Amine Cherni, un international tunisien à Chambly

Formé au Paris FC, Amine Cherni (21 ans) a choisi de rejoindre Chambly (National 2) cet été plutôt que de découvrir le National avec le Paris 13 Atletico. International tunisien en U20 et chez les Olympiques, il veut construire sa carrière patiemment, en progressant, « sans brûler les étapes ».

Avec le FC Chambly Oise, samedi dernier, à Rennes, en National 2. (Photo Philippe Le Brech)

A 13 heures Foot, on aime bien retrouver des joueurs, aujourd’hui retraités, qui ont marqué leur époque ou leur club. Mais on regarde aussi vers l’avenir en dénichant quelques pépites.

Amine Cherni a 21 ans, il est latéral gauche et joue à Chambly (National 2) après avoit été formé au Paris FC (L2).
Contrairement à beaucoup de joueurs de sa génération, plutôt pressés, il a choisi de construire sa carrière patiemment, sans brûler les étapes.

Garçon posé et réfléchi, le titulaire d’un bac commercial qui a grandi et vit dans le XXe arrondissement de Paris, a pourtant déjà touché au très haut niveau international dans sa catégorie. Chose plutôt rare pour un joueur de National 2, il est en effet international, d’abord chez les U20 puis avec l’équipe Olympique de Tunisie. « Lors du dernier rassemblement en juin face à la Palestine, j’étais le seul joueur de l’équipe à évoluer dans un club amateur, sourit-il. Mais je ne m’enflamme pas parce que je suis international. Grâce à la sélection tunisienne , je me suis endurci mais je dois encore beaucoup travailler. »

En Tunisie, on parle déjà beaucoup de lui. Ses prestations l’an dernier avec le Paris 13 Atletico, en N2 (accession en National) et depuis le début de saison avec Chambly sont remarquées. « Amine Cherni, c’est un futur joueur de Ligue 2 au moins », glisse un observateur averti des championnats amateurs. Portrait-découverte d’un espoir de l’Oise à Tunis en passant par Paris.

« La sélection tunisienne, c’est une fierté »

Avec le FC Chambly Oise. (Photo Philippe Le Brech)

Au moins de juin, votre choix de quitter le Paris 13 Atletico avec qui vous êtes monté en National pour rester en National 2 à Chambly a beaucoup surpris.
Je sais… Au départ, mes parents, ma famille et certains de mes proches, n’ont pas compris. Ils étaient même déçus pour moi. Mais j’ai bien réfléchi. Ok, j’aurais pu jouer en National. Mais je savais que le Paris 13 Atletico allait recruter un joueur plus expérimenté à mon poste et j’aurais peut-être eu moins de temps de jeu et au final, j’aurais pu me perdre. Ce n’est pas du tout un manque d’ambition ni un choix financier. J’ai demandé des conseils à des anciens entraîneurs comme Abasse Chanfi (adjoint au FC 93 Bobigny et sélectionneur des U20 des Comores), que j’ai eu en U14 au Paris FC. C’est un peu un grand frère pour moi. Il sentait que je n’étais pas trop emballé par l’entretien que j’avais eu au Paris 13 Atletico.

Avec le FC Chambly Oise, samedi dernier, à Rennes, en National 2. (Photo Philippe Le Brech)

Que vous ont-ils proposés ?
J’avais une proposition pour rester mais c’était en mode bizarre, je ne l’ai pas trop senti. Ce que je voulais, c’est poursuivre ma progression sans me « cramer ». Je n’ai pas envie de brûler les étapes. Je n’ai qu’une seule vraie saison « seniors » derrière moi au Paris 13 Atletico. Ma génération a presque perdu un an et demi à cause du Covid avec les deux saisons arrêtées. Je suis encore jeune, j’ai encore une grosse marge de progression. Si je dois jouer un jour en National, c’est en étant un meilleur joueur avec davantage de bagages. Je n’ai pas envie de devenir un joueur qui fait la navette entre le National et le N2. Je veux gravir les échelons mais sans me presser. Et puis, je n’ai pas signé n’importe où. Chambly est certes en N2 mais ce n’est pas un club de N2. Je ne regrette pas du tout mon choix. Si c’était à refaire, je le referais.

