Révélé en National à Bayonne, l’ex-entraîneur de Boulogne, Villefranche et Bourg-Péronnas, est sans club depuis début mars. Le Basque d’adoption a beaucoup de choses à confier, au point d’être parfois dans l’introspection. Installez-vous dans le canapé, voici Alain Pochat à coeur ouvert !
« C’est incroyable ! »
Alain Pochat est en visio, depuis son domicile, à Péronnas, en périphérie de Bourg-en-Bresse. Le coach, évincé de son poste d’entraîneur du FBBP 01 le 6 mars dernier, le répète une seconde fois : « C’est incroyable ! ».
Avec le FC Villefranche Beaujolais, son aventure avait pris fin en janvier 2021 après un match contre Annecy, le club … de sa ville natale !
Avec Bourg-Péronnas, son aventure a pris fin après un match face à … Villefranche, son précédent club, celui qu’il avait fait grimper de N2 en National en 2018 et hisser jusqu’en 8e de finale de coupe de France en 2019 face au PSG (0-3 après prolongation).
Alors si ça, ce n’est pas incroyable !! « C’est incroyable ! C’est mon épouse qui m’a fait remarquer ça, raconte Alain Pochat, encore un peu sonné par le poids de ces deux histoires, visiblement marqué par leur issue.
« Annecy, ça a été un peu ma bête noire, sauf la première saison en CFA avec Villefranche (2017-18), on avait terminé devant eux et devant Andrézieux et on était monté mais en National. Deux ans après, on les a retrouvés en National, on avait eu des matchs compliqués contre eux, je me souviens d’un match aller là-bas, sur le stade de rugby, derrière le Parc des sports, qu’on avait perdu (1-0). »
Le buzz en coupe de France
Depuis un peu plus de trois semaines, Alain Pochat (55 ans) est un entraîneur libre. Un repos forcé après son éviction de Bourg-en-Bresse/Péronnas, où il avait succédé à Karim Mokeddem en février 2021.
A l’époque, il venait tout juste de voir son aventure avec Villefranche s’achever, de manière brutale, après un match contre Annecy qui lui avait été fatal (il avait écopé d’une suspension de 8 matchs).
C’est aussi à Villefranche qu’il avait, sans le vouloir, crée le buzz, lors d’un 8e de finale de coupe de France face au PSG, au Groupama Stadium de Décines : une caméra d’Eurosport l’avait filmé sur le bord du terrain, en train de pester contre le comportement des joueurs du PSG. « On ne peut pas toucher les joueurs. Ils vont voir à Manchester s’ils ne vont pas se faire soulever… Il a raison Laurey ».
« Ah, ça ne m a pas apporté que des choses positives, mais bon…, raconte-t-il; je me suis fait piéger un peu bêtement, il y avait une caméra caché derrière le banc des délégués, parce que vous savez, au Parc OL, il n’y a pas de banc de touche, les coachs sont derrière. Sur le coup, j’ai lâché une réflexion qui m’a mise sous pression (rires) ! C’est arrivé juste après l’affaire Laurey-Neymar avec Strasbourg. Si Thierry Laurey m’a envoyé un message après ça ? Non, non (rires) ! »
Allez allez, les Bleus et Blanc de l’Aviron Bayonnais !
Pour beaucoup, Alain Pochat est celui qui a fait grimper Bayonne en National il y a 15 ans déjà. Pour beaucoup, il est ce Basque au sang chaud, qui trépigne devant son banc.
