Malgré un emploi du temps surchargé, entre l’organisation express du déplacement en outre-mer pour le compte du 7e tour de coupe de France (déplacement sur l’île de Tahiti en Polynésie et match face à l’AS Vénus, dimanche 30 octobre) et la préparation du match de National 2 de son équipe à Metz (2-2 samedi dernier), l’entraîneur de Belfort (N2) nous a accordés une petite heure de son temps pour faire un flash-back sur sa carrière. Un entretien à son image, posé et sincère.
Né à Lure (Haute-Saône) et biberonné au ballon rond depuis sa tendre enfance par un papa responsable de l’école de foot du club local, Anthony (36 ans) démontre vite des qualités au-dessus de la moyenne. Mais c’est à l’âge de 12 ans que sa carrière décolle véritablement. Coéquipier à la JS Lure d’un certain Romain Hamouma, les deux copains flambent contre Sochaux lors d’un tournoi de foot en salle. Il n’en faut pas plus pour taper dans l’œil des recruteurs du FCSM.
Après des tests passés avec succès, Anthony et Romain poussent ensemble les portes du centre de formation du FC Sochaux. Anthony passe 9 saisons au château de Seloncourt, où il effectue toutes ses classes.
En 2007, sous la responsabilité du duo Perrin-Galtier, les Sochaliens trustent le haut de tableau de Ligue 1 et remportent la coupe de France au dépens de l’Olympique de Marseille. Pendant cette période, Anthony participe à tous les entraînements avec les pros la semaine avant de redescendre en réserve le week-end. Malheureusement, avec le changement de coach et l’arrivée de Frédéric Hantz, le contrat d’un an qui lui était promis tombe à l’eau. Fin de la belle idylle Sochalienne pour l’infatigable milieu de terrain qui, aujourd’hui, n’a pas de regret et reste très lucide : « Je sentais bien que c’était compliqué pour moi de jouer en Ligue 1 mais le club serait en Ligue 2 comme aujourd’hui, je pense que j’aurais eu ma chance ».
« Je la ramenais beaucoup sur le terrain »
Malgré quelques sollicitations en National, Anthony rebondit rapidement à Vesoul en CFA (actuel National 2) sous les conseils de Claude Robin. Après deux saisons réussies, Richard Déziré, alors coach de Raon-l’Etape, également en CFA, lui fait les yeux doux et l’attire dans un projet ambitieux. Là encore, l’aventure dure deux saisons : « Individuellement, cela s’est très bien passé pour moi et j’ai pris beaucoup de plaisir avec Richard Déziré, malheureusement, collectivement les résultats n’ont pas été ceux espérés ».
Avec la naissance de sa première fille, Anthony décide de rejoindre l’ASM Belfort en CFA sous les ordres de Maurice Goldman. A 25 ans, tous les voyants sont au vert pour un projet sportif et extra-sportif intéressant. « Je sentais que le monde pro n’était plus accessible et avec le BE1 en poche, j’avais un beau projet à Belfort en encadrant notamment la section sportive ». L’avenir lui donne raison car il enchaîne 7 saisons pleines dont 2 en National (2015-2017).
Son excellent pied droit et sa belle vision du jeu font des ravages sur les terrains des championnats nationaux pendant presque 15 ans. Tout cela sans jamais prendre le moindre carton rouge. « Pourtant, je la ramenais beaucoup sur le terrain, j’étais pénible, mais je n’ai jamais été irrespectueux. »
Après deux saisons en National, l’Association sportive municipale de Belfort est reléguée en CFA en 2017. Le truculent Maurice Goldman, qui a cumulé plus de 15 ans sur le banc belfortain, menant le club de la DH au National, rempile pour une saison, mais c’est sa dernière. Il est temps pour lui de préparer sa succession et le binôme très soudé qu’il forme avec le président Jean-Paul Simon n’hésite pas à miser naturellement sur Anthony Hacquard.
