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Alain Melaye (JA Drancy), un demi-siècle de présidence !

Depuis 1967, la Jeanne d’Arc de Drancy s’appuie sur son emblématique dirigeant de 75 ans, véritable figure du football francilien. Le truculent chef d’entreprise à la retraite préfère les valeurs liées à l’identité de son club et à l’état d’esprit plutôt qu’à l’argent. Et n’hésite pas à instaurer des règles strictes aux 1300 licenciés de son association. Portrait d’un personnage comme on en croise rarement.

Président de la Jeanne d’Arc de Drancy, Alain Melaye (75 ans), hésite encore. Il a deux options pour occuper son prochain dimanche : soit accompagner son équipe première (N3) engagée en Coupe de France à Rungis (R3), soit assister au derby du 93 entre ses U19 Nationaux et le FC Montfermeil, surprenant leader du groupe A pour avoir notamment fait tomber le Paris SG.
Voilà plus d’un demi siècle que le football remplit les dimanches de cette incontournable figure du sport francilien qui a fait d’un patronage catholique un des meilleurs clubs d’Ile de France, en plein cœur du 9-3. « Mais il y a deux jours sacrés pour la famille, Noel et le dimanche de Pâques » sourit-il.

A la tête du club depuis 1967, record officieux !

Alain Melaye est devenu président de la section football de la JA Drancy en 1967. Il en était alors déjà joueur… et entraîneur ! 55 ans de présidence, qui dit mieux ? Apparemment, personne. C’est un record officieux.

En 1995, il a même été installé à la tête de la section omnisports de la JAD (natation, judo, tennis de table, etc…) qui totalise 3 300 licenciés dont près de 1 300 au football (44 équipes). « On ne peut pas en prendre plus. Alors, tous les ans, on a 400 personnes sur liste d’attente, explique Alain Melaye. La Ville de Drancy nous aide beaucoup. Mais nous sommes en zone très urbanisée et elle ne peut pas faire de miracle. On occupe cinq terrains mais cinq terrains différents, disséminés sur toute la commune. Il n’y a pas si longtemps, on divisait chaque terrain par 4 pour que toutes les catégories puissent s’entraîner. Maintenant, on ne les divise plus que par 2 mais on a dû réduire chaque séance d’un quart d’heure pour caser tout le monde. Les parents grognent un peu, je les comprends, mais comment faire autrement ? On a 1 300 joueurs et 44 équipes à faire jouer. »

Mateta, Fofana, fiertés de la formation drancéenne

Pourtant la quantité n’exclut nullement la qualité. Les conditions d’entraînement spartiates n’empêchent pas la JA Drancy d’être l’un des trois seuls clubs amateurs d’Ile de France (avec Montfermeil et Torcy) à disposer de U17 et U19 Nationaux. Bref de faire mieux en matière de formation que, par exemple, le Red Star ou Créteil, pourtant passés par la case professionnelle.

En terminant 2e de son groupe en mai dernier, derrière le PSG, mais devant Lille, Lens, Caen ou Le Havre, Drancy est même devenu le tout premier club amateur à se qualifier pour les quarts de finale du championnat de France U19. Une génération dont les meilleurs ont, comme chaque année, rejoint les centres de formation de clubs professionnels, français ou étranger puisqu’un jeune drancéen s’est engagé à l’AS Rome. Parmi les plus récentes pépites de la JAD, Jean-Philippe Mateta (Crystal Palace) et Youssouf Fofana (Monaco), international français depuis hier soir contre l’Autriche.

Du championnat de District jusqu’en National !

En seniors, l’ascension du Drancy d’Alain Melaye a même été un moment fulgurante avec une succession de montées successives qui propulsa en 10 ans la JAD du championnat de District au CFA (N2) où le club restera de 2009 à 2018, l’année d’un titre de champion de France de la division après la saison exceptionnelle (une seule défaite en trente matches) d’une équipe alors entraînée par Malik Hebbar. Drancy put alors connaître sa seule saison en National (2018-2019).

