Antoine Rabillard : « Jouer a toujours été le plus important pour moi »

C’est l’un des transferts surprises de ce début de mercato en National. Elément clé de la montée de Concarneau en Ligue 2, l’attaquant a décidé de quitter le club promu et choisi de signer un contrat de 2 ans au Mans. Une décision forte, révélatrice de l’état d’esprit du joueur formé à l’Olympique de Marseille, au parcours atypique.

Antoine Rabillard portera les couleurs du Mans FC la saison prochaine en National. Photo Le Mans FC.

La Ligue 1 avec l’OM, son club de cœur, trois montées, les stages des chômeurs de l’UNFP, les blessures, la 2e division hollandaise… La carrière d’Antoine Rabillard n’a jamais été linéaire. Mais le natif de Rodez (Aveyron), qui a grandi à Montpellier, ne « s’est jamais enflammé dans les moments fastes et n’a jamais abandonné dans les moments difficiles », comme il nous l’explique.

Ces derniers jours, sa carrière a dû prendre un nouveau virage. Buteur décisif lors des dernières minutes face à Bourg-en-Bresse (3-2) et Orléans (2-1) lors des deux dernières journées de National, deux buts qui ont propulsé Concarneau en Ligue 2, l’attaquant de 27 ans était cantonné au banc des remplaçants depuis deux mois.

Si les dirigeants de Concarneau lui ont proposé une prolongation d’un an, il a choisi de ne pas l’accepter et de rester en National en signant au Mans. « Je suis resté fidèle à mes principes, je suis serein », explique-t-il.
Pour 13Heures Foot, il est revenu longuement sur son parcours pas vraiment linéaire.

« Concarneau, les deux plus belles saisons de ma carrière humainement et sportivement »

Avec l’US Concarneau la saison passée (Photo Philippe Le Brech)

Son actualité, c’est bien sûr l’annonce de son départ de Concarneau puis sa signature au Mans, ce jeudi 22 juin. Après avoir réalisé la meilleure saison de sa carrière (12 buts, 7 passes décisives), l’attaquant de 27 ans n’accompagnera pas le promu breton en L2. Il va rester en National avec Le Mans.

« Je sais que certains ne comprendront peut-être pas mon choix, reconnaît-il. Mais je préfère jouer, même à un niveau inférieur, que de rester sur le banc juste pour dire, « j’ai retrouvé la L2 ». Concarneau ne me proposait qu’un an de contrat et on n’est pas tombé d’accord sur les conditions. J’ai compris que je devais trouver un nouveau projet. J’ai eu plusieurs contacts en National (dont Dijon et Red Star selon nos informations) mais c’est le projet du Mans qui m’a le plus convaincu. On cherchait un endroit où on serait bien avec ma femme. »

Même s’il s’est montré décisif avec ses buts capitaux contre Bourg-en-Bresse (3-2 à la 94e) et celui de la montée à Orléans (2-1 à la 86e ) lors des deux dernières journées, Antoine Rabillard a vécu une fin de saison frustrante.

Avec l’US Concarneau la saison passée (Photo Philippe Le Brech)

Il a en effet débuté les sept derniers matchs sur le banc. « J’ai été déçu d’être relégué comme ça sur les deux derniers mois. Je ne suis pas du genre à lâcher et à abandonner. Ce n’est pas dans mon tempérament. J’ai toujours voulu montrer que j’avais ma place. Mais forcément, cette fin de saison a pesé dans mon choix de partir. Il y a deux attaquants sous contrat (El Khoumisti, Gboho) et le club va recruter. Moi, je n’avais aucune garantie. Et si c’est pour passer un an sur le banc et me faire oublier, autant partir… Jouer a toujours été le plus important pour moi. »

Malgré tout, l’attaquant n’est pas amer. « Forcément, je suis un peu déçu mais je préfère ne garder que le positif. A Concarneau, j’ai certainement vécu les deux plus belles saisons de ma carrière sur les plan humains et sportifs. On avait une super équipe et tout le monde en a profité sur le plan individuel. Entre nous, l’ambiance était extraordinaire. Si on nous avait dit, en début de saison, qu’on terminerait champion de National, on ne l’aurait jamais cru. Personnellement, je suis très content de ma saison. Au niveau des « stats », c’est la meilleure de ma carrière. »

Mais la suite s’écrira donc pour lui au Mans, sous la conduite de Réginald Ray, un ancien goleador de L2. Dans la Sarthe, Antoine Rabillard tentera de décrocher une 4e montée dans sa carrière en mai 2024.