« Il fallait que je saisisse l’opportunité »
Au printemps 2018, alors qu’ils auraient pu aller chercher un coach chevronné de National 2, le duo convoque le milieu de terrain pour lui faire part de la proposition. « J’avais 32 ans, et j’aurais pu jouer encore quelques années à ce niveau, raconte Anthony Hacquard; mais la réflexion ne fut pas longue et l’opportunité était belle, il fallait que je la saisisse. L’annonce a été faite au groupe avant la fin de saison et j’ai pu diriger les dernières séances pour me faire la main »
Un choix fort du Président Jean-Paul Simon qui a bien cerné le joueur, le futur coach mais surtout l’homme. C’était une parfaite transition tout en gardant les valeurs du club et de la région. Il faut maintenant que la mayonnaise prenne, surtout que Hacquard le coach doit maintenant manager des joueurs plus âgés que lui et des anciens coéquipiers qui sont pour certains de véritables amis, à l’image de Nasser Tahiri. « Ma personnalité est complétement différente de celle de Maurice pour qui j’ai énormément de respect, mais les joueurs ont été très intelligents. Certains n’avaient quasiment connu que lui et étaient curieux de découvrir d’autres méthodes » Et vu que les résultats arrivent vite, Anthony fait rapidement l’unanimité.
Tout n’est pas simple et il doit apprendre à vitesse grand V, notamment dans la gestion du groupe et des différents caractères. La gestion des inter-saisons avec les sollicitations de joueurs et d’agents n’est pas simple non plus à appréhender. Aujourd’hui, Anthony enchaîne sa 5e saison à la tête de l’équipe et obtient des résultats plutôt intéressants avec un budget loin d’être celui des cadors de National 2. Pour pallier ce budget restreint, le jeune coach s’appuie sur une forte identité régionale en recrutant malin dans les divisions inférieures. Son capitaine actuel Lucas Cuenin en est le parfait exemple.
Durant ces années sportives très riches en émotions, Anthony a toujours entretenu un lien très particulier avec la coupe de France. En tant que joueur, il dispute deux fois un 32e de finale et deux fois un 16e de finale.
A cela s’ajoute une magnifique épopée en tant que coach en 2019 où l’aventure s’arrête en ¼ de finale face à Rennes dans un stade Bonal archi-comble, après avoir éliminé Nancy (L2) puis Montpellier (L1).
Cinquième déplacement en outre-mer
Au-delà de ces résultats sportifs, Anthony a la particularité de vivre des expériences magnifiques avec 4 (et bientôt 5) déplacement en outre-mer. La Martinique (2017), la Guadeloupe (2019), et donc Tahiti pour la 3e fois cette saison (2009 avec Raon et 2013 avec Belfort) « Les deux fois précédentes où je suis allé à Tahiti, on s’était qualifié et j’avais marqué un coup-franc… Mais cette fois-ci ce sera difficile ! »
Même si le déplacement, le décalage horaire et la différence de température entraînent beaucoup de fatigue, ce sont des aventures humaines incroyables à chaque fois qui renforcent énormément la cohésion de groupe. « En 2013, quand nous allons à Tahiti avec Belfort nous sommes relégables et mal en point. Au retour du déplacement, nous enchaînons les résultats positifs et nous nous sauvons facilement avant de monter en National la saison suivante. »
Ce dimanche au stade Pater de Pirae sous une chaleur étouffante, Anthony et l’ASM Belfort tenteront de poursuivre l’aventure et d’écrire une fois encore le début d’une belle épopée…
Il est temps maintenant de clôturer le chapitre du passé mais le livre n’en est qu’à son début… « Je n’ai pas de revanche à prendre ou de regret sur mon passé mais je suis très ambitieux pour la suite de ma carrière et je ne me fixe aucune de limite. »
Anthony Hacquard, du tac au tac – le joueur
« Maurice Goldman trouvait toujours les bons mots »
Meilleur souvenir sportif ?
