Rappelé sur le banc en décembre, le coach nordiste évoque la demi-finale historique de coupe de France à Lyon, un rayon de soleil dans une saison très compliquée en Ligue 2. Éternel optimiste, le Franco-marocain parle aussi de son attachement au club, de son équipe aux deux visages et de la formation valenciennoise.
La coupe de France comme exutoire. L’épreuve reine du football français, celle qui fait tant rêver les amateurs mais aussi bien sûr les professionnels, rappelle que l’on peut être dernier de sa classe dans son championnat mais performer sur des matches couperets, au point de s’inviter à la table des très grands et de se hisser jusqu’en demi-finale, aux côtés du PSG, de Lyon et de Rennes, excusez du peu. Belle moralité.
Le dernier invité, un peu surprise il faut le reconnaître, c’est donc Valenciennes, troisième club historique du Nord après Lens et Lille – qui s’affrontaient d’ailleurs samedi dans un derby remporté par les Dogues (2-1) – et 40e club au classement français actuel, si l’on se réfère à sa 20e place en Ligue 2. Une place qui, à 8 journées de la fin de saison, ne condamne pas le VAFC au National. Du moins pas encore.
Parce que même si le coach Ahmed Kantari, rappelé au chevet de l’équipe le 7 décembre dernier en remplacement du Portugais Jorge Maciel, huit mois après avoir déjà remplacé, avec bonheur, Nicolas Rabuel (maintien assuré), conserve un discours résolument optimiste. Après tout, l’ancien défenseur de Brest et de Lens est dans son rôle. Mais on ne voit pas comment les joueurs du Hainaut pourraient éviter la descente avec un tel retard (18 points d’écart avec le premier non-relégable). Quand bien même il reste 24 points à distribuer…
1000 supporters de VAFC à Lyon
Pourtant, sur le pré, les joueurs et le staff font le taff. En mars, ils ont tout de même tenu tête aux deux premiers du classement, Auxerre et Angers (0-0), ce qui signifie bien qu’ils ne n’ont pas résigné et, surtout, qu’il y a de la qualité dans cette formation. Cela signifie aussi qu’ils ne lâchent pas, malgré leur dernier revers samedi face à un Saint-Etienne lancé dans la course aux deux premières places (0-2). Ahmed Kantari, qui s’était déjà assis sur le banc du VAFC en Ligue 2 dans le rôle d’adjoint de Réginald Ray (janv à juin 2020) puis d’Olivier Guégan (2020-21), avant de rejoindre Sabri Lamouchi à Nottingham Forest (2021-2022), y veille en tout cas.
Qualifiés depuis bientôt cinq semaines pile poil pour les demi-finales de la coupe de France – le 1/4 de finale à Rouen s’est déroulé le mercredi 27 février -, les Valenciennois ont donc eu tout le loisir de bien préparer ce match « historique » au Groupama Stadium, à Lyon. Un match dont ils ne partiront bien évidemment pas favoris, et ça, ce sera tout nouveau pour les coéquipiers du capitaine de Joffrey Cuffaut, qui ont jusqu’à présent toujours affrontés des équipes de niveau inférieur, sauf en 16e de finale face au Paris FC (Ligue 2, qualification 2-1 au stade du Hainaut).
VAFC pas respecté par les amateurs ?
On peut en tout cas être certain que le coach rhodanien, Pierre Sage, mettra en garde ses joueurs et leur demandera de bien respecter leur adversaire et de ne surtout pas le prendre de haut, au prétexte qu’il est lanterne rouge de Ligue 2. Écrire cela n’est pas anodin : à l’issue de la qualification aux tirs au but à Rouen, Ahmed Kantari avait fustigé l’attitude de certains clubs amateurs lors des précédents tours, assurant que son équipe, n’avait pas été respectée. Des propos sur lesquels il a accepté de revenir avant ce match-événement face à l’OL.
Le natif de Blois dans le Loir-et-Cher (38 ans) évoque la demi-finale, la première depuis 1970 (Valenciennes avait également disputé une demi-finale de coupe de France en 1964 et une finale en 1951); il revient aussi sur le déroulement de la saison, sur sa mission de formateur, sur la jeunesse de l’effectif (3e plus jeune en L2 selon le site transfertmarkt avec 24,4 de moyenne, derrière Troyes 23,6 et Rodez 23,8) et son attachement à VAFC. Soldat sur le terrain lorsque le Franco-Marocain était joueur (15 sélections avec les Lions de l’Atlas), il demeure le même une fois enfilée la tunique d’entraîneur. On appelle cela de la fidélité. Et une certaine conception du football…
« Il y a des choses positives aussi cette saison »
Ahmed, votre réaction quand VAFC a tiré Lyon en demi-finale de la coupe ?
