Alexis Thébaux : « Je considérais chaque entraînement comme le dernier de ma vie »

L’ancien gardien aux 115 matchs de L1 et 147 de Ligue 2 à Nantes, Caen, Brest, Paris FC et Bastia, a raccroché les gants cet été à 38 ans, après une dernière expérience à Thonon Evian Grand Genève, club avec lequel il est passé de Régional 2 à National 2 et où il a préparé sa reconversion. Après une expérience de coach des gardiens à la PSG Academy à Thonon, il est aujourd’hui en quête de nouveaux projets. Portrait.

Avec le stade Brestois en 2012-2013. Photo Philippe Le Brech.

C’est en Vendée, dans sa ville natale, aux Sables d’Olonne, qu’Alexis Thébaux enfile ses premiers crampons à l’âge de 6 ans. « Je jouais dans le jardin avec mon père et je me mettais dans les buts. J’adorais sauter dans l’herbe mouillée ! Je voulais moins courir et plus sauter, plonger, faire des parades. J’étais inspiré par Gaëtan Huard. Je le regardais j’étais émerveillé. C’est un peu grâce à lui que j’ai voulu être dans les buts. »

A l’âge de 12 ans, il est repéré par le FC Nantes, le grand club de sa région. « J’ai fait un essai avec Jean-Louis Garcia qui était entraineur des gardiens, ensuite j’avais fait deux tournois avec les U13-U14 et ça s’est super bien passé. Ils m’ont proposé d’intégrer le centre de préformation. »

« J’ai eu de la chance d’être au FC Nantes dans les meilleures années »

Photo Philippe Le Brech

C’est donc au début des années 2000 qu’il intègre un des meilleurs centres de formation de l’époque : la Jonelière. « J’ai eu de la chance d’être au FC Nantes dans les meilleures années. C’était un club hyper reconnu pour sa formation. On parle toujours de « formation à la nantaise ». Il était assez loin devant les autres. En tant que gardien, j’ai énormément développé mon jeu au pied : l’aspect cognitif, voir avant les autres, savoir où sont situés mes partenaires. Pour la suite de ma carrière, ça m’a énormément aidé. »

En parallèle de sa formation, Alexis perfectionne ses gammes en équipes de France jeunes. Il connaît presque toutes les sélections de U16 à Espoirs. Le 21 mai 2005, à 20 ans, il dispute son premier match de Ligue 1 à Sochaux (défaite 1-0). Malheureusement c’est la même année que le gardien découvre la cruauté du milieu footballistique.

« Qu’est ce que je fous là, à Cherbourg ? »

Photo Philippe Le Brech.

« En 2005, je suis prêté à Cherbourg en National parce que je voulais partir du FC Nantes. A cette époque-là, je n’avais pas spécialement d’agent, je m’en foutais, je savais que j’étais bon et que les choses allaient venir naturellement et en fait non. J’ai joué mon premier match en Ligue 1 avec Nantes en mai 2005 mais au mois de février j’avais demandé au club de me prêter. Dans l’idéal c’était en Ligue 2, ça me permettait d’être dans un club cohérent avec un minimum d’infrastructures, de progresser, d’avoir du temps de jeu. »

Malgré des contacts avec Clermont, le club auvergnat privilégie un gardien en prêt de l’Olympique de Marseille et Alexis se retrouve ainsi en National. « J’ai atterri à Cherbourg. J’ai dit oui sans réfléchir, sans aller voir. Je suis arrivé là-bas et ça m’a mis une grosse claque. Quand tu passes de la Jonelière, où t’as la famille à côté, où t’es un jeune garçon équilibré, à Cherbourg où t’es à 400 ou 500km de ta famille, où il n’y a pas d’infrastructures, dans un club amateur, où tu ne connais personne, où il ne fait que pleuvoir tous les jours, tu te dis « qu’est-ce que je fous là ? ». »

Après avoir disputé seulement 18 matchs, le jeune gardien se retrouve dans une situation compliquée. « Au final, ça m’a énormément aidé pour la suite de ma carrière. J’arrivais à la fin de mon contrat espoirs de 5 ans avec le FC Nantes et je n’ai pas été malin, je n’avais pas signé pro avant mon prêt. Je reviens et ils me disent qu’au vu de mon temps de jeu à Cherbourg, ils ne me gardent pas. »

« Je me suis dit « putain, si ça se trouve c’est fini » »

Photo Philippe Le Brech.

