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Adama Camara (Paris FC) : « Mon histoire peut servir d’exemple »

Un an après avoir découvert le National 2 avec le Racing-club de France, le milieu de terrain de 27 ans, qui a aussi connu la vie active, a signé son premier contrat pro l’été dernier au Paris FC (L2), où il enchaîne les titularisations. Une trajectoire source d’inspiration. Comme quoi, rien n’est jamais fini !

C’est l’une des belles histoires de cette première partie de championnat en Ligue 2. Il y a encore quatre ans, Adama Camara évoluait en Régional 2 avec Montfermeil (93). Et jusqu’au début de la saison dernière, il était encore dans la vie active et travaillait en parallèle du foot.

Mais tout s’est accéléré ces derniers mois pour le milieu de terrain de 27 ans, originaire de Neuilly-sur-Marne, qui a signé en juin un premier contrat professionnel de 2 ans avec le Paris FC (L2) en provenance du Racing-club de France (National 2).

Gilli : « Il dégage une grosse sérénité »

Depuis sa remontée en L2 en 2017, le club parisien a souvent révélé à ce niveau, des joueurs issus du monde amateur, aux parcours atypiques, comme Cyril Mandouki (ancien surveillant de collège), Ousmane Kanté (ancien agent d’accueil à la Sécurité Sociale), Samuel Yohou (ancien standardiste au club), Thomas Delaine (ancien jardinier), Souleymane Karamoko ou encore Migouël Alfarela (ancien maçon).

Adama Camara, qui a disputé 17 matchs (10 titularisations) sur 19 de la phase aller cette saison, perpétue cette tradition de joueurs venus « d’en bas » dans le deuxième club de la Capitale. « Adama dégage une grosse sérénité par rapport à son parcours, estime son entraineur Stéphane Gilli. C’est un tout jeune dans le milieu pro mais il n’est pas jeune en termes de maturité. Il a une expérience de vie qui fait qu’il relativise pas mal de choses. »

Interview

« Ce n’est que le début ! »

Quel regard portez-vous sur votre parcours ?
J’ai signé mon premier contrat pro à 26 ans. Je pense que mon histoire peut servir d’exemple pour les plus jeunes. Elle prouve que rien n’est jamais fini, même si on ne part pas en centre de formation ou si on n’est pas conservé dans un club pro. Tu peux faire tes saisons en National 2, te faire remarquer et rebondir. Le foot, ça peut aller vite. Quand on a eu mon parcours, quand on est allé chercher ça tout seul, on apprécie encore davantage ce qui nous arrive.

Plus jeune, aviez-vous effectué des essais pour partir en centre de formation ?
J’ai évolué dans de nombreux clubs du 93, Neuilly-sur-Marne, ma ville, puis Gournay, Gagny et Montfermeil, de U16 jusqu’en seniors, où est monté de R4 en R2. Mais je n’ai jamais eu de propositions. Quand j’étais à Montfermeil, j’ai juste pu effectuer des essais à Lorient en U19 et à Saint-Étienne en seniors. Pour moi, ça s’était bien passé. Mais je n’ai pas eu de vraies réponses. Il n’y a pas eu de suite, je ne sais pas pour quelles raisons… Dans ma génération à Montfermeil, beaucoup sont devenus pros comme Prosper Mendy, Joris Gnagnon ou Aïssa Laïdouni. Ce sont des parcours qu’on regarde. Aïssa Laïdouni, c’est forcément un exemple inspirant. Il est parti de bas, il a eu un parcours atypique, il a tout eu dans sa carrière, avant de connaître la CAN et la Coupe du monde avec la Tunisie, puis la Ligue des Ligue des champions avec l’Union Berlin.

En 2018, vous aviez même tenté l’aventure américaine…
Oui, je suis parti à Georgia Revolution, un club qui évolue dans l’équivalent de la 4e division là-bas. Mais je n’y suis resté que trois mois. Le but était de faire des matchs pour être remarqué par des équipes de MLS. Mais entre ce qu’on m’avait dit au départ et la réalité, il y avait une grosse différence. Je suis donc rentré à Montfermeil.