Content ! Content de jouer une grande et grosse équipe de Ligue 1, d’affronter un club qui a une grosse histoire, qui a remporté beaucoup de titres dans les années 2000. Découvrir le Groupama Stadium pour mes joueurs, ça va être une expérience extraordinaire.
Pas trop déçu de ne pas jouer au Hainaut ?
Oui, forcément, mais on est surtout déçu pour nos supporters, parce qu’on aurait bien aimé leur offrir cette demi-finale chez nous. On aurait aimé qu’ils puissent partager cette fête avec nous, même si on voit qu’il y aura quand même mille supporters qui vont se déplacer jusqu’à Lyon en semaine. C’est vrai que si on avait joué au Hainaut, on aurait fait 25 000 spectateurs au stade, mais voilà… On est quand même en demi-finale de la coupe de France et le premier sentiment qui me vient à l’esprit, c’est la joie.
« Des clubs étaient déçus de tomber contre nous… »
Vos déclarations à l’issue de la qualification à Rouen ont surpris, vous avez parlé de manque de respect chez vos adversaires…
Je ne parlais pas de Rouen en particulier, mais c’est vrai qu’en allant à Sarreguemines par exemple… Vous savez, les « petits » clubs, voilà… Disons qu’on n’a pas senti chez nos adversaires la crainte de nous recevoir, bien au contraire, il étaient contents de nous « tirer », et il y a même des clubs qui étaient déçus de nous « tirer ». Mais ça, c’est dû à notre classement en championnat.
Est-ce que cela a été un levier de motivation supplémentaire ?
Non, je ne me suis pas servi de ça. Je me suis concentré sur mon équipe et sur le contenu qu’elle allait proposer. Parce que je pense que c’est ça qui est important même si il y a des aspects extérieurs qui peuvent devenir des motivations mais notre réelle motivation, elle n’est pas celle-là. Nous, c’est « Qu’est qu’on va mettre en place techniquement, tactiquement et physiquement pour pouvoir impacter l’adversaire et pouvoir gagner des matchs ? ».
Votre équipe est une des plus jeunes de Ligue 2, qu’est-ce que cela vous inspire ?
Je n’ai pas les statistiques en tête mais c’est vrai que VAFC est une équipe très jeune. Au-delà de l’aspect jeune en termes d’âge, j’ai une équipe jeune pour ce qui est du vécu. On est sûrement l’équipe qui aligne les joueurs ayant le moins de vécu en Ligue 2.
Le positif de la saison, c’est cette jeunesse ?
On a encore fait de la place à beaucoup de jeunes, on le voit avec des joueurs de 17 ans, 18 ans, 19 ans, cela permet aussi de mettre en avant la formation Valenciennoise, parce qu’on a un centre qui travaille bien, on a des éducateurs qui bossent bien. C’est un socle solide sur lequel le club s’appuie. La formation, ça fait partie de l’ADN du club qui a cette envie d’accompagner ces jeunes joueurs, de les faire progresser, de les faire jouer dès qu’ils sont prêts : on le voit cette année avce des Joachim Kayi-Sanda, Ilyes Hamache, Manga Foe Ondoa, des joueurs passés par la formation valenciennoise et qui aujourd’hui porte l’équipe première.
« En mode coupe de France »
Comment expliquer que VAFC soit autant passé à côté de sa saison en Ligue 2 ?
(Silence). Il y a beaucoup de raisons. En décembre, j’ai hérité d’un groupe qui était touché mentalement, qui n’avait gagné qu’un seul match de championnat en six mois (1-0 à Rodez, 4e journée, le 26 août 2023), et on sait à quel point la confiance est importante pour les joueurs.