« Mon but avec l’OM contre Lille au Vélodrome, un moment indescriptible ! »

Avec l’US Concarneau la saison passée (Photo Philippe Le Brech)

Avant Concarneau, il était déjà monté en L2 avec Béziers en 2018 puis en Eredivisie (la L1 aux Pays-Bas) avec Go Aheads Eagles en 2021. Il aussi connu l’ivresse de marquer au stade Vélodrome sous le maillot de l’OM et les stages des chômeurs de l’UNFP. Des grands écarts qui ont jalonné le fil de son parcours : « Je viens de loin, j’ai un parcours atypique mais j’en suis fier », lance-t-il.

Tout a commencé pour lui dans un club de quartier de Montpellier, l’AS Saint-Martin Gazelec. « J’y suis resté dix ans. Chaque année, le grand club de Montpellier Hérault voulait que j’y signe. Mais mon père a toujours refusé. Il n’a pas eu tort. Si j’étais parti tôt de chez moi comme tant d’autres, j’aurais peut-être explosé en vol et arrêté le foot. Là, j’ai pu avoir une enfance et une adolescence normales, continuer mes études jusqu’au bac. »

En jeunes, il part néanmoins à Castelnau-le-Crès puis à Béziers. En U17 et U19, il explose les compteurs avec une saison à 46 buts puis une autre à 48 ! Repéré par de nombreux clubs, il passe en 2012 un essai à l’OM, son équipe de cœur. « Je suis supporter de l’OM depuis tout petit, sourit-il. Je touchais mon rêve de gamin. »

Le soir de l’accession en Ligue 2 avec Concarneau (Photo US Concarneau)

Mais l’essai s’avère « non-concluant »… « Du moins, c’est ce que je croyais alors que pourtant, ça s’était bien passé. L’OM m’a dit qu’il continuerait à me superviser. Un an plus tard, j’ai appris que c’était en fait mes parents qui s’étaient opposés à mon départ à un an du bac. Mais je ne leur en veux pas. C’était pour mon bien.»

Son bac en poche alors qu’il a déjà disputé à 17 ans quelques minutes en National 2, il retourne à la Commanderie en septembre 2013. « Je suis resté trois jours et Thomas Fernandez m’a fait signer un contrat de stagiaire pro. C’était fabuleux. »

Sous la tunique de l’OM en 2014 (Photo Philippe Le Brech)

Lors de sa deuxième saison avec la réserve (N3), il se blesse à une cheville. « J’étais en fin de contrat stagiaire. L’OM m’a proposé de rester mais sous statut amateur pour la réserve. »

A l’OM, l’Espagnol Michel a remplacé Marcelo Bielsa sur le banc. Lors des trêves internationales, il a l’habitude de compléter son groupe avec des joueurs de la réserve. « Il y avait beaucoup d’internationaux qui étaient partis. Je suis venu m’entrainer avec la L1 et j’ai pu me faire remarquer. »

Le 10 janvier 2016, il effectue ses grands débuts en L1 en remplaçant Alaixy Romao à la 72e minute face à Guingamp (0-0). Puis il égalise à la 96e minute contre Lille (1-1) le 29 janvier avant de connaitre sa première titularisation en L1 à Montpellier, la ville où il a grandi. « Ce but contre Lille au Vélodrome, c’était un moment indescriptible, dingue… C’est impossible à décrire. Vu par où j’étais passé, marquer au Vélodrome pour le club que je supporte depuis gamin… Je vivais en plein rêve. »

En mars 2016, il signe son premier contrat professionnel. Pourtant, il va vite retomber sur terre. Franck Passi, qui a remplacé Michel, ne l’utilise plus. La saison suivante, il n’effectue que deux petites apparitions (14 minutes) en L1 avec Rudi Garcia. « Il me restait un an de contrat. Il a été honnête avec moi. Il m’a dit que le club allait recruter, que ce serait bouché pour moi. J’ai donc pris la décision de partir. Ce que je voulais, c’était jouer même si pour ça je devais quitter l’OM où j’étais dans un certain confort. »