« Faire des petits boulots à côté était une nécessité »

Malgré tous ces échecs, l’objectif de devenir pro, a-t-il toujours été présent dans un coin de votre tête ?
Oui, j’ai toujours eu l’objectif de monter en haut, même si ça prenait un peu de temps. J’y ai toujours cru malgré le temps qui passait. Mes parents viennent du Mali, ils sont un peu loin du foot. Mais depuis que je suis tout petit, ils ont vu que j’étais foot, foot, foot…Donc, ils m’ont soutenu. Mes proches aussi ont toujours cru en moi. Beaucoup se demandaient pourquoi je n’y étais pas encore arrivé. Mais j’ai toujours travaillé à côté du foot. J’ai quitté l’école tôt, l’espoir de devenir pro était quand même assez lointain, donc avoir des petits boulots était une nécessité.

Dans quels secteurs avez-vous travaillé ?
J’ai commencé à travailler tôt chez Pizza Hut. J’ai été ensuite facteur à la poste de Montreuil (Seine-Saint-Denis), chauffeur de bus dans le secteur de Val-d ’Europe (Seine-et-Marne) puis livreur pour le Conseil départemental de Seine-Saint-Denis jusqu’à mes 25 ans. Le job à côté, c’était obligé car ce n’était pas avec le foot que je gagnais ma vie. Mais ces expériences m’ont enrichi. Quand on a connu la vraie vie comme moi, ça permet de relativiser beaucoup de choses. Il n’y a que depuis le début de la saison 2022-2023, quand on est monté en National 2 avec le Racing, que je ne fais que du foot à 100 %. Ça change les choses.

« J’ai quand même bien été ralenti par la Covid »

Vous n’avez découvert le niveau national qu’à 23 ans en signant à Noisy-le-Grand qui était promu en N3…
La saison d’avant, Noisy-le-Grand avait réussi un beau parcours en Coupe de France (16e de finale à Bastia) et était monté. Je n’avais connu que la R2 en seniors avant et j’ai passé un cap à Noisy-le-Grand. J’ai vu ce que c’était que le niveau national. Individuellement, je pense avoir réussi une bonne saison. Mais malheureusement, on est redescendu en Régional 1. On était relégables quand les championnats se sont arrêtés à cause de la Covid. Ça a été dur car on revenait bien. On aurait eu les moyens de se maintenir. Ensuite, j’ai signé au Racing, toujours en National 3. On était bien partis avec 5 victoires et 1 nul mais la saison s’est encore arrêtée en octobre à cause du virus : j’ai quand même été bien ralenti avec la Covid.

Vous avez ensuite explosé au Racing…
L’entraineur Guillaume Norbert connaît très bien le foot. Il est proche des joueurs. Il ne va pas aller recruter des noms. Il préfère s’attacher à la mentalité des joueurs, prendre des mecs qui viennent du bas et qui veulent aller en haut. On était beaucoup dans l’équipe à avoir cet état d’esprit. J’ai vécu trois belles saisons au Racing. La première a été arrêtée, mais lors de la seconde on a survolé le championnat et on est monté en National 2. Collectivement, on était vraiment forts. La saison dernière, on a été à la lutte pour l’accession en National avec le FC Rouen, ça s’est joué à des détails. C’est dommage de n’avoir pas pu connaître une deuxième montée tous ensemble avec ce groupe.
C’est la saison dernière que les équipes de Ligue 2 et de National ont vraiment commencé à vous suivre.

Comment l’expliquez-vous ?
Moi, fondamentalement, je n’ai pas l’impression d’avoir changé dans mon jeu. J’étais pareil qu’en N3, toujours dans le même registre. Après, peut-être que me consacrer uniquement au foot a joué. Quand on travaille à côté du foot, ça pompe quand même de l’énergie. Après entre le National 3 et le National 2, il y a quand même une grosse différence en termes de visibilité. Je pense qu’on était même meilleurs en N3. Mais il y n’y a que Moustapha Sangaré (à Amiens) qui est parti la première saison. En N2, on a eu davantage de sollicitations. On a réussi des gros scores, on marquait beaucoup de buts, donc ça a forcément attiré les recruteurs. On est deux à être partis en L2, moi au Paris FC, et Vénuste Baboula à Quevilly Rouen. Trois autres ont signé en National : Adama Niakaté et Arnold Vula, tous les deux à Orléans. Merwan Ifnaoui, avait, lui, signé en janvier au Red Star.

« C’est important de se sentir chez soi »

A part le Paris FC dont la cellule recrutement vous suivait depuis plusieurs mois, aviez-vous eu d’autres sollicitations ?
J’avais Annecy et Dunkerque en L2, et la moitié des clubs de National. D’où je viens, Annecy et Dunkerque, j’aurais pris tout de suite. Mais quand le Paris FC s’est manifesté, je n’ai pas hésité. Je suis Parisien, donc il n’y a rien de mieux que de jouer pour un club parisien. Je suis du 93, j’habite maintenant à Orly où est situé notre centre d’entraînement, donc c’est important de se sentir chez soi. Je n’ai pas trop eu à bouleverser mes habitudes. Je suis resté près de ma famille. Dans les tribunes, j’ai toujours plus d’une dizaine de mes proches qui viennent me soutenir. Ça donne de la force.

