A 44 ans, Alexandre Torres est l’un des nouveaux visages de cette saison sur les bancs de National. Après avoir vécu sa carrière de joueur amateur et d’entraîneur dans sa région bordelaise, celui qui était encore enseignant il y a 5 ans, a choisi de « sortir de sa zone de confort » en rejoignant la Corse et le FC Borgo cet été après avoir validé son BEPF. Entretien-découverte.
« Sept montées avec Lège Cap Ferret et le Stade Bordelais »
Alexandre Torres avait 31 ans quand il a débuté une carrière d’entraîneur à Lège Cap Ferret en 2009. Auparavant, il avait évolué comme milieu de terrain dans des clubs amateurs de la région bordelaise.
« Le plus haut niveau où j’ai joué, c’est en N3 avec la Jeunesse Villenavaise (Villenave-d’Ornon). Le club qui m’a le plus marqué est celui de Lacanau. C’est un club d’une ville que j’adore, où j’ai mes attaches familiales, mes amis et mes repères. Ce fut un plaisir de participer à sa construction et je les suis toujours avec beaucoup de plaisir même si leurs résultats sont aujourd’hui plus difficiles. »
Très vite, il a encadré des jeunes. « J’ai fait des rencontres qui m’ont donné envie de faire ce métier comme Pierrot Stupar qui était mon prof à la fac et André Menaut. Ce sont vraiment les deux premiers qui ont cru en moi, que ce soit au niveau universitaire et théorique, et au niveau pratique et foot. Ils m’ont fait prendre conscience que j’avais des qualités pour ce métier-là et ils m’ont donné envie d’aller dans cette voie-là. »
Avec un Master en communication à l’école de Management de Marseille puis un doctorat en Sciences de l’Education et du Sport à l’université de Bordeaux, il s’est construit un solide bagage universitaire. « J’étais attaché de recherche, je m’étais éloigné du terrain mais j’ai eu envie de passer mes diplômes d’entraineur », explique-t-il.
« Je me nourris de mon parcours différent, il m’apporte d’autres grilles de lecture »
Avec Lège Cap Ferret, il a enchaîné les montées. « J’y suis resté 7 ans, avec 5 montées de la PH au National 3 et trois victoires en Coupe d’Aquitaine ». Parallèlement, Alexandre Torres a été scout de l’AJ Auxerre pour la catégorie 17-21 ans dans le Grand Sud-Ouest entre 2014 et 2016. Il rejoint ensuite en 2016 le Stade Bordelais qu’il fait monter en National 2 lors de sa première saison. « On s’y est maintenu deux ans mais en 2020, on a subi l’arrêt à cause du Covid. On était relégable et on est descendu. »
Après une nouvelle saison stoppée, le Stade Bordelais a terminé 1er de National 3 Nouvelle-Aquitaine en mai dernier.
Alexandre Torres ne vit du métier d’entraineur que depuis 2017. En plus de ses fonctions à Lège Cap Ferret et lors de sa première saison au Stade Bordelais, il était en effet enseignant en management du sport à l’Université de Bordeaux 2 et dans des écoles de commerce (ISEG Bordeaux, ISEFAC Bordeaux). « Ça fait 14 ans que je suis entraîneur mais seulement cinq que je suis entraîneur professionnel. Je considère qu’avoir eu longtemps un métier à côté du foot a constitué une force. Je me nourris de mon parcours différent ou atypique, il m’apporte d’autres grilles de lecture. J’ai un regard frais, je suis en perpétuelle recherche. Ce qui m’intéresse avant tout dans ce métier, c’est la transmission, de mener un projet avec un groupe, que ce soit individuellement et collectivement. On part d’un point, la lettre A, pour arriver à une autre lettre. L’objectif, c’est qu’elle soit la plus éloignée du A…»
« La belle aventure collective du BEPF »
Alexandre Torres a fait partie de la dernière promotion de 2021-2022 du BEPF. Au côté des huit autres stagiaires, Habib Beye, Zoumana Camara, Maxence Flachez, Régis Le Bris, David Le Frapper, Olivier Saragaglia, Benoît Tavenot et Roland Vieira, il était le seul à ne pas avoir de passé dans un club professionnel, ni comme joueur, ni comme entraineur. « Je n’ai jamais perçu ça comme une faiblesse ni comme un complexe d’infériorité, assure-t-il. Cette opportunité de pouvoir passer le BEPF, je l’ai prise comme la reconnaissance du travail que j’avais effectué et la possibilité de pouvoir évoluer dans ma progression. Cette évolution dans ma carrière, ce n’est pas quelque chose que je m’étais interdit. »
Lors de ses entretiens de sélection, il a senti une « volonté d’ouverture » chez la DTN. « Ces derniers années, les profils des coachs acceptés était un peu plus diversifié. On m’a donné ma chance même si j’ai un parcours et un profil différent. »
Cette formation, il l’a vécu comme une « vraie aventure collective ». « On était un groupe soudé qui était toujours dans le partage et l’échange. J’ai beaucoup appris des autres stagiaires, de leur parcours. Mais moi aussi, humblement, je pense avoir apporté quelque chose à cette promotion. On a créé des liens tous ensemble et ils vont perdurer, c’est agréable. On est tous très fier que Régis Le Bris ait été nommé sur le banc de Lorient en L1. »