« j’ai beaucoup appris avec Fabien Valéri »

Qu’est-ce qui vous a surpris à Chambly ?
Les infrastructures, c’est un truc de fou. Ça me rappelle ce que j’ai connu au Paris FC. On pourra bientôt jouer dans le nouveau stade, on a déjà découvert les nouveaux vestiaires. C’est top ! Par rapport au Paris FC et au Paris 13 Atletico où j’étais en quelques minutes à l’entraînement, j’ai maintenant plus d’une heure de trajet pour aller à Chambly. J’habite toujours chez ma mère dans le XXe, je me lève plus tôt (sourire) mais je suis vraiment content d’aller tous les matins à l’entraînement. Il y a pire comme vie…

Avec le Paris XIII Atletico, la saison passée, en National 2, club avec lequel il est monté en National. (Photo Philippe Le Brech)

A Chambly, vous avez retrouvé votre entraîneur en réserve du Paris FC et au Paris 13 Atletico, Fabien Valeri…
Il a forcément beaucoup compté dans ma venue. C’est mon formateur. C’est ma 5e saison avec lui, une en U17 Nationaux et deux en N3 au Paris FC, une au Paris 13 Atletico. C’est lui qui m’a fait découvrir le poste de latéral gauche alors que je jouais milieu en U17. Grâce au coach, j’ai découvert ce poste de défenseur, j’ai beaucoup appris au niveau tactique et mental. Il m’a fait progresser sur tout. En continuant avec lui, je savais que j’allais encore progresser comme l’an dernier au Paris 13. Il a joué en L2, il passe le plus haut diplôme d’entraineur (BEPF), il sait de quoi il parle.

Vous avez aussi retrouvé beaucoup d’anciens coéquipiers à Chambly…
Oui, j’ai connu Jean-Loïc Nolla, Lucas Valeri, Noé Masevo, Romain Bouvie et Isyakha Touré au Paris FC. Joël Saki était mon capitaine la saison dernière au Paris 13 Atletico. On a vraiment une bonne équipe.

« Au Paris FC, j’étais un peu bloqué »

Vous étiez au portes du groupe pro au Paris FC. Avez-vous été déçu de devoir partir en 2021 ?
Le Paris FC, c’est mon club. C’est le club de mon quartier, le stade Déjerine (où s’entrainent les jeunes), c’est à cinq minutes de la maison. J’étais un enfant du Paris FC. J’y suis resté dix ans, de 9 à 19 ans, ça marque forcément. Quand j’ai signé au Paris 13 Atletico, ça m’a fait bizarre de jouer avec un autre logo même si ça restait Paris. Bien sûr, j’étais déçu de devoir partir du Paris FC qui a beaucoup investi pour les jeunes. Mais en 2021, on me proposait juste de rester avec la réserve en N3. J’ai compris que je devais partir ailleurs pour réussir. C’est la vie. Je suis quelqu’un de patient. Aller au Paris 13 Atletico m’a déjà permis de gagner un niveau en passant du N3 à la N2.

Avec les U20 de la sélection nationale tunisienne.

Qu’est-ce qui vous a manqué pour signer pro selon vous ?
Lors de ma dernière saison au Paris FC, il y avait trois latéraux gauche très forts devant moi, Ali Abdi, Florent Hanin et Jaouen Hadjam. Il est plus jeune que moi mais lui avait déjà signé pro, joué en L2 et était en équipe de France U18. Forcément, c’était compliqué pour moi de me faire une place dans le groupe pro. J’étais un peu bloqué. Jaouen, c’est un top profil. Il a déjà le niveau L2. Lui et Ousmane Camara (qui a signé pour 1,2 millions à Angers en août) étaient vraiment au-dessus. Ousmane est très grand, il est arrivé tôt en L2. C’est un profil rare qu’on ne voit pas à chaque coin de rue. Moi, j’étais encore loin d’eux au Paris FC.

Au Paris FC, vous avez fait la connaissance d’Ali Abdi, l’international tunisien. Il a aussi joué un rôle important pour vous…
Oui. Un jour, il est venu me voir à l’entraînement pour me dire qu’il connaissait bien le sélectionneur des U20 tunisiens Maher Kanzari, qu’il lui avait parlé de moi et que j’étais suivi. En décembre 2019, j’ai été convoqué pour un stage au Japon puis j’ai disputé la Coupe Arabe U20 en Arabie Saoudite en mars 2020. On est allé en finale.

Ali Abdi, c’est un modèle pour vous ?
On joue au même poste. Donc oui c’est un exemple. Je le suis à Caen et avec la sélection. Il est puissant, endurant. Physiquement, c’est un monstre. J’espère m’inspirer de lui.

« Je ne vais pas me la raconter parce que je suis international »

Avec les U20 de la sélection nationale tunisienne.

