qui me conviendra, et, aujourd’hui, celui de Saint-Pryvé continue de me convenir du moment que l’on peut qu’on peut avancer.

Des mauvaises langues disent que, ces dernières années, c’était plus agréable de regarder jouer Saint-Pryvé que l’US Orléans…
(Rire !) Alors ça, c’est une forme de lieu commun, que je me garderais bien de commenter ! De base, on a quand même une philosophie tournée vers la possession et un jeu de mouvement, avec pas mal de mobilité entre les lignes. Et surtout, on a une identité de jeu, depuis des années, axée sur le 4-4-2 losange : et ça, tout le monde le sait ! Je me fais régulièrement « chambrer » là-dessus ! C’est une réalité mais ça nous plaît parce que c’est un dispositif qui n’est pas commun, et dont on tire une force, une originalité et une vraie identité pour notre équipe et pour notre club. Malgré tout, je suis devenu aussi pragmatique : très communément, je suis un entraîneur qui veut gagner des matchs, je ne suis pas plus bête qu’un autre ! Le meilleur témoin de l’efficacité, c’est la victoire. Pour ça, il faut parfois, non pas se renier, mais s’adapter pour pouvoir être dans cette efficacité-là, dans l’une ou l’autre des deux surfaces, car on sait que ce sont les résultats qui font avancer les clubs et les équipes, et on s’inscrit là-dedans. La base d’une saison se construit sur une idée de jeu, certes, mais aussi sur une forme d’épanouissement personnel des joueurs et du plaisir : si on a un groupe avec des joueurs qui ne se reconnaissent pas dans un projet de jeu, c’est difficile de faire une saison entière. Les notions de plaisir, de progression et d’épanouissement de la personne, que l’on soit joueur, entraîneur, membre du staff, sont essentielles, et c’est ce qui nous permet, à Saint-Pryvé, d’avancer depuis plusieurs saisons.

« Je suis dans l’empathie »

Photo Philippe Le Brech

Qui sont tes modèles de coach ?
C’est drôle parce qu’un de mes joueurs, une fois, m’a demandé « Mais coach, ça vient d’où cette volonté de jouer en losange ? Qui vous inspire ? C’est Guardiola ? », et je lui ai dit « Non, c’est moi ! ». Je me documente, je regarde beaucoup de matches, je lis plein de livres… Au tout début de notre intronisation, avec Mathieu Pousse, mon adjoint, on s’est posé la question de savoir ce que l’on voulait faire. Et depuis toutes ces années, on est resté dans cette idée de jeu plutôt basé sur la possession, l’utilisation du ballon, la mobilité, l’étagement des joueurs entre les lignes, avec aussi la capacité d’être vertical à la transition. Et au fur et à mesure, on est devenu un peu plus pragmatique. On a tendu vers l’efficacité, parce que c’était une nécessité à un moment, tout en gardant cette volonté de jouer, de prendre plaisir à construire des choses. Bien sûr que l’on s’inspire des tout meilleurs, mais aujourd’hui, cela va plus loin que Guardiola, qui est un disciple de Cruyff. Quand on creuse, on voit bien que les inspirations sont innombrables. Les premières traces d’un dispositif à étagement, c’est Herbert Chapman en Angleterre et son fameux WM. Il y a eu aussi Johan Neeskens et son Ajax Amsterdam au Pays-Bas. Si on veut faire un joyeux mélange, on prend le football de transition prôné par Klopp, qui a cette capacité à créer du lien avec ses joueurs, le football de possession prôné par Guardiola, qui a cette capacité à faire jouer ses équipes, et on y ajoute des Tuchel, des Ancelotti… Et puis, dans le management, il y a des coachs admirables comme Ancelotti justement, il l’a prouvé à maintes reprises. Je m’inspire de tout ça. Il y a du bon partout. Il faut rester très ouvert. Le plus gros problème que peut rencontrer un entraîneur, c’est de s’arrêter sur des convictions, de se renfermer, de ne pas s’ouvrir. Il faut etre tourné vers la progression, le plaisir du football et la passion tout simplement.

En deux ou trois adjectifs, tu dirais que tu es un entraîneur plutôt comment ?
C’est difficile, en deux-trois adjectifs, parce que je parle beaucoup ! Je suis un entraîneur passionné, réfléchi et altruiste. Je suis dans l’empathie. J’aime être proche des joueurs. Je leur donne la parole. J’aime que l’ensemble du groupe soit tourné vers la même direction et s’y retrouve dans les notions que j’ai évoquées juste avant, et prenne du plaisir à vivre ensemble.

Est-ce que tu as des manies, des rituels ?
Oui ! Je ne laisse jamais sortir les joueurs du vestiaire avant de les avoir tous « tchecker », comme on dit. Il n’y a pas un joueur qui part sur la pelouse ou sur le banc avant que je ne l’ai vu, sans qu’il ne m’ait tapé dans la main, ça c’est un vrai rite : je me mets devant la porte, avant la vérification de l’arbitre. Sinon, j’aime bien boire un café sur le terrain ou au bord du terrain pendant l’échauffement, je me fais chambrer quand je me promène avec ma tasse !

Texte : Anthony BOYER – aboyer@13heuresfoot.fr – Twitter @BOYERANTHONY06

Photos : Philippe Le Brech

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