A l’issue de la saison 2005-2006, Alexis se retrouve au chômage, sans aucun contrat dans un club. « Je suis au chômage pendant 7 mois. Je me dis « Putain, si ça se trouve c’est fini. » »

Sollicité par des clubs de National 2 comme Quevilly, le Vendéen refuse et continue de croire au monde pro. « J’allais m’entraîner tous les jours tout seul. En août, j’avais fait un essai incroyable à Créteil en Ligue 2, j’étais bien physiquement, sauf que Créteil n’avait pas de budget. Ils m’avaient proposé un truc pourri et je me suis dit qu’à Paris je ne pourrais pas vivre comme ça. C’est dommage parce que je pense que j’aurais pu lancer un peu plus vite ma carrière. »

Jusqu’en décembre, Alexis s’entraîne de son côté, tous les jours. « Je suis allé faire un essai à Dijon en décembre. J’étais bien et Rudi Garcia m’a proposé de venir dès le mois de janvier. J’étais 2e/3e gardien, je jouais en réserve en National 3 et j’ai fait quelques bancs en Ligue 2. »

« Quand j’arrive à Caen, je suis un crève la dalle »

Photo Philippe Le Brech.

« Je voulais rester pour m’imposer en Ligue 2 mais Rudi Garcia est parti au Mans donc je n’avais pas de réponse. J’ai contacté le président qui repoussait. On se met plus ou moins d’accord mais, une heure après, le Stade Malherbe de Caen, qui montait en Ligue 1, m’appelle : ils cherchent un 3e gardien. Du coup je fais le choix d’aller en Ligue 1. » C’est ainsi qu’Alexis débute sa deuxième aventure normande en tant que numéro 3. « Je suis arrivé là-bas, j’étais un crève la dalle. Chaque entraînement, je le considérais comme le dernier de ma vie. Je ne me donnais pas à 70 ou 90 %, mais à 200 % ! Quand on allait faire un footing, j’étais devant même si c’était dur. »

Numéro 3 derrière Benoît Costil et Vincent Planté, le portier retrouve le très haut niveau en 2007. « Je me disais que j’avais deux machines devant moi, que si j’étais pas une machine aussi, je n’aurais aucune chance. Chaque entraînement, chaque footing, chaque séance de muscu, chaque petit truc qui pour toi est anodin, pour moi ça ne l’était pas. »

C’est grâce à cette détermination qu’il progresse rapidement. Son statut de numéro 3 lui permet d’avoir du temps de jeu en réserve (N2). « A chaque fois que je « descendais », je me disais il fallait que je sois au-dessus des autres et que ça soit flagrant. Chose que Benoît Costil ne faisait pas. Du coup, je me suis imposé, chaque match j’étais déterminé, j’avais la bave qui coulait. »

Lancé par Franck Dumas

Photo Philippe Le Brech.

Un concours de circonstances propulse Alexis sur le devant de la scène. Benoît Costil se blesse en décembre 2007 et le voilà qui se retrouve sur le banc contre Sedan en Coupe de France. Vincent Planté est titularisé mais il se blesse lors de ce match pour une durée de 4 semaines. « On reprend les entraînements début janvier et on joue contre Nancy à domicile. Ça se passe super bien, je fais un bon match et Benoît revient la semaine d’après. On va à Toulouse et Frank Dumas dit « C’est Alex qui joue ». Benoît, il tirait une gueule de fou. En plus, j’ai fait un super match. »

Cette saison-là, ces deux matchs resteront ses seuls matchs en Ligue 1. « On reçoit Auxerre je me prépare pour jouer mais Frank (Dumas) vient me voir avant le match et me dit que Benoît va jouer parce qu’ils veulent le prêter pour que je passe numéro 2. »