Pourtant, peu de gens le savent, l’homme est un … Haut-Savoyard ! « Je suis né à Annecy, c’est vrai, mais pour des raisons familiales, on a dû partir au Pays Basque quand j’avais 2 ans. Annecy, j’y ai encore de la famille, j’y retournais à Noël et pendant les vacances, mes racines sont là-bas, mais j’ai grandi au Pays Basque, c’est là que j’ai passé ma jeunesse, j’y ai mes amis, ma mère, la famille de mon épouse aussi. Je suis Bayonnais ! Avec le Racing, l’Aviron Bayonnais est un des plus vieux club omnisports en France, il est ancré dans l’histoire du Pays Basque. Je connais les paroles de l’hymne de l’Aviron, mes gamins aussi, on a souvent joué au stade Jean-Dauger de Bayonne, c’est une vraie cocotte minute, d’ailleurs, j’y suis allé récemment, pour un match du Variétés club de France, c’était exceptionnel. »
C’est donc dans les Pyrénées-Atlantiques, « aux Croisés de Bayonne », qu’Alain commence le football en jeunes, avant de basculer à l’Aviron en seniors : « Quand j’étais étudiant à Bordeaux, j’ai joué au Racing-club de Bordeaux et à l’AS Ambarès, à côté de Bordeaux. Et après, je suis revenu jouer à Bayonne. J’ai fait l’UEREPS (STAPS aujourd’hui), je suis allé jusqu’au DEUG, avant la licence, et après j’ai arrêté pour passer les concours d’ETAPS (Educateur territorial des activités physiques et sportives) pour être éducateur sportif en mairie, à Bayonne. C’est ça qui m’a permis de bouger ensuite dans ma carrière de coach, parce que ce n’était pas très rassurant, surtout vis à vis de la famille, de partir dans ce métier-là. Grâce à mon poste en mairie, j’ai pu être détaché pendant longtemps à Bayonne pour ne faire que du foot, puis je me suis mis en disponibilité pendant 10 ans, en 2013, d’ailleurs, là, j’arrive au bout de mes 10 ans; cela me faisait une sécurité si cela ne se passait pas bien. C’est pour ça que j’ai pris le risque, entre guillemets, de partir dans d’autres clubs. Sinon, j’aurais hésité. Honnêtement, je ne me vois pas retourner dans la fonction publique, je préfère essayer de trouver un projet. De toute façon, il faut que je prenne une décision maintenant, sinon, je vais « perdre » le poste. »
« J’ai eu la chance de rester assez longtemps dans les clubs où je suis passé »
Après 13 saisons passées à l’Aviron, là où il a entamé sa carrière de coach en seniors, d’abord avec la réserve puis aux côtés de Christian Sarramagna en équipe fanion (il avait déjà entraîné des jeunes aux Croisés de Bayonne), Alain Pochat a ensuite posés ses valises au Maroc pendant un an, puis à Boulogne-sur-Mer, Villefranche et enfin Bourg-en-Bresse/Péronnas.
« Avec Bayonne, cela a vraiment été une grande aventure. Je suis encore en contact avec certaines personnes du club, comme mon ancien capitaine Michel Bidegain, qui est expert comptable et qui siège au comité directeur. Je connais quelques joueurs comme Jordan Chort. J’ai quand même eu la chance de rester assez longtemps dans les clubs où je suis passé, 3 ans à Boulogne, 4 ans à Villefranche, il y a eu l’escapade au Maroc aussi, 2 ans à Bourg… En ce moment, en National, ça bouge ! »
INTERVIEW
« Les gens ont vu que je n’étais pas une mauvaise personne »
Alain, comment ça se passe la vie sans club ?
Pas facile. D’un seul coup, on est à l’arrêt. Mon épouse travaille, mes enfants sont à l’école. On se retrouve un peu tout seul. Il faut arriver à s’occuper intelligemment.
Du coup, je fais un peu plus d’activités sportives, pour m’entretenir physiquement. Cela fait du bien au corps et à la tête. On fait des choses qu’on n’a pas le temps de faire quand on est en fonction dans un club, comme prendre du temps pour soi. Je prend des cours d’anglais car je suis très en retard dans ce domaine. Je remets mon CV à jour. Je peaufine et j’améliore mon projet de jeu, en me servant de mon passage au BEPF, et en même temps, j’essaie de trouver un projet pour la saison prochaine.
Il faut que les journées soient bien remplies parce que sinon, on peut vite tourner en rond. Quelque part, c’est une remise en questions aussi, il faut être honnête. On se pose plein de questions.
Votre aventure à Bourg-Péronnas vient de se terminer : considérez-vous que c’est un échec ?