National, stage UNFP et 2e division hollandaise

Avec l’OM en 2014 (Photo Philippe Le Brech)

Antoine Rabillard n’hésite pas à redescendre en National à l’été 2017. Il retourne dans son ancien club, à l’AS Béziers. « Je venais de là-bas, j’étais près de ma famille. C’était plus rassurant, c’était le choix de la sécurité. En quittant un cadre pro, cela me permettait de me sentir plus à l’aise. »

Il marque 7 buts et Béziers, qui était relégable à la trêve, accède en Ligue 2 en battant Les Herbiers lors de la dernière journée (4-1). « Les Herbiers venaient de jouer la finale de la Coupe de France contre le PSG. On a aussi bénéficié de la victoire surprise de l’Entente Sannois Saint-Gratien à Grenoble pour monter directement. »

Avec l’AS Béziers (Photo Philippe Le Brech)

Mais la saison en L2 est plus compliquée. « J’ai été blessé à un genou, je n’ai pas beaucoup marqué (2 buts), on ne jouait pas dans notre stade et au final, on redescend en National pour un point. »

Lui se retrouve sans contrat. Il rejoint le stage des chômeurs de l’UNFP. « J’ai eu cette possibilité de partir en 2e division des Pays-Bas. L’étranger, ça ne me faisait pas peur. C’était une bonne opportunité pour moi. Ma femme m’a suivi dans cette aventure. »

En deux saisons avec les Go Aheads Eagles de Deventer, une ville de 100 000 habitants à une centaine de kilomètres d’Amsterdam, il a inscrit 18 buts et délivré 9 passes décisives. « La première année a été tronquée par le Covid et lors de la deuxième année, on est monté, encore à la dernière journée ! Niveau foot, c’était une super expérience. La montée en Eredivisie, c’était un grand souvenir aussi. Mais c’est au quotidien que c’était plus compliqué, surtout pour ma femme. Il y avait la barrière de la langue, la météo avec souvent de la pluie… Le club m’avait fait une proposition pour prolonger. Mais avec ma femme, on a décidé de rentrer en France. On avait besoin de retrouver notre pays. »

« Quand on tombe, il faut savoir se relever tout de suite »

Avec l’US Concarneau la saison passée (Photo Philippe Le Brech)

Pourtant, malgré ses belles saisons aux Pays-Bas et son CV, les propositions n’affluent pas. « J’étais parti en 2e division hollandaise, on m’avait un peu oublié. J’étais sorti du circuit. Eddy (Torest, son conseiller) a dû se démener pour me trouver un club. Il s’est battu pendant un mois et demi. Il n’y avait pas beaucoup de portes qui se sont ouvertes. Heureusement, il y a eu l’opportunité de Concarneau. Avec Stéphane Le Mignan, ça a tout de suite accroché. Vincent Viot, avec qui j’avais joué à Béziers, m’a aussi encouragé à venir. »

Si sa première saison s’est interrompue dès février 2022 à cause d’une blessure à une épaule, la deuxième s’est donc terminée en apothéose sur le terrain. Avant sa décision de quitter Concarneau cette semaine. « Tout ça, c’est à l’image de ma carrière où j’ai connu des hauts et des bas. Mais ça fait partie du métier. Le foot, c’est aussi une grosse part de mental. J’en ai vu tellement qui étaient pourris de talents, qui étaient promis à une belle carrière… Mais à un moment, ça a bloqué au niveau mental. Moi, c’est tout le contraire. Mais si on ne m’attendait pas et que je suis toujours là, c’est que je n’ai jamais rien lâché. J’ai connu des moments difficiles mais quand on tombe, il faut savoir se relever tout de suite. Ce que j’ai reçu de mon éducation, c’est qu’il ne fallait jamais abandonner. »

Antoine Rabillard du tac au tac

Avec l’AS Béziers, en 2017, il est monté en Ligue 2 ! (Photo Philippe Le Brech)

Première fois dans un stade comme spectateur ?
J’avais 7 ans. C’était un Montpellier – PSG en 2002. Il y avait Ronaldhino au PSG.

