Le Nancéien, qui fêtera ses 41 ans demain, revient sur sa fidélité à « Jarville Jeunes Football ». L’ex-avant-centre a passé 32 ans de sa vie dans son club de toujours, où il a terminé sa carrière dans les cages la saison passée, avec une accession en N3, avant de prendre les rênes aux côtés de l’ex-pro Michel Engel.
Cette fois-ci, c’est la bonne. En tout cas, « sûrement… à 95% ». Comme si la retraite était un mot qu’Antony Rigole ne voulait pas prononcer officiellement. Bien plus franc au moment de crucifier un gardien de but que de se retirer de son club de coeur, celui de (quasiment) tous les succès : Jarville Jeunesse Foot.
A bientôt 41 ans (il les fêtera ce mercredi !), le goleador jarvillois s’est mis de côté, sur la touche, pour devenir entraîneur de l’équipe A de Jarville, promue en National 3.
Trente-six ans de football, trente-deux dans le club de la banlieue nancéienne avant et après des expériences chez les pros de l’AS Nancy Lorraine et avec la réserve de l’OCG Nice, soit autant de souvenirs et d’anecdotes. Avec à la clé : 613 matches pour 424 buts. Ça ne rigole pas !
« On va dire que c’est vraiment l’arrêt de ma carrière ! »
Ça y est, cette fois, c’est vraiment l’arrêt de carrière ?
Oui et non (rires). Sincèrement, oui je pense… Même si là, je joue avec l’équipe III en D2 de district pour rigoler. On va dire que c’est vraiment l’arrêt de ma carrière… mais à 95%. On est jamais sûr de rien.
On ne met pas fin à 36 ans de football d’un coup d’un seul… Et à 32 ans de foot à Jarville surtout.
Combien de fois vous-êtes vous dit que vous alliez arrêté ?
C’est la première fois que je le dis. Ça faisait deux ou trois saisons que ça me trottait dans la tête et je trouvais toujours des arguments pour rempiler. Et surtout, ce que je faisais sur le terrain me confortait dans cette idée de continuer. L’an dernier, en cours de saison, je l’avais annoncé sans savoir qu’on allait monter de Régional 1 en N3. Finalement, c’était une fin en apothéose. Je ne pouvais pas rêver mieux.
Surtout que vous, l’attaquant, vous avez terminé la saison en tant que… gardien !
Oui (rires). Notre gardien Sonny (Lautar) a mis du temps à se remettre d’un Covid long. Donc je l’ai remplacé vu qu’en plus j’avais de plus en plus de douleurs aux genoux. Sur la fin de saison, on a profité de la dynamique pour ne pas bousculer l’équipe et ça nous a menés jusqu’à la montée en passant par les barrages.
« J’ai toujours voulu être gardien ! »
Quel poste, autre qu’attaquant, vous a donné le plus de plaisir ?
Gardien de but. Sans hésitation. J’ai toujours voulu être gardien depuis tout jeune. C’est mon père (Alain, au club depuis 1974 et actuel président, Ndlr) qui ne voulait pas car il voulait me voir plus utile sur le terrain. J’ai vraiment pris du plaisir à jouer dans les cages.
Rejouer en National 3, objectif pour lequel vous vous êtes battu, ça ne vous disait pas ?
Le niveau donne envie, c’est vrai. Mais c’est une N3 très relevée et j’ai bientôt 41 ans. Je connais ce championnat pour y avoir joué il y a quelques années, il aurait fallu que je fasse une grosse et belle prépa, sans pépin. Surtout que dans cette N3, il y a des réserves de clubs pros avec des jeunes qui courent partout et tout le temps ! Sans entraînement, j’aurais été largué.
Comment on se maintient en forme ?
Je me suis toujours entraîné. La clé, c’est de ne jamais trop s’arrêter. Même si à partir de 35/36 ans, j’avais ma propre préparation pour être prêt au début de saison et ne pas me blesser, je ne loupais pas d’entraînement. Je me connaissais, je connaissais mon corps, donc je pouvais me le permettre pour gérer. Une grosse prépa, complète, avec le reste du groupe et les jeunes, j’aurais explosé.
« Je suis fier d’avoir fait parler de Jarville en France »
613 matches, 424 buts : qu’est ce que cela vous inspire ?
De la fierté. Je sais ô combien c’est difficile de marquer des buts. Je suis fier d’avoir offert des victoires à mes coéquipiers, d’avoir concrétisé leurs efforts parce que j’étais au bout de la chaîne. C’était à moi de marquer. Je suis fier d’avoir fait parler de Jarville, d’avoir fait d’une petite ville de 8 000 habitants une place forte du football lorrain. Sur 10 ans, on a quasiment tout gagné localement. Fier d’avoir fait parler de nous en Lorraine avec nos Coupes de Lorraine mais aussi dans l’Hexagone avec des épopées en Coupe de France, en jouant contre six clubs pros dont certains à Marcel-Picot. Je suis un enfant d’ici, alors jouer à Nancy et y emmener 12 000 personnes, c’était grand.