La saison d’après, Benoît Costil est donc prêté à Vannes en Ligue 2 et Alexis grimpe d’une place dans la hiérarchie. « Je joue les matchs de Coupe de la Ligue, Coupe de France, ça se passe très bien. Je joue au Mans en Ligue 1 et à l’OGC Nice au mois d’avril. » C’est la saison de la descente pour le SM Caen, de retour en Ligue 2. Vincent Planté quitte le club en direction de l’AS Saint-Etienne, et le club se sépare de Benoît Costil. « Ils me choisissent en tant que numéro 1 et cette saison-là on remonte en Ligue 1 et là c’est parti. »

Le Paris FC, Bastia puis de nouveau le chômage

Photo Philippe Le Brech.

Après 77 matchs en Ligue 1 sous les couleurs du SM Caen, Alexis s’engage au Stade Brestois en 2012 où il dispute 36 matchs en Ligue 1 et 73 en Ligue 2. En 2015 il quitte la Bretagne pour la région parisienne. « Je suis parti au Paris FC plus pour raisons personnelles, pour que ma femme puisse reprendre ses études et avoir une vie plus citadine. »

La relégation du club parisien de Ligue 2 en National en 2016 précipite son départ. « Je devais signer à Bastia l’été d’avant mais je ne voulais pas parce que je ne sentais pas le truc. Au mois de janvier, Bastia me recontacte, il fallait que je redonne un coup de fouet à ma carrière mais je ne voulais pas y aller. »

En Corse, il ne joue qu’un match de L1, soldé par une débâcle collective à Guingamp (5-0). Relégué en L2, le SC Bastia dépose le bilan au mois d’août et repart en National 3. C’est un nouveau coup dur dans la carrière du joueur qui se retrouve à nouveau au chômage. « Je me dis « J’arrête », j’avais 32 ans. Je me dis que si je trouve un club de Ligue 2 j’y vais mais si je ne trouve pas j’arrête. J’ai eu des opportunités au mois de décembre comme à Tours mais je ne voulais pas retourner dans une galère. »

Il n’a pas, non plus, voulu approfondir certaines pistes en Grèce ou a Chypre. Il a même effectué un essai à Crystal Palace, en Angleterre. Mais après une saison blanche, il choisit de signer à Thonon Evian Grand Genève, alors en Régional 2.

« Patrick Trotignon, que j’avais connu au Paris FC, était président du club. Il voulait que je le rejoigne dans son projet et que je commence à passer mes diplômes. C’était un projet différent, axé sur l’humain. Le foot de haut niveau, ça m’avait gavé et ça me permettait de préparer l’après carrière. »

« En France, on est hyper fermés sur plein de choses »

Photo Philippe Le Brech.

Thonon Evian Grand Genève gravit les marches chaque saison jusqu’en National 2. Alexis, lui, finit par raccrocher les crampons à l’issue de la saison 2022-2023. Il a désormais un regard d’entraîneur sur l’évolution du poste. « Je trouve que le poste de gardien de but a beaucoup évolué au niveau du jeu au pied. Si tu veux jouer à haut niveau, il faut avoir un très bon jeu au pied. Aujourd’hui, tu ne vois pas en Ligue 1 un gardien qui n’est pas bon au pied. A mon époque, il y avait Stéphane Ruffier, c’était une machine mais il n’était pas très bon au pied. Il y a également une évolution au niveau de la taille. T’as pas un gardien qui joue en Ligue 1 qui fait moins d’1m85. »

Frontalier, il entraîne des gardiens suisses et constate les différences et les points d’amélioration. « Je trouve qu’on est hyper fermés en France sur plein de choses. Notamment sur le fait de faire le geste technique de la croix. En Suisse et en Allemagne, ils le font énormément. A la FFF, ils ne veulent pas en entendre parler, ils sont hyper fermés et je trouve ça dommage parce que je trouve qu’il y a des choses à aller chercher ailleurs. Si demain j’entraîne des pros, j’essayerai de m’inspirer de ce qui se fait de meilleur au monde. Les gardiens suisses et allemands font la croix super bien, depuis petit, ils maîtrisent le geste et l’espace. En France on a tendance à attendre le ballon, à ne pas réagir en fonction de la situation. Je trouve ça bien qu’on ait des gardiens étrangers, comme celui de Strasbourg (Matz Sells), ça fait du bien au championnat. La formation des gardiens en France est très bonne mais je pense qu’on peut s’améliorer. »

Alexis Thébaux, du tac au tac

Photo Philippe Le Brech.