Un échec ? Oui et non. Quand j’arrive en février 2021, on est relégable. On maintient le club (9e) et à un moment donné on n’est pas loin de se rapprocher de la place de barragiste, mais on perd un match charnière chez nous contre Orléans.
L’an passé, on a fait une très belle saison (6e), surtout qu’on est passé en quelques mois d’une équipe qui a sauvé sa peau en National à une équipe qui a joué la montée en Ligue 2. Franchement, c’est pas mal quand on connaît la difficulté de ce championnat et le nombre de clubs qui veulent monter; ça ne s’est pas joué à grand chose, on a un peu craqué sur la fin.
Et puis cette année, avec les six descentes, la pression est devenue énorme, on le voit bien, 11 coachs ont été licenciés dans notre championnat. Et puis, l’été dernier, on a été rétrogradé par la DNCG à l’intersaison, ce qui a eu un impact sur la masse salariale, sur le recrutement, sur plein de choses qui ont changé les ambitions du club. C’est toujours frustrant de quitter le navire en route mais je retiens les bons côtés de ce qui s’est passé à Bourg.
« J’ai appris des mes deux années à Bourg »
A Noël, le président du FBBP01, David Venditelli, vous avait conforté dans la presse : sentiez-vous un épée de Damoclès au-dessus de votre tête ?
Ce n’est jamais bon ça, hein, d’être conforté (rires). Le président est venu à Bourg pour retrouver le monde pro, il l’a dit clairement. Après, c’est une question de patience, mais c’est pas simple, vous voyez bien comment est le championnat cette saison : qui aurait dit que Martigues serait premier alors qu’il y a des écuries avec des budgets énormes comme Nancy et même Châteauroux, Le Mans, or ces trois équipes sont en difficulté. On ne peut rien prévoir à l’avance en National. C’est toute la difficulté. Après, quoi qu’il arrive, le FBBP01 veut retrouver le monde pro mais il n’est pas le seul.
Vous parliez de remise en questions : que voulez-vous dire ?
J’ai 55 ans, et même à 55 ans, j’ai appris de ces deux années à Bourg. Les choses évoluent, je pense à la vie du vestiaire, dans un club, dans l’environnement, et peut-être que la manière de fonctionner, du moins celle que l’on pouvait avoir avant, ça évolue aussi, il faut changer, s’adapter, se « carapacer », ce que je n’ai peut-être pas su faire, pour rester fidèle à ses convictions et à ce que l’on veut mettre en place. Pour ne pas se laisser influencer, ou subir une pression qui peut nous faire changer d’orientation. C’est là-dessus que j’ai appris des choses. Plus on monte de niveau, plus il faut être hermétique, ce qui est dommage, car personnellement, je suis plutôt dans la connexion, dans la relation, dans l’affect.
« S’il faut devenir adjoint pour connaître le haut niveau, aucun souci ! »
Adjoint en Ligue 2 ou en Ligue 1, c’est quelque chose que vous pourriez envisager ?
Oui, oui, sans problème, je n’ai jamais fait de plan de carrière : quand je suis arrivé à Boulogne (en 2015), j’étais adjoint de Stéphane Le Mignan : à ce moment-là, j’ai pensé que c’était une bonne opportunité, enrichissante, que ça me permettait de découvrir autre chose, dans un club qui venait de connaître le monde pro. Je n’ai pas un ego surdimensionné pour dire « jamais de la vie adjoint », c’est une autre facette du métier qui permet d’avoir un peu moins de pression, enfin, façon de parler, non pas que je refuse la pression, mais quand on est adjoint, on vit la situation différemment.
S’il faut passer par là pour connaître le haut niveau, aucun souci ! Ou même à la formation, avec des jeunes, je ne suis fermé à rien, du moment que je prends du plaisir dans la structure.
Vous avez découvert le National en 2008, lorsque vous avez permis à l’Aviron Bayonnais d’accéder à ce niveau : du coup, comment avez-vous vécu l’évolution de ce championnat ?
C’est vrai qu’il y a eu une énorme évolution ! Cela n’a plus rien à voir avec mon époque à Bayonne, où on avait des joueurs qui travaillaient, on s’entraînait le soir, j’avais un seul contrat fédéral, pour l’attaquant, donc il ne fallait pas que je me trompe, on partait en bus couchette, les staffs n’étaient pas du tout composé de la même façon que maintenant.