Quelle était la recette de ces exploits ?
Aucun joueur n’a de salaire fixe à Jarville, donc il faut bien les motiver avec autre chose. Nous, c’était notre esprit de famille. Et puis, on avait surtout de bons joueurs de ballon. Les générations 1981-82-83 ont fourni beaucoup de très bons joueurs sauf qu’avec les catégories de jeunes, nous n’avions jamais joué tous ensemble. Arrivés en seniors, ces jeunes qui avaient performé en 17 et 19 ans Nationaux ont pu se retrouver et donc accumuler tous ces talents pour enchaîner les montées en passant de PH à CFA2 (N3) en quelques années.
Avant de tenter l’extérieur ailleurs…
Oui, dans des niveaux intéressants. Jessy Savine a joué en pro à l’AS Nancy Lorraine, Rodolphe Couqueberg à Raon-l’Etape, Sebastien Denay à Forbach en CFA. Il y a aussi Romain Ferraro qui n’a jamais voulu faire des tests pour aller plus haut, mais il avait 100 fois le niveau… Et puis, en 2003, on est tous revenu au club et là, c’était régalade. On prenait tellement de plaisir. On a fait 5 finales de Coupe de Lorraine (4 gagnées), on a joué six clubs pros en Coupe de France et on a fait 9 années de suite en CFA2 en terminant entre la 2e et la 6e place.
« La coupe de France, c’est le rêve, et on lui a donné vie ! »
Les clubs de Ligue 2 viennent de rentrer en Coupe de France. Vous en avez éliminé plusieurs avec Jarville. Que gardez-vous en tête ?
La Coupe de France, ce sont des souvenirs qui restent. Une accession n’a pas la même saveur, même la saison passée avec des barrages qui ressemblaient à une coupe d’Europe. Au-delà des matches, au-delà de jouer des clubs professionnels, dans des grands stades, c’est surtout un engouement à part. Que ce soit à l’entraînement, avec une intensité totalement différente, ou après, quand on avait des discussions qui partaient dans tous les sens, parce qu’on se mettait à rêver. La Coupe de France, c’est le rêve et on lui a donné vie.
Quel est ton principal souvenir ?
Personnellement, contre Libourne Saint-Seurin (janvier 2007, club de Ligue 2) parce que je marque trois buts même si on est éliminés (3-5). Mais, plus globalement, c’est contre Sochaux en 2011 avec 12 000 personnes à Marcel-Picot, face à Ryad Boudebouz et Marvin Martin ! Sochaux a fini européen en fin de saison (5e). En plus, on ne perd que 1-0.
L’impact d’Alain, votre père, dans votre carrière ?
Je lui dois tout. Il a quasiment toujours été mon entraîneur. Que ce soit depuis tout jeune à Jarville ou en seniors. Même quand je suis parti à l’ASNL, c’était mon entraîneur, car il était adjoint de Moussa Bezaz. Il a passé un temps fou derrière moi. Au-delà des deux ou trois séances collectives quand on était petits, il faut savoir qu’il me les faisait doubler avec des surentraînements à la maison à faire du jonglage, des passes, de la conduite de balle. J’étais un peu gentil, il m’a forgé un gros caractère. Un gros caractère de marseillais, un peu dur.
Une dizaine de matchs en pro à Nancy
De 2000 à 2003, vous rejoignez la réserve de l’ASNL puis les professionnels pour quelques apparitions en D2 (11). Comment vous jugez cette carrière professionnelle ?
Je ne vais pas dire « frustrante » mais je suis arrivé au mauvais moment et je me suis blessé deux fois au pire moment. Sinon, je la trouve bonne. J’arrive de Jarville sur la pointe des pieds. A Nancy, je fais un an et demi de CFA où j’étais capitaine. Lors de ma deuxième saison, je fais 10 matches en D2 (dont un en Coupe de France) avec Francis Smerecki comme coach. A l’intersaison, Moussa Bezaz arrive à la tête des pros, je suis le banc et je ne rentre pas. A l’entraînement, je prends un tacle par derrière; verdict : double entorse de la cheville. Et quand je reviens, le jour où Pablo Correa reprend l’équipe parce que Moussa Bezaz s’est fait virer, je me blesse aux ligaments interne et externe. Et je n’avais signé mon contrat pro que pour un an.