En championnat, les joueurs ont ce fardeau à porter sur les épaules, ce fardeau des six premiers mois compliqués à gérer, et ça a eu des répercussions sur le terrain, sur leurs prises de risques, sur leur envie de se projeter ou d’aller vers l’avant. Donc on s’est retrouvé avec des joueurs qui se mettaient en sécurité, chose que l’on n’a pas du tout retrouvé en coupe de France, peut-être parce que c’est une compétition différente : là, les joueurs sont arrivés à se mettre dans un mode « coupe » avec beaucoup d’envie, beaucoup d’abnégation, beaucoup de jeu vers l’avant, les pieds beaucoup moins serrés dans les chaussures que ce qu’on peut voir en championnat.
En même temps, en coupe, VAFC a tout le temps été favori « hiérarchiquement » sur le papier, non ?
Oui, on a toujours eu des tirages « favorables ». Hormis le Paris FC (L2), que l’on a affronté en 16e de finale, on a toujours affronté des équipes de niveau inférieur. Et on a toujours été obligé de se déplacer, sauf face au Paris FC, et on sait que ce qui fait la magie de la coupe de France, ce n’est pas une question de niveau, mais une question d’environnement, et les joueurs ont bien gérer ce paramètre.
Mental et confiance
Mathématiquement, évidemment, le maintien est toujours possible, mais y croyez-vous vraiment ?
(Catégorique) On n’a pas du tout abdiqué. On est dans le travail. Il reste 9 matchs, 27 points (entretien réalisé avant la réception de Saint-Etienne), et on les joue tous pour les gagner. C’est vraiment ça l’état d’esprit qui nous anime. On a pu le voir récemment, on a affronté les deux premiers du championnat, Auxerre et Angers, et on a fait deux matchs nuls sans encaisser de but (0-0 deux fois). Cela montre notre investissement et à quel point les joueurs sont toujours concernés.
C’est vrai que ces deux bons résultats montrent aussi qu’il y a de la qualité à VAFC…
Il y a de la qualité et les joueurs sont encore mobilisés, voilà ce que cela montre. Bien sûr, on sait que l’aspect mental est important dans le football et il faut que les joueurs aient cette confiance en eux et en leurs qualités pour pouvoir performer en championnat, et c’est ce qu’ils arrivent à faire en coupe de France.
Pourquoi avoir à nouveau accepté ce retour sur le banc ?
Je vais vous dire, ce club m’a tellement donné, m’a tellement apporté en tant que joueur, j’y ai terminé ma carrière, j’y ai entamé ma reconversion, que je suis redevable envers le club. Je suis un soldat du club. Je suis à sa disposition. On sait que joueurs ou entraîneurs, on est tous de passage, mais je pense qu’il faut aussi avoir de la reconnaissance envers ces clubs-là, où on passe, et c’est pour ça que je suis toujours disponible et motivé pour rendre à VAFC ce qu’il m’a donné.
Mais vous saviez en décembre que la mission, à défaut d’être impossible, allait être extrêmement compliqué…
Oui (catégorique). Mais c’est dans mon tempérament. J’aime les challenges. J’aime foncer, aller de l’allant. Je ne suis ni peureux, ni réticent, ni sur mes gardes. Quand on me présente ce challenge, j’ai envie d’aller à la bagarre et j’aime ça.
« Il faut construire un club fort »
Pourtant, vous savez comment cela fonctionne, les résultats sont épiés : ça pourrait mettre en péril votre carrière, non ?
Je ne pense pas à ça, pour la simple et bonne raison que je n’ai pas de plan de carrière. Je prends les choses comme elles viennent. La saison passée, il y a eu ce maintien miraculeux. Cette année, on est en demi-finale de la coupe de France. Je veux dire par là qu’il y a aussi des choses positives qui sont arrivées et qui arrivent encore. A chaque fois que j’ai été appelé aussi en équipe première, la saison passée et cette saison, j’ai laissé l’équipe réserve à la première place de son classement en National 3, donc il y a eu des résultats très positifs aussi avec le club.
Question piège : la dernière fois que VAFC a joué en National, c’était quand ?
C’était après la montée de Daniel Leclerc, de National en L2, il me semble que c’est en 2004/2005 ?
Oui c’est ça. Vous connaissez bien l’histoire de votre club !
(Rires) Oui !
Au fond de vous, voir un club comme VAFC peut-être tomber en National, c’est un crève coeur ?