Vous attendiez-vous à jouer autant pour vos débuts en Ligue 2 ?
J’ai confiance en mes qualités et j’ai travaillé pour ça. Même si je viens du dessous, je savais que j’aurais ma chance. Je me suis bien acclimaté et la préparation s’est bien passée. Il m’a fallu un temps d’adaptation mais j’ai toujours figuré dans le groupe. Après, j’ai aussi profité des blessures (notamment celles de Lohann Doucet prêté par Nantes) pour enchaîner les titularisations. Sur le terrain, je me suis senti de mieux en mieux. On a un bon groupe qui n’a jamais lâché malgré les mauvais résultats. Maintenant, on a retrouvé une bonne dynamique.

Qu’est ce qui change le plus par rapport au N2 ?
Individuellement, les joueurs sont meilleurs en L2, donc dans le jeu, ça va plus vite, il y a davantage d’intensité. Mais ce qui change le plus, c’est tout ce qu’il y a autour, les stades, le public, la médiatisation.
Justement, comment passe-t-on de quelques centaines de spectateurs à des stades remplis comme quand vous avez joué le 4 novembre dernier devant 35 000 spectateurs à Geoffroy-Guichard ?
C’était une grande première pour moi, comme jouer à 15 heures en direct sur BeIN dans le match phare de la journée. Geoffroy-Guichard, c’est vraiment un stade mythique. On joue au foot pour connaître ces ambiances. C’était impressionnant à la reconnaissance terrain, on entendait siffler. Mais une fois que le match est lancé, on oublie tout ça et on joue. Ce jour-là, on a gagné (1-0) donc c’était encore plus fort comme sensation.

Comment voyez-vous la suite. Pensez-vous à une sélection avec le Mali ?
Je suis d’origine malienne donc forcément, ce serait un rêve d’être appelé. Mais pour le moment, je n’ai pas été approché. Après, à mon poste, c’est un peu compliqué. Au milieu, il y a des joueurs comme Cheick Doucouré (Crystal Palace), Mohamed Camara (Monaco) ou Amadou Haidara (RB Leipzig) … Mais quand on vient du bas comme moi, il ne faut pas se fixer de barrières. Ce n’est que le début. j’espère jouer un jour en 1ère division dans l’un des cinq grands championnats.

Au Racing, il y a votre petit frère Ibrahim (23 ans) qui joue au même poste que vous. Peut-il suivre vos traces ?
Oui, car il est plus jeune que moi, il joue en N2 et a déjà un très bon niveau. Moi, j’ai découvert le N2 à 25 ans…Il a donc une plus grosse marge de progression que moi. Il était à Neuilly-sur-Marne en Régional 1 la saison dernière et il a fait deux montées de R2 à N3 avec le club de notre ville. Je le suis à fond. Malheureusement, le Racing joue aussi le samedi, comme nous, donc je n’ai pas pu encore aller les voir.

Adama Camara, du tac au tac

Meilleur souvenir ?
Ma signature au Paris FC. C’était la concrétisation de mon travail.

Pire souvenir ?
La descente en R1 avec Noisy-le-Grand.

Combien de buts marqués ?
Dans les championnats nationaux, 3 à Noisy-le-Grand et 14 en trois saisons avec le Racing. A Montfermeil, beaucoup mais je jouais plus haut, en 10, dans un 4-4-2 en losange. Je suis un milieu qui a l’habitude de marquer. J’attends maintenant mon premier but en L2 ! J’ai failli marquer contre Concarneau, j’avais dribblé le gardien… Quand j’aurai enfin marqué ce premier but, ça va en déclencher d’autres…

Le plus beau but ?
Contre Meaux en National 3. On gagne 5-0 et je mets un doublé. Le premier, je dribble deux joueurs puis le gardien. Le deuxième, c’est une frappe de loin.

Votre meilleur match ?
En National 3, contre Meaux et Blanc-Mesnil. En National 2 la saison dernière, j’ai été pas mal à Caen, Guingamp, Rouen et Beauvais. Cette saison en Ligue 2, je dirais Bastia et individuellement Bordeaux même si on perd à la 94e minute (1-2).