Qu’avez-vous ressenti lorsque vous avez été sélectionné pour la première fois avec la Tunisie ?
Ma mère est née à la Marsa (banlieue nord de Tunis) et mon père au Kef (Nord-Ouest du pays), je suis très fier de mes origines tunisiennes. J’y vais toujours en vacances, j’ai toute ma famille là-bas. Depuis tout petit, je regardais la CAN avec mon père, supporter de l’Espérance de Tunis, et mon grand frère, pour encourager la Tunisie. C’est un immense honneur de porter ce maillot. Quand j’ai été appelé, ça a été une belle surprise. On avait caché la convocation à mon père, il n’y croyait pas, il était ému…

Jouer en National 2 et être international, c’est rare…
C’est une fierté. La sélection tunisienne m’a donné plus de visibilité. Mais je ne vais pas me la raconter parce que je suis international. Encore une fois, je n’ai qu’une saison seniors derrière moi. Je raisonne à long terme. La sélection tunisienne est toujours dans un coin de ma tête. Mais je dois d’abord faire une saison complète avec Chambly.

Quelles sont vos prochaines échéances avec la Tunisie ?
La saison dernière avec la sélection olympique, j’ai joué deux fois contre la France puis contre la Palestine. En mars 2023, il y a la CAN U23. Pour l’instant, je n’ai pas trop eu de nouvelles de la Fédération tunisienne. Mais je suis le seul joueur en sélection olympique à être dans un club amateur. Donc ça serait compliqué pour moi de rater un mois de compétition avec Chambly. On verra bien. Je n’y pense pas encore. L’objectif et le rêve, ce serait bien sûr la sélection A. Je vais bosser pour ça. J’ai 21 ans, je suis encore dans les temps. En toute humilité, j’aimerais être à la CAN 2026.

Le 30 novembre, il y a France-Tunisie à la Coupe du Monde…
Je vais forcément supporter la Tunisie en famille. Dans le groupe C, le plus fort, c’est le Danemark. Moi, je vois un nul de la Tunisie face à la France, puis une victoire contre l’Australie. Comme ça, la Tunisie sera au 2e tour. J’y crois. Il y a Hannibal (Mejbri) qui vient aussi du XXe arrondissement et du Paris FC. Il a fait un bon choix en étant prêté par Manchester United à Birmingham. C’est le leader de la nouvelle génération tunisienne pour les années à venir. Il y a beaucoup de jeunes. J’espère être aussi avec eux dans quelques saisons. Je ferai tout pour y arriver.

Amine Cherni, du tac au tac

Première fois dans un stade ?
Je devais avoir 5-6 ans. Mon père m’avait emmené au stade du quartier dans le XXe arrondissement.

Meilleurs souvenirs de joueur ?
La montée en National avec le Paris 13 Atletico au mois de mai dernier et la Coupe arabe U20 en mars 2020 avec la Tunisie en Arabie saoudite. On avait battu l’Irak, la Mauritanie, l’Algérie et le Maroc. On s’était qualifié pour la finale.

Pire souvenir de joueur ?
Le meilleur souvenir s’est transformé en pire… Toujours à la Coupe Arabe U20, je dirais la défaite en finale contre le Sénégal. On perd 1-0.

Une manie, une superstition ?
J’ai mes habitude, je me fais masser avant le match et j’écoute de la musique, surtout du rap français comme Ninho et Jul.

Le geste technique préféré ?
La feinte semelle.

Le joueur le plus fort que tu as affronté ?
Il y en a plusieurs mais je dirais Pape Mattar Saar qui évolue actuellement à Tottenham. C’était en finale de la Coupe Arabe avec le Sénégal.

Le joueur le plus fort avec qui tu as joué ?
Noé Masevo. Au Paris FC et maintenant à Chambly.

Les entraîneurs qui t’ont marqué ?
Fabien Valéri bien sûr. Et aussi Samir Gueza en U16 et U17 DH au Paris FC. Ce sont deux entraîneurs qui ont beaucoup contribué à ma progression.

Ton club ou équipes préférées ?
Moi, je supporte le Real Madrid. En France, j’aime bien suivre Lyon, Paris SG et Marseille. En Tunisie l’Espérance de Tunis.

Ton joueur préféré ?
Mon joueur préféré est Cristiano Ronaldo. A mon poste, j’ai un modèle, Marcelo.

Un stade mythique ?
Santiago Bernabeu.

Un pays ?
L’Espagne car c’est un pays où le jeu est axé sur la technique, le beau jeu.

Tes amis dans le milieu du foot ?
Grâce au foot j’ai rencontré des amis avec qui je partage de très bonne relation en dehors. J’en ai beaucoup. A Chambly, je m’entends bien avec tout le monde. Je suis un peu plus proche de Noé (Masevo), Lucas (Valeri) et et Isyakha (Touré).

Activités pratiquées en dehors du foot ?
Sortir pour aller manger, regarder des match de foot et faire des siestes.

Texte : Laurent Pruneta / Mail : lpruneta@13heuresfoot.fr / Twitter ; @PrunetaLaurent

Photos : Philippe Le Brech