Le leader de la poule B semble filer tout droit vers le National mais la concurrence est rude avec un avion de chasse lancé à ses trousses, Bordeaux. Et si c’était la bonne année pour l’USSM ? Entretiens avec Gwen Corbin, le coach, et Fabrice Rolland, le DG.
Par Anthony BOYER / Photos : Philippe Le Brech
(Reportage réalisé avant la défaite, la première en championnat, face au Stade Briochin à Marville, 1-2). Et à la fin, s’il ne reste qu’un seul club invaincu dans les cinq premières divisions françaises, ce sera peut-être l’US Saint-Malo ! Pour l’heure, les Malouins partagent ce « titre » symbolique, honorifique, avec le PSG (!) et Rousset, un club de National 3 situé à côté d’Aix-en-Provence (Rousset s’est incliné pour la première fois de la saison ce samedi 18 janvier, 3-2 à Alès). Jusqu’à la semaine dernière, ils étaient quatre. C’était avant que le FC Fleury 91 (N2) ne s’incline à domicile face au FC 93.
Rester invaincue, l’USSM se doute bien que cela sera compliqué, mais l’essentiel est ailleurs : 2e de N2 la saison passée derrière l’ogre Boulonnais, 5e il y a 2 ans, l’équipe entraînée par le « régional » Gwenaël Corbin, arrivé en février 2022 après 21 ans passés à la tête du FC Guichen (prononcez « Guichain »), au sud de Rennes, est sur une phase de progression dont la finalité logique serait d’accéder, pour la première fois de son histoire, en National.
A Blois, juste avant Noël, sur un terrain « difficile », les Bretons ont été menés au score mais ont su puiser dans leurs réserves pour égaliser, et partir en vacances sur une bonne note, bien installés en tête de la poule, avec 32 points en 14 matchs (2,3 points par match), avec 7 points d’avance sur Saint-Pryvé / Saint-Hilaire et 8 sur Bordeaux*. La fusée a décollé !
*Battue à domicile samedi 18 janvier par Saint-Brieuc, l’USSM compte désormais 5 points d’avance sur les Girondins, vainqueurs dans le même temps 2 à 0 face au Poiré.
La semaine dernière, le premier de leur deux matchs d’affilée à domicile, face à leur dauphin, a été reporté, la faute aux conditions météorologiques (le match contre St-Pryvé aura lieu samedi 1er février à 18h). Du coup, ce samedi, à 18h, ils recevront une équipe de Saint-Brieuc qui se présentera au stade de Marville avec le désavantage d’avoir livré une bataille mercredi en 16e de finale de coupe de France contre Annecy (qualification pour les 8es de finale aux tirs au but !). Forcément, la fraîcheur sera un élément à prendre en considération face à l’adversaire qui les avait éliminés de la coupe, au 8e tour, aux tirs au but.
Souvent placé, jamais gagnant, Saint-Malo veut capitaliser sur des années passées à construire et structurer. Et si demain le National arrive, le club sera prêt. Il veut aussi en finir avec cette réputation liée au contexte : parce qu’ici, la vie sur la Côte d’Emeraude est, comment dire, paisible. Propice au farniente, à la flânerie et à la rêverie. Saint-Malo, ville corsaire et historique, c’est le tourisme, les remparts, les balades intra-muros dans la citadelle, la mer, un panorama à