Votre pire match ?
Cette saison en L2, je dirais Angers (défaite 2-0). Collectivement, on est passé un peu au travers et moi je n’avais pas fait un bon match. A Guingamp, on gagne 1-0 mais j’étais moins bien aussi.

Qualités et défauts ?
La vision du jeu. Je suis un joueur d’équipe. Je donne tout pour l’équipe. Après, je dois progresser physiquement et être plus décisif.

La saison où vous avez pris le plus de plaisir ?
En 2021-2022, quand on monte de N3 en N2 avec le Racing. On termine avec 11 points d’avance, la meilleure attaque et la meilleure défense. Moi, j’avais mis 7 buts.

Le club où vous auriez rêvé de jouer, dans vos rêves les plus fous ?
Plus jeune, le Barça. Maintenant, j’espère jouer un jour en 1ère division dans l’un des cinq grands championnats. Ce n’est pas un rêve, c’est un objectif.

Un stade et un public qui vous a marqué ?
Forcément Geoffroy-Guichard cette saison avec le Paris FC. En National 2, le stade Robert Diochon à Rouen. C’est la première fois que je jouais devant autant de monde. On voit que Rouen, c’est un club populaire.

Le joueur le plus fort avec qui vous avez joué ?
Cette saison au Paris FC, Ilan Kebbal. Il est trop fort. Au Racing, Abdelrafik Gérard. Je me suis surtout entrainé avec lui car malheureusement, il s’est blessé. Au Racing, je citerais aussi Merwan Ifnaoui, Vénuste Baboula et Adama Niakaté.

Le coéquipier avec lequel vous avez le meilleur feeling sur le terrain ?
Adama Niakaté au Racing pendant trois saisons. Au milieu, on formait la paire idéale. Comme moi, il vient du bas (Cergy-Pontoise, R1) et comme moi il est devenu pro cette saison à Orléans (National).

Le joueur le plus fort que vous avez affronté ?
Cette saison, j’ai bien aimé Himad Abdelli d’Angers. Gauthier Hein d’Auxerre aussi.

L’entraîneur ou les entraîneurs qui vous ont marqué ?
A Montfermeil, Abdelaziz Kaddour. Au Racing, forcément Guillaume Norbert. Si j’ai signé pro, c’est grâce à lui. Il m’a fait progresser et m’a toujours dit « J’ai une totale confiance en toi ». J’ai une anecdote sur mon arrivée au Racing en 2020. Quand on a joué contre eux en N3 avec Noisy-le-Grand, un coéquipier me dit : « Le coach du Racing t’apprécie, il veut te faire venir. » J’ai gardé ça dans un coin de ma tête. La saison s’est arrêtée avec la Covid et en juin, je cherchais un club. J’ai donc appelé Guillaume, je lui ai laissé un message en me présentant. Mais il ne m’a jamais rappelé. Je ne suis pas du genre à insister donc j’ai laissé tomber. C’est son adjoint qui m’a contacté quelques jours plus tard. En fait, c’est lui qui voulait me faire venir, pas forcément Guillaume ! Je suis venu à une séance et j’ai signé. Avec Guillaume, on en rigole quand on y repense. Au Paris FC, on a un coach, Stéphane Gilli, qui est très proche des joueurs. Il y a aussi tout son staff. C’est un autre monde par rapport au Racing où presque tout reposait sur Guillaume Norbert.

Vos amis dans le foot ?
A Paris, je connais beaucoup de monde… Mes vrais amis, ce sont mes anciens coéquipiers du Racing. On était une vraie bande de potes. On est toujours en contact.

Le joueur le plus connu de votre répertoire ?
Je suis en contact avec Aissa Laïdouni via les réseaux.

Vos modèles dans le foot ?
A mon poste, des joueurs comme Iniesta, Thiago Motta et Yaya Touré.

Vos occupations en dehors du foot ?
Je suis très casanier. Je reste à la maison, je me repose, je fais des siestes. Je rentre aussi souvent chez mes parents, je vois mes petits frères. Je suis très famille.

Si vous n’aviez pas été footballeur pro ?
La vie active, je connais. J’aurais continué à travailler tout en jouant au foot.

Le milieu du foot, en deux mots ?
Mon histoire montre que tous les rêves sont permis dans le foot. Je viens du milieu amateur mais je n’ai encore rien vu qui m’a vraiment choqué.

Texte : Laurent Pruneta – Twitter : @PrunetaLaurent

Photos : Paris Football-club

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