En National, maintenant, les salaires sont devenus plus importants, les garçons sont pros et ne font que du foot, les terrains se sont nettement améliorés et on peut jouer au foot, y’a quand même beaucoup de clubs qui étaient en L2 voire en L1, même si il y en a quelques-uns qui viennent de N2 et qui doivent se structurer. On n’était pas filmé, alors pour avoir des infos sur l’adversaire, on s’appelait entre coachs : je me souviens qu’avec Philippe Hinshberger quand il était à Laval en National ou avec Fabien Mercadal quand il était adjoint à Amiens, on s’appelait pour avoir des infos sur les adversaires !
Aujourd’hui tout est filmé. La dernière étape pour ce championnat c’est, je l’espère, qu’il devienne professionnel, car c’est très dur financièrement d’exister sur la durée. On voit aussi de très bons joueurs, dont certains ont joué en coupe du Monde et qui étaient en National il n’y a pas si longtemps : ça veut dire que le National est un championnat de qualité.
« On peut améliorer la solidarité entre coachs »
Du coup, avec l’instauration un peu partout de la vidéo, les rapports sont moins fréquents, moins présents entre coachs ?
Oui. Là aussi, je trouve que c’est dommage, car quand on se voit, lors de formations par exemple, on a une connexion entre nous. Les échanges, c’est énorme, et ça manque. L’Unecatef (le syndicat des entraîneurs diplômés) a peut-être les moyens de réunir les coachs une ou deux fois par an, autour d’un repas, je ne sais pas, avec une thématique.
A la formation du BEPF, on avait crée un groupe WhatsApp, c’est normal, il fallait beaucoup d’entraide, de cohésion, parce qu’il y avait beaucoup de travail à réaliser : cela a crée des liens forts et il y a vraiment une connexion qui reste, qui perdure, en fonction des aléas des uns et des autres, on s’envoie des petits messages. C’est vrai que beaucoup d’entraîneurs qui étaient avec moi au BEPF n’ont pas de clubs, Xavier Collin, David Linares, Loïc Lambert et d’autres… Les postes ne se démultiplient pas, donc ce n’est pas simple.
Même au niveau de la solidarité entre nous, les coachs, on peut améliorer ça : on ne doit pas être des ennemis, bien au contraire, on doit être une corporation, comme les arbitres. Il faut qu’on soit plus solidaires. Le métier est tellement difficile… Après, bien sûr, on sait qu’il y a le jeu des chaises musicales, regardez cette année ! Il n’empêche que, à côté de ça, on peut échanger et travailler ensemble. Par exemple, avec Xavier Collin (ex-coach d’Orléans), on a joué l’un contre l’autre, on avait le sang un peu chaud, et au final, et on s’est retrouvé ensemble au BEPF, on en a rigolé, et après, on était super-heureux de s’affronter, ce n’est pas une rivalité malsaine.
Cette saison, tout le monde parle d’une grande tension en National, due évidemment à la réforme des championnats et de ces 6 descentes : cette tension, vous l’avez sentie ?
Oui, tout de suite, et dès le début du championnat. Avec Bourg, à Versailles, en août dernier (3e journée, 2-0), au bout de 30 minutes, y ‘avait déjà trois cartons rouges. On a fait intervenir un arbitre de Ligue 2 en début de saison, pour expliquer les règles et les changements. Le National est un peu un laboratoire pour les jeunes arbitres qui arrivent de National 2, il faut trouver le juste milieu entre le règlement et l’application des règles. Et puis y’a cette pression de ne pas finir dans les six derniers : alors en début de saison, tout le monde essaie de jouer et de mettre son projet de jeu en place, et puis, la réalité du championnat prend le dessus.
« Concarneau, pour moi, c’est ce qui se fait de mieux en National »
Qui vous a fait bonne impression cette saison en National ?