Cette saison en National, Alexandre Torres va d’ailleurs affronter plusieurs camarades de promotion : Habib Beye (Red Star), Maxence Flachez (adjoint de Mathieu Chabert à Châteauroux), Olivier Saragaglia (Sedan) et Roland Vieira (Le Puy). « On a déjà passé un bon moment avec Roland (Vieira) quand Le Puy est venu à Borgo lors de la 1ère journée. Benoit (Tavenot) qui a quitté Metz (L2) et qui est retourné chez lui en Corse est aussi venu me voir. Il connait bien le club puisqu’il l’a déjà entrainé en National 2. »
« Borgo, une rencontre déterminante avec Antoine Emmanuelli »
A la fin de la saison dernière, Alexandre Torres a donc choisi de quitter le Stade Bordelais pour se lancer un nouveau défi. « Je voulais vivre une autre expérience, sortir de ma zone de confort et prouver que je pouvais réussir ailleurs que dans la région bordelaise. Que ce soit à Lège Cap Ferret ou au Stade Bordelais, je n’étais pas dans les clubs les plus argentés. Mais c’était deux clubs qui voulaient avancer et qu’on a structuré avec les dirigeants. C’était ma 6e saison au Stade Bordelais et j’ai pu partir l’esprit tranquille avec la satisfaction d’avoir laissé une situation sportive satisfaisante avec ce retour en National 2 et un groupe sain. »
Sur le marché, il a eu « des projets en Afrique » et a aussi rencontré plusieurs dirigeants de clubs français. Cela aurait pu se faire avec le Paris 13 Atletico. Mais sa rencontre avec Antoine Emmanuelli, l’emblématique président du FC Borgo (Bastia qui ne donnait plus de subvention a disparu de l’appellation du club), a été déterminante. « Avec Antoine, tout a été fluide d’entée. Humainement, on a tout de suite accroché tous les deux. Il avait une volonté de reconstruire un projet en partant d’une page presque blanche. Ça m’a tout de suite intéressé. »
Il ne connaissait pas beaucoup la Corse. « Je me souviens juste d’avoir fait le GR20 il y a quelques années avec ma compagne mais c’est tout. Depuis que je suis arrivé, je découvre davantage la richesse de l’Ile. Je me rends bien compte que c’est une terre accueillante qui aime le foot. C’est vrai qu’à Borgo, on a moins de pression qu’ailleurs. Mais on a cette volonté de faire les choses aux mieux et d’avancer même si en terme de budget, on restera le Petit Poucet du National. »
« L’objectif est de construire un groupe à la solidarité sans faille »
Quand il a signé, le FC Borgo n’était pas encore repêché. « On avait deux hypothèses, soit on construisait un groupe pour monter de N2, soit pour se maintenir en National. C’est totalement différent. C’est pour ça qu’on s’est montré patient sur le mercato. On a pris notre temps J’ai apporté mes réseaux, les dirigeants les leurs, c’est pour cela qu’on a des joueurs qui viennent de tous les horizons, étranger, clubs pros, National, N3, R1… Cette diversité dans les parcours est aussi enrichissante pour tout le monde. On a aussi des joueurs revanchards. On est encore dans cette construction. On recherche encore au moins trois joueurs. L’objectif est de construire un groupe à la solidarité sans faille qui soit prêt à batailler ensemble. Il ne faut pas oublier que souvent, lors des déplacements, on devra partir pendant trois jours. »
Si l’équipe ne compte pas beaucoup de Corses dans son effectif, le club en avait pourtant contacté certains qui ont décliné… « Si on arrive à avoir une identité corse ce sera important, et j’adore l’engagement que cela suscite, mais il nous faut avant tout trouver une identité de jeu, conclut le coach de Borgo. C’est le socle essentiel à des résultats sportifs pérennes. »
Avec une victoire contre Le Puy (1-0) et un nul à Bourg-en-Bresse (1-1), les premières posées par Alexandre Torres semblent prometteuses.
Alexandre Torres, du tac au tac
Première fois dans un stade ?
Tout petit pour aller voir jouer mon père.
Premier banc de touche ?
A 15/16 ans pour coacher les petits du RC Chambery.
Meilleur souvenir d’entraîneur ?
Il est à venir.
Pire souvenir d’entraîneur ?
Une montée ratée à la dernière journée avec l’US Lège Cap Ferret. Ça a profondément marqué ma façon de travailler.
Le joueur qui t’a le plus marqué ?
Diego Maradona.
Le joueur le plus fort que tu as entrainé ?
Pierre Lees-Melou, lors de sa troisième saison avec nous à Lege Cap Ferret, est celui qui avait le plus d’influence sur le match. Mais avant ce troisième exercice il y a eu du boulot !
Ton style de jeu ?
Je veux que mon équipe soit celle qui prenne des initiatives dans le rapport de force.
Un coach ?
Piero Stupar et André Menaut qui m’ont donné envie d’embrasser la carrière d’entraîneur.
Un stade ?
Le Parc Lescure à Bordeaux.
Une équipe de légende ?
Barca 2009.
– Textes : Laurent Pruneta / Mail : lpruneta@13heuresfoot.fr / Twitter : @PrunetaLaurent