Forcément, parce que la place de Valenciennes pour moi, est en Ligue 1. Ce club fait partie des trois plus importants du Nord avec Lens et Lille, de par ses infrastructures, son stade, son histoire, son engouement, ses supporters. Valenciennes, c’est un de nos beaux clubs français, maintenant, il y a une réalité sportive… On a vu d’autres clubs avant qui ont dû passer par le National pour pouvoir rebondir et se reconstruire de manière plus forte. Il ne faut pas oublier que VAFC a été racheté il y a six mois seulement (1) et il y a des choses qui sont mises en place par les nouveaux propriétaires, et ces choses-là mettent du temps. Malheureusement, dans le football, on n’a pas le temps, on n’a pas ce recul ni cette patience-là, mais cela fait partie du processus.
(1) Le VAFC a été racheté en juillet 2023 par le fond d’investissement Sport Republic, créé par le milliardaire serbe Dragan Solak, déjà propriétaire des clubs de Southampton en Angleterre (à 80 %) et du club turc du Göztepe.
En National, le club pourrait-il se relever ? Quand on voit des clubs comme Dijon, Sochaux, Nancy, Le Mans, Orléans, Châteauroux ou Nîmes qui ne s’en sortent pas…
En National, le niveau s’élève, on le voit avec des clubs « importants », comme vous dites, qui ont du mal à remonter. Mais il y a aussi des contre-exemples comme Niort, qui est en haut de tableau et qui va peut-être remonter immédiatement. Maintenant, je pense que, quelle que soit la division dans laquelle on va être, il faut construire un club fort : ça passera bien sûr par des résultats, mais il faut que tout le monde travaille la main dans la main, afin de récréer une dynamique positive.
« Sans les joueurs, on n’est rien »
Vous êtes un entraîneur plutôt comment ?
Je suis un entraîneur simple (rires), exigeant, mais c’était déjà le cas quand j’étais joueur, j’ai gardé ce côté-là. J’ai eu la chance de connaître le foot de haut niveau et je sais que cela se joue à des détails, qu’il ne faut rien négliger, et qu’il faut beaucoup de travail. Après, j’ai aussi beaucoup de proximité avec mon groupe. Je pars toujours du principe que, sans les joueurs, on n’est rien, car ce sont toujours eux les acteurs qui décident, finalement, du projet de jeu, du projet de vie. C’est pour cela que je pense qu’il faut être proche d’eux, tout en gardant cette autorité et cette exigence du haut niveau. J’accorde beaucoup d’importance au groupe et aux joueurs.
Qui sont vos modèles d’entraîneur ?
Je puise chez tout le monde, forcément, et notamment parmi les coachs que j’ai connus quand j’étais joueur, mais chacun avait sa manière de manager et d’entraîner, et je pense qu’il faut se créer sa propre personnalité d’entraîneur. Moi je suis quelqu’un qui aime beaucoup la verticalité dans le jeu. J’aime avoir des joueurs rapides qui puisse faire du jeu vers l’avant, parce qu’on est dans une région où on doit s’adapter à la culture et ce public nordiste, ces gens, aiment que les joueurs aient cette projection rapide vers l’avant et développent un football qui réclame beaucoup d’engagement et de don de soi. Ce n’est pas un public latin ou espagnol qui aime voir son équipe avoir la possession, ronronner. C’est important de s’adapter à l’environnement dans lequel on évolue.
Arrivez-vous à vous projeter déjà vers la saison prochaine ?
Écoutez, je suis un jeune entraîneur mais j’ai un peu d’expérience pour avoir été joueur (rires) donc je ne me projette que sur le match qui arrive !
Coupe de France (demi-finale) – mardi 2 avril 2024 : Olympique Lyonnais (L1) – VAFC, à 20h45 au Parc OL (Groupama Stadium).
Le parcours de VAFC en coupe de France
- 7e tour (18 novembre 2023) : Haguenau (N2) – VAFC 0-2
- 8e tour (10 décembre 2023) : FC Mulhouse (R1) – VAFC 1-1 (4-5 tab)
- 32e de finale (5 janvier 2024) : Sarreguemines (R1) – VAFC 0-2
- 16e de finale (20 janvier 2024) : VAFC – Paris FC (Ligue 2) 2-1
- 8e de finale (7 février 2024) : Saint-Priest (N3) – VAFC 1-2
- 1/4 de finale : (28 février 2024) : FC Rouen (National) – VAFC 1-1 (2-4 tab)
Texte : Anthony BOYER – aboyer@13heuresfoot.fr / Twitter @BOYERANTHONY06
Photo de couverture : Philippe Le Brech
Photos : Philippe Le Brech
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