Concarneau. C’est pour moi ce qui se fait de mieux au niveau du jeu. Encore une fois, quand le projet de jeu est placé au coeur du club, et bien voilà ce que ça donne. Stéphane (Le Mignan) a les clés du camion, c’est lui qui gère le recrutement, l’aspect financier, la masse salariale, il a repris dans son puzzle les mêmes profils de joueurs après les départs de l’été dernier et une saison où il n’a pas été payé. Et ce n’est pas un des plus gros budgets de National. Sur la continuité, ça porte ses fruits. C’est très cohérent. C’est l’équipe qui a produit le plus de jeu sur les deux dernières saisons, et il y a Villefranche aussi.
Mais ce National est très homogène, on le voit, avec les mal classés qui prennent des points et arrivent à faire des perfs. La surprise, c’était Martigues mais ce n’est plus une surprise. Ils surfent sur la dynamique de la montée, ils n’ont pas beaucoup changé leur groupe, ils ont juste apporté quelques retouches, et là encore, ce n’est pas un des plus gros budgets. Comme quoi…
Depuis votre éviction de Bourg, vous avez regardé des matchs ?
Oui, oui, justement, j’ai regardé Villefranche – Concarneau. J’essaie de rester connecté. Je suis allé voir Annecy – Guingamp aussi, il y avait Amine El Ouazzani, joueur de l’En Avant passé par Bourg; ça fait du bien de couper mais on revient vite voir ce qui se passe !
« Y’a plein de choses que je regrette »
Alain, on ne peut pas vous interviewer sans évoquer votre personnalité, votre caractère, votre passion débordante, votre comportement sur le banc…
C’est sûr que, depuis de nombreuses années, j’ai cette étiquette qui est restée collée, par rapport à mon tempérament, par rapport à des matchs tendus où je n’ai pas eu la bonne attitude. Il a fallu corriger cela au fil du temps. Là, cela fait 2 ans, depuis mon passage à Bourg, que je n’ai pas pris de carton jaune. J’ai essayé d’améliorer, de corriger ça.
Mon passage au BEPF (session 2020-2021) m’a fait du bien et m’a fait prendre conscience de certaines choses, on apprend à mieux se connaître, à prendre du temps pour soi, à faire attention à soi, à faire des exercices qui permettent d’évacuer le trop plein ou ces tensions qui peuvent ressurgir le jour des matchs, par le biais du yoga, de la respiration, de la méditation. Quand on est en poste, on n’en prend pas conscience, car on est dans la machine à laver et qu’il y a la pression du résultat. En vieillissant, on prend de la maturité.
Après, y’a plein de choses que je regrette, des attitudes que j’ai eues, et quand on a cette étiquette, on a du mal à s’en défaire, et cela rejaillit intérieurement car on a ce sentiment d’être jugé en permanence.
Avez-vous vu des images de vous en colère ?
Oui, j’ai vu des images, bien sûr, après coup, on se dit, « Mais il est complètement fou » ! Voilà, y’a eu des emportements excessifs de ma part. Après, je ne vais pas faire de la psychologie, mais c’est lié à son histoire personnelle, à l’injustice, à son enfance. C’est peut-être ça qui fait que l’on réagit mal. Et là, on n’arrive pas à tempérer. Pour nous, c’est toujours la faute de l’autre, et ça, on n’arrive pas toujours à le comprendre, ou alors on le comprend trop tard. Ces dernières années, j’ai compris des choses, mais ce n’est pas simple de l’analyser quand on est dans le quotidien d’un club, que l’on n’a pas le recul nécessaire.
« Je pense que j’ai réussi à faire quelque chose au niveau du football »
Sans jouer au psychologue, vous parliez de lien avec votre histoire personnelle, votre enfance : cela peut venir de là ?
Oui, des épisodes de ma vie, liés à son enfance, à ce qu’on a vécu… Du coup, on peut avoir des réactions très différentes en fonction de telle ou telle situation qui nous rappelle des choses, c’est comme ça que je l’analyse maintenant, alors qu’avant je pensais que c’était lié à la compétition. Mais quand on refait l’histoire, et quand on rencontre des personnes qui vous pose les bonnes questions et qui vous font pointer cela du doigt, au final, on défait la pelote de laine, et le jugement, je le prends différemment. C’est ce qui fait que ces derniers temps, cela a été complètement différent.