Il y en a beaucoup mais je dirais le match à la Meinau, à Strasbourg, avec Belfort, en National : nous étions 2es et nous avons affronté le Racing qui était leader, devant plus de 20 000 personnes. C’était le jour de mes 30 ans, dommage que nous nous soyons inclinés.
Pire souvenir sportif ?
Un ¼ de finale de coupe Gambardella avec les U18 de Sochaux face au Lyon de Benzema et Ben Arfa un mercredi après-midi dans un stade Blum de Montbéliard comble. Malgré un super match nous nous inclinons 2 à 1. Cela aurait pu être un super souvenir mais finalement ce sont de gros regrets.
L’équipe dans laquelle tu as pris le plus plaisir à jouer ?
La première année avec Raon, nous avions une très belle équipe et au milieu de terrain, nous avions une belle complémentarité avec Romain Chouleur. Le coach Richard Déziré avait une philosophie de jeu très joueuse.
Le club dans lequel tu aurais pu signer ?
Je devais signer pro à Neuchatel-Xamax en D1 Suisse mais le club a changé de direction et peu de temps après ils ont déposé le bilan.
Le stade où tu as préféré jouer ?
En 2003 j’ai eu la chance de pouvoir joueur au stade de France avec les U16 de Sochaux en lever de rideau de la finale de la coupe de la ligue Sochaux – Monaco.
Le coéquipier qui t’a le plus impressionné ?
Mevlut Erding, coéquipier au centre de formation de Sochaux. En arrivant, il était déjà très puissant mais il avait beaucoup de lacunes techniques. Il était impressionnant de répétition de travail, notamment sur les gammes.
Un coach marquant ?
Philippe Anziani, un excellent formateur que j’ai eu à Sochaux de 15 ans à la CFA.
Une causerie marquante ?
Ce n’est pas une causerie en particulier mais plutôt l’ensemble des causeries de Maurice Goldman. Il était très fort sur le côté émotionnel, il trouvait toujours les bons mots. Il ne jouait pas un rôle, c’était naturel chez lui.
Une anecdote de vestiaire ?
En 2014, je me blesse aux ligaments croisés du genou dès le début de saison mais je suis resté très proche de mes coéquipiers. Lors de chaque match à domicile, le coach Maurice Goldman me consultait à la mi-temps pour que je lui donne mon ressenti du match.
Anthony Hacquard, du tac au tac – le coach
« 20 000 personnes à Bonal qui chantent Merci Belfort, c’est beau ! »
Meilleur souvenir sportif ?
L’épopée en coupe de France avec le ¼ de finale dans un stade Bonal à Guichet fermé. 20 000 personnes qui chantent « Merci Belfort » en fin de match c’était très beau.
Pire souvenir sportif ?
La saison dernière, une élimination en coupe de France sans gloire à Jura-Lac face à une équipe de R1. Je n’avais pas fait les bons choix sportifs.
Le club que tu rêverais d’entrainer ?
Pas de club en particulier mais j’ai une grosse envie de passer mon diplôme pour entraîner au niveau professionnel et ensuite voir les opportunités. Et pourquoi pas retrouver le National avec Belfort.
Meilleur joueur entrainé ?
Mamadou Magassouba, un joueur à l’état d’esprit exemplaire qui a énormément progressé chez nous, en N2, ce qui lui a permis de jouer ensuite en National à Bastia Borgo.
Ta philosophie de jeu, c’est plutôt Pep Guardiola ou Diego Simeone ?
Je suis plutôt un adepte de Guardiola mais il faut rester pragmatique par rapport au niveau de jeu et à la qualité des joueurs.
Tes passions en dehors du foot ?
Depuis quelques temps, je joue au golf. C’est très intéressant car ça permet de penser à autre chose et ça demande beaucoup de concentration.
Texte : Aurélien Triboulet / Mail : contact@13heuresfoot.fr / Twitter : @Aurelref
Photos : ASM Belfort