Meilleur souvenir de joueur ?
Mon but contre Bourg-en-Bresse, celui du 3-2, à la 94e minute lors de l’avant-dernière journée. C’était la folie dans le stade. Et juste après, Ezikian tire sur la barre sur un coup-franc ! On est passé par toutes les émotions sur ce match.

Pire souvenir de joueur ?
Ma blessure à l’épaule la saison dernière contre Villefranche (7 février 2022). J’ai voulu esquiver le gardien et en sautant, je mets mon bras pour amortir. J’entends que tout pète. Saison terminée alors qu’on était en tête. J’ai eu 4 mois et demi d’arrêt.

Le geste technique préféré ?
La reprise de volée.

Le soir de la montée en L2 avec l’US Concarneau (Photo US Concarneau)

Qualités et défauts sur un terrain ?
La finition, l’abnégation et l’altruisme. Niveau défauts, je dois progresser dos au jeu et dans la conservation. Je dois aussi moins m’énerver contre les arbitres.

Votre plus beau but ?
Aux Pays-Bas avec Go Aheads. Un retourné acrobatique face au FC Eindhoven.

Le joueur le plus fort que vous avez affronté ?
Kylian Mbappé en jeunes lorsqu’il était à Monaco. Il était surclassé.

Le joueur le plus fort avec qui vous avez joué ?
Lassana Diarra à l’OM.

L’ entraîneur ou les entraîneurs qui vous ont marqué ?
Michel car il m’a lancé en L1 et donné ma chance à l’OM. Au niveau du football pur, Stéphane Le Mignan à Concarneau.

Avec l’AS Béziers, saison 2017-2018, en National (Photo Philippe Le Brech)

Le président qui vous a marqué ?
Je ne l’ai pas connu car il était parti quand j’y étais. Mais en tant que supporter de l’OM, je dirais Pape Diouf.

Le club où vous avez pris le plus de plaisir ?
Concarneau.

Le club qui vous fait rêver ?
En jouant à l’OM, j’ai déjà atteint un de mes rêves. Mais le rêve ultime, l’inaccessible, serait le Real Madrid.

Vos joueurs préférés ou modèles ?
Ronaldo et Benzema.

Avec l’US Concarneau la saison passée (Photo Philippe Le Brech)

Un stade mythique ?
Le Vélodrome, bien sûr.

Vos amis dans le foot ?
Florian Escales, le gardien d’Annecy. On a été formés ensemble à l’OM et on est toujours resté en contacts.

Dès qu’on peut, on se retrouve. Ces deux dernières années, j’ai aussi trouvé des vrais amis à Concarneau. Je sais qu’on restera en contact.

Le joueur le plus connu de votre répertoire ?
Rémy Cabella.

Avec l’US Concarneau la saison passée (Photo Philippe Le Brech)

Vos occupations en dehors du foot ?
Les jeux vidéo. Je suis aussi très animaux, j’ai un chien et un chat.

Si vous n’aviez pas été footballeur pro ?
Je me suis arrêté après le bac donc très bonne question… Peut-être agent immobilier comme mon grand-frère… C’est une piste à développer pour plus tard.

Le milieu du foot en deux mots ?
Je suis passionné de foot et de jeu. Mais par rapport à ce qu’il y a autour, ce n’est pas un milieu qui m’attire. Il y a beaucoup trop de requins. Il ne faut rien attendre de personne. Le plus important, c’est d’être bien entouré. Sinon, on peut vite péter un câble.

Le sud de la France, la Hollande ou la Bretagne ?
Quand on vient du sud comme moi, on ne peut pas hésiter (rires)… La Hollande, c’est joli, mais le climat, ce n’est pas ça. Après, j’ai pu découvrir la Bretagne pendant ces deux ans à Concarneau. C’est une belle région, très sympa.

Texte : Laurent Pruneta / Mail : lpruneta@13heuresfoot.fr et contact@13heuresfoot.fr / Twitter : @PrunetaLaurent

Photos : Philippe Le Brech (et aussi Le Mans FC et US Concarneau)