Meilleur souvenir sportif ?
La dernière de Beckham en mai 2013 au Parc lors de PSG- Brest.

Pire souvenir sportif ?
La descente en L2 avec Caen en 2012.

Combien de clean sheets ?
Je n’ai pas compté.

Ta plus belle boulette ?
Avec Caen, en Ligue 2 à Ajaccio. On jouait sur un terrain hyper bosselé, et sur un centre anodin, j’avais déjà projeté de relancer vite mais sur un faux rebond, je prends le ballon entre les jambes.

Ton plus bel arrêt ?
Je dirais plus un match. On jouait à Montpellier en Ligue 1 avec Caen (mars 2012). On avait perdu 3-0 mais j’avais fait un match incroyable, j’avais fait une quinzaine d’arrêts.

Photo Philippe Le Brech.

Pourquoi avoir choisi d’être footballeur ?
Je n’ai pas choisi d’être footballeur, j’ai choisi d’être gardien de but.

Ton geste technique préféré ?
Le contrôle.

Tes qualités et défauts sur un terrain ?
Je suis hyper déterminé mais casse couille avec mes partenaires.

La saison où tu as pris le plus de plaisir ?
Ma dernière saison à Caen (2012). C’est là où j’ai le plus performé, j’avais 27-28 ans, j’étais à un âge de maturité.

Photo Philippe Le Brech.

Un club où tu aurais rêvé de jouer dans tes rêves les plus fous ?
Le Real Madrid.

Un match qui t’a marqué ?
Le match de Montpellier (avec Caen en mars 2012) et le match contre le PSG à Brest (défaite 3-0)

Un coéquipier qui t’a marqué ?
Steve Savidan (Caen), un gros fêtard, il sortait même le jeudi soir ! Par contre le samedi, c’était une machine de guerre !

Le joueur adverse qui t’a le plus marqué ?
Zlatan Ibrahimovic et David Beckham (PSG contre Stade Brestois en 2013)

Un coéquipier avec qui tu aimerais rejouer ?
Benjamin Nivet (SM Caen), la vista, la simplicité du joueur et de l’homme.

Avec le Stade Brestois en 2014-2015. Photo Philippe Le Brech.

Un coach que tu aimerais revoir ?
Franck Dumas, mon coach à Caen, il m’a lancé à haut niveau, j’avais eu de ses nouvelles il y a quelques mois, j’avais trouvé ça sympa.

Une causerie de coach marquante ?
Les causeries de Franck Dumas. Il était à contre-courant total de tous les coachs qu’on avait pu avoir. Il avait son café dans la main, il finissait sa clope et nous parlait derrière, c’était trop marrant !

Le joueur le plus connu de ton répertoire ?
Grégory Coupet.

Photo Philippe Le Brech.

Une devise, un dicton ?
Never give up !

Tu es un gardien plutôt….
Technique.

Un modèle de joueur ?
Grégory Coupet et aujourd’hui des mecs du style Neuer, j’aime beaucoup les gardiens avec un bon jeu au pied.

Une idole de jeunesse ?
Jean-Pierre Papin.

Un plat une boisson ?
Pizza, eau pétillante.

Avec le stade Brestois en 2014-2015. Photo Philippe Le Brech.

Tes loisirs en dehors du foot ?
J’aime beaucoup jouer au padel, je dessine, je peins, je joue du piano.

Un film culte ?
Gladiator.

Dernier match que tu as vu à la TV ?
Le match de rugby France – Afrique du Sud, je regarde très très peu le foot !

Le milieu du foot en deux mots ?
Spécial et intransigeant.

Texte : Olesya Arsenieva / Twitter : @ArseneviaO

Photos : Philippe Le Bech

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