« C’était un peu trop haut pour nous, notamment en termes d’infrastructures, d’organisation, se souvient Alain Melaye. On n’a jamais été ridicules. On faisait souvent de bons matches, mais on perdait d’un but… On a quand même mis 3-0 à mes amis de Chambly qui sont montés cette année là en Ligue 2 (sourire). Mais on parlait un peu trop d’argent dans le vestiaire à mon goût… Pour moi, le plus important pour un club, c’est son identité, son état d’esprit. La vraie place de Drancy, c’est en N2. J’espère qu’on y retournera bientôt. Pour l’instant, c’est difficile (un nul, deux défaites lors des trois premiers matches de N3), mais on fait jouer les jeunes de chez nous, et c’est pour moi le plus important. »

« Je vais essayer d’arriver aux 60 ans de présidence ! »

A Drancy, les jeunes c’est sacré. Les plus jeunes bénéficient d’ailleurs chaque soir, s’ils le souhaitent, d’un soutien scolaire auprès de volontaires, souvent des enseignants à la retraite. Alain Melaye a imposé l’idée il y a déjà quelques années. Il a aussi institué des règles strictes : par exemple, à la JA Drancy, on retire sa casquette quand on salue un adulte. « On combat les clichés sur le 93, explique le Président. Je ne négocie pas avec le respect. Ça ne veut pas dire qu’on n’a jamais de problèmes de discipline. En tout début de saison, on a eu des soucis dans un match amical de jeunes. L’éducateur voulait exclure les quatre ou cinq fautifs. J’ai préféré les réunir, leur faire la leçon et les envoyer pendant un mois s’occuper chaque mercredi de l’entraînement des plus petits. Ils se sont exécutés et tout est rentré dans l’ordre. »

Alain Melaye pourrait donner de longues leçons de vie. Lui, le self made man, qui lança autrefois dans une cave son entreprise de fabrication et diffusion d’articles de sports (Sports Élite), dont il fit une formidable réussite (240 salariés) transmise aujourd’hui à ses deux fils.

A qui transmettra-t-il la JA Drancy, qui fêtera ses 120 ans en 2023 ? Il hausse les épaules : « Je ne sais pas encore, on verra bien. J’ai des dirigeants compétents autour de moi, mais tant que je suis en forme, ça va… Je vais au club tous les jours, je reste au contact permanent de nos salariés et de nos éducateurs, 85 au total. Je vais quand même essayer d’arriver aux 60 ans de présidence ! »

Ses meilleurs souvenirs de président

« Ils sont liés à la Coupe de France. La JA Drancy a une histoire d’amour avec la Coupe de France qui nous a permis de jouer contre des clubs comme Strasbourg, Metz, Nice… En 2011, nous sommes arrivés pour la première fois en 8e de finale (contre Nice, 0-1) en nous qualifiant toujours à l’extérieur. Le match au stade de la Libération a Boulogne-sur-Mer reste mon souvenir le plus marquant. Nous étions en CFA (N2), Boulogne en Ligue 2. Et on marque le but vainqueur (1-0) chez eux a la dernière minute du temps additionnel, par Karim Herouat !!! Exceptionnel ! Un an plus tard, on devient le premier club amateur à atteindre les 8es de finale deux années de suite ! Cette fois, le tirage nous envoie au Gazelec Ajaccio. J’y suis allé le jour même en avion et j’ai voulu rejoindre mon équipe directement au stade de Mezzavia. La, je me présente mais on m’emmène directement dans un parcage grillagé, bien à l’écart de la tribune officielle. C’était peut être là bas le protocole pour le président adverse (rire) ! J’ai tout de suite pensé qu’on ne gagnerait pas… et on n’a pas gagné (0-2)… (il se marre deux fois plus !).« 

Ses pires souvenirs de président

« J’en ai deux, terribles. D’abord, il y a très longtemps, je ne me souviens plus de l’année, deux gamins du club de 14 ans se sont tués en sortant d’un entraînement. Ils étaient montés sur la même mobylette, et ils se sont fait renverser. J’ai toujours les obsèques en mémoire, la douleur des parents… Horrible. A partir de ce jour là, j’ai interdit à mes enfants de monter sur une mobylette.
Puis il y a eut le drame de 1995 après un match de district entre notre équipe et le FC Berbère, un club du 20e arrondissement de Paris. Il y a eu une embrouille et un gars est allé chez lui prendre une arme. Il est revenu, et, à l’entrée du stade Paul André, il a tiré dans le tas. Un jeune supporter adverse est mort sur le coup d’une balle en pleine tête. J’étais à cinq mètres, en train de discuter avec le président du FC Berbère… J’étais pétrifié d’horreur. Je me suis retrouvé à témoigner aux Assises de Bobigny. Le meurtrier a pris 10 ans. »

Texte : Jean-Michel Rouet / Mail : contact@13heuresfoot.fr

Photos : DR et JA Drancy