Et donc ?
Je mets 8 buts en 13 rencontres avec la réserve pour mon retour. J’arrive tout de même à refaire un bout de match avec Pablo Correa comme coach, contre Istres. Mais le club avait des difficulté financières et avait décidé de ne pas renouveler des fins de contrats dont Youssouf Hadji ou Youssef Moustaid. Il n’y avait plus d’argent, donc la direction ne pouvait pas se permettre de renouveler les contrats et voulait passer dans une autre ère. C’est dommage parce que ce n’est pas moi qui allait couter cher, encore moins pour mon club de coeur pour qui j’aurais tout donné.
Donc vous retournez à Jarville pour deux saisons avant de rejoindre la réserve de l’OCG Nice à l’été 2005. Pourquoi et comment cela s’est fait ?
Michel Engel (ex pro à Dijon, Beauvais, Epinal et Nancy en D1 et D2), avec qui je partage le rôle de coach, avait une connaissance dans le staff de Nice. Je sortais d’une saison à 30 buts en 30 matches pendant laquelle je frappais de n’importe où et n’importe comment, ça rentrait, donc il glisse mon nom. Surtout qu’à l’époque, j’ai 23 ans. Je fais un essai, mais je ne le réussis pas. A mon retour, quand je le raconte à Michel, il me dit qu’il va insister pour que j’en fasse un second. Et celui-là, je le réussis avec deux buts et une passé décisive pour une victoire 3-0.
Quel était le projet ?
C’était de signer avec la réserve. Mais on m’avait dit que le staff des pros voulait dégraisser l’effectif et passer de 28 à 22 joueurs. Alors, je me disais qu’avec peu de pros, si j’étais bon, j’aurais ma chance. Sauf que dans le renouvellement de l’effectif, ils ont d’abord acheté sans parvenir à vendre. C’était alors plus compliqué de me faire une place.
Avec Hugo Lloris à l’OGC Nice
Pourquoi être parti dès six mois alors ?
Vu que ça se passait bien dans le relationnel qu’on avait, le club m’a proposé de signer à Raon-l’Etape comme porte de sortie, sauf que je connaissais Raon, vu que c’était à 70 km de chez moi. Je n’étais pas du tout chaud. En fait, vu que l’équipe réserve était sauvée, ils ont souhaité faire monter la jeune génération. A ma place, ils fondaient beaucoup d’espoir sur Anthony Modeste, j’ai donc quitté le club au bout de six mois car j’allais manquer de temps de jeu. En plus, Jarville, où je suis reparti, était en difficulté en championnat à la trêve hivernale, donc j’avais pour mission de les sauver. Ce qu’on a fait.
Six mois à Nice mais suffisant pour jouer avec le jeune Hugo Lloris. Etait-il déjà impressionnant ?
Je vais vous étonner, mais non. Il avait déjà les dents longues car il voulait prendre la place de Damien Gregorini et ne se privait pas de le « tailler » d’ailleurs. Mais dans les faits, les fois où il était venu avec la réserve, il nous avait couté deux buts et donc deux matches. Il avait des qualités, une grosse ambition, il aimait travailler mais il était très jeune (19 ans en décembre 2005) et n’avait pas encore pris cette épaisseur. Ce n’était pas le phénomène que l’on connaît aujourd’hui.
« Le début de saison est difficile, mais on le savait »
Quel avenir maintenant pour l’entraîneur Antony Rigole ?
J’étais déjà entraîneur-joueur sur ma fin de carrière avec Michel (Engel) sur la touche, pour faire des changements même si je faisais les causeries et les compositions. Aujourd’hui, on est en doublon. Je suis salarié de la mairie de Jarville, mis à disposition à temps plein pour le club. Donc l’avenir d’Antony Rigole, je touche du bois si tout va bien, c’est Jarville pour faire la même carrière que mon père jusqu’à la fin. Tant que le club se tiendra debout… et on va tout faire pour.
Un début de saison compliqué (dernier, 5 défaites en 5 matches, 1 seul marqué), notamment avec un match non joué et finalement perdu sur tapis vert contre Epernay pour cause de terrain en herbe impraticable et de mauvais hauteur de buts…
On a fait le choix de ne pas changer l’équipe qui était montée pour récompenser les acteurs de l’accession. Vu qu’on ne paie pas les joueurs à Jarville, on ne pouvait pas se permettre de recruter des mercenaires et de perdre dix joueurs en cas de redescente. On a misé sur la stabilité. C’est difficile, mais on le savait.
Texte : Alexandre Plumey / Contact@13heuresfoot.fr / Twitter : @AlexandrePlumey
Photos : Jarville Jeunes Football, DR et Philippe Le Brech