Minot, étiez-vous bagarreur ? Est-ce que cela vous agace que l’on parle de ça ?
Minot, fallait pas me chercher des noises, c’est sûr. Après, non, non, ça ne me gêne pas, parce que je sais que ça fait partie de moi et que cela va revenir sur le tapis, c’est comme ça, j’en ai pris mon parti. Quelque part, c’est cette image là qui ressort.
Heureusement, je pense que j’ai réussi à faire quelque chose au niveau du football, partout où je suis passé, même s’il y a eu des matchs un peu chauds. Je pense que les équipes que j’entraînais étaient plaisantes à voir jouer, et au quotidien, les gens ont vu que je n’étais pas une mauvaise personne. J’ai gardé beaucoup de contacts avec les joueurs. J’ai eu des connexions fortes avec beaucoup de monde; ça fait partie de mon histoire.
Alain Pochat, du tac au tac
« Je suis un coach passionné et franc »
Meilleur souvenir sportif ?
J’en ai deux. La remontée en National avec l’Aviron Bayonnais quand on était descendu une première fois en CFA, avec Christian Sarramagna, on avait des moyens très très limités avec des joueurs du cru. Cela avait été une fierté avec le président qui venait d’essuyer les plâtres après la relégation; le deuxième c’est la coupe de France avec Villefranche, même s’il y a eu aussi la montée de N2 en National, mais avec 23 000 spectateurs au Parc OL, c’était magnifique.
Pire souvenir ?
La fin avec Villefranche.
Le club où vous avez pris le plus de plaisir ?
Avec Villefranche l’année de la montée, on avait vraiment crée quelque chose avec ce groupe, ça a perduré en National l’année d’après, on avait un milieu de terrain avec Sergio, Taufflieb et Blanc très intéressant au niveau du jeu.
La saison où vous avez pris le plus de plaisir ?
J’essaie de toujours de prendre du plaisir. (Il réfléchit). Peut-être l’année de la descente de l’Aviron Bayonnais en CFA quand j’étais adjoint de Christian Sarramagna.
Le club où vous avez failli signer ?
Châteauroux, y’a très longtemps, mais cela ne s’était pas fait.
Le club que vous rêveriez d’entraîner ?
Un club mythique peut-être, comme Saint-Etienne. J’ai eu la chance de faire mon stage au RC Lens dans le cadre de mon diplôme du BEPF : ce club est exceptionnel, et en plus, j’adore ce que fait Franck Haise, que j’ai rencontré, et son parcours aussi, l’osmose qui est forte là-bas. Saint-Etienne et Lens, ce sont des clubs qui font envie.
Un modèle de coach ?
J’aime bien ce que fait Klopp (Liverpool), j’aime prendre de tout le monde même si, après, j’aime avoir ma propre philosophie. J’aimais aussi beaucoup la grande époque Guardiola comme beaucoup. J’en reviens à Franck Haise, je me suis beaucoup inspiré de ce qu’il a fait, et aussi du travail fait à l’Atalanta Bergame par rapport au système et l’évolution qu’ils apportent.
Meilleur joueur entraîné ?
Y’en a beaucoup… Dans chaque registre… Le milieu Rémi Sergio à Villefranche est un très bon joueur, j’ai eu Oumar Gonzalez aussi en défense, l’attaquant Thomas Robinet qui arrivait de Sochaux, je pense à des garçons comme ça, et à Boulogne, j’ai eu la chance de découvrir des joueurs comme Antoine Leautey ou Tony Mauricio, sans oublier Steve Pinau à Bayonne, qui était prêté par Monaco à l’époque, tout comme Stéphane Ruffier qui avait fait une saison énorme avec nous. Plus récemment Amine El Ouazzani, à Bourg, qui perce actuellement à Guingamp.
Pourquoi avez-vous choisi d’être entraîneur ?
Cela s’est fait un peu comme ça, naturellement. J’ai toujours entraîné des équipes de jeunes. J’ai commencé à 18 ans par l’école de foot aux Croisés de Bayonne, à l’époque j’étais à l’UEREPS (STAPS aujourd’hui), ça rentrait dans le cadre de mon cursus universitaire, et puis il fallait donner un coup de main au club. Et au fur et à mesure, j’ai passé des formations, j’ai eu des équipes de jeunes à 11, puis la réserve à Bayonne. En fait, j’ai toujours eu ce goût d’aller échanger avec les gamins.
Une devise ?
Non, mais j’ai été imprégné de la culture du Pays Basque, où là-bas il est beaucoup question de grinta. L’Aviron était en partenariat avec la Real Sociedad et l’Athletic Bilbao, où l’identité et l’appartenance du maillot sont très fortes, avec des joueurs très investis sur le terrain. Alors je dirais la grinta espagnole ou sud américaine.
Un style de jeu ?
Il a évolué au fil des années. Aujourd’hui, je pense qu’on ne peut pas s’arrêter à un seul style. Y’a tellement de variantes dans les matchs et dans ce que proposent les adversaires, donc il faut être un peu caméléon : au BEPF, on nous demandait de formaliser un projet de jeu, c’est pour ça que je l’ai appelé « projet de jeu caméléon », parce qu’il faut être capable de tout faire, même si, à la base, je préfère que mon équipe ait le ballon, qu’elle pose des problèmes à l’adversaire, qu’elle impose sa force et son style de jeu, qu’on marque des buts. Il faut être aussi capable d’être performant dans la transition, solide défensivement quand l’adversaire vous pousse, donc c’est un peu cette idée d’évoluer au fil du temps sur un projet de jeu où l’intelligence des joueurs et l’intelligence collective font faire qu’elle peut poser des problèmes dans différents domaines. A Villefranche, on a essayé de mettre en place ce beau jeu : ça a aussi été le choix des joueurs. Après, quand on associe Taufflieb, Sergio et Blanc au milieu, en National, on n’a pas l’habitude de voir ça. Je me souviens qu’il y a 10 ans en arrière, on voyait plutôt des milieux de terrain très athlétiques et physiques. Les terrains s’améliorent, des équipes pros descendent et restent en National : ça permet de garder une certaine qualité de jeu aussi.
Vous êtes un coach plutôt …
Passionné, je pense que tout les entraîneurs le sont, et franc.
Votre match référence sur le banc ?
J’ai le souvenir d’un match en National contre Béziers, avec Villefranche, chez nous, y’avait tout qui marchait, on en parle des fois avec Mathieu Chabert, qui était le coach à l’époque. Ce jour-là, tout a roulé.
Votre match avec vous sur le banc ?
Chez nous, avec Villefranche, contre Bastia, en National, l’année où ils montent en Ligue 2, on est mené 3 à 0 en 15 minutes, ils marchaient sur l’eau, on avait l’impression que tout allait à l’envers.
Un match de légende ?
J’avais adoré le France-Brésil au Mexique, en coupe du Monde 1986, en plus on venait de passer le bac, on était aux fêtes du Pays Basque, et aussi le match France-Allemagne en 1982 à Séville. Ces matchs m’ont marqué.
Une idole de jeunesse ?
Platini, Susic, Waddle… Quand j’étais étudiant, j’ai eu la chance de travailler à Cap Giresse, de centres de loisirs crées par Alain Giresse, et on allait souvent à Marseille voir des matchs avec les gamins, à l’époque de Stojkovic, Papin, Waddle, de sacrés joueurs.
Que vous manque-t-il pour entraîner en L2 ?
Les opportunités, la confiance de certains présidents qui hésitent à prendre des coachs qui n’ont pas, au départ, un vécu de joueur pro ou d’entraîneur avec déjà de l’expérience de ce niveau.
Le milieu du foot, en deux mots ?
Souvent hypocrite et malgré tout, il apporte du plaisir. J’aime le foot populaire, le spectacle, l’émotion qu’il amène.
Textes : Anthony BOYER / Mail : aboyer@13heuresfoot.fr / Twitter : @13heuresfoot et @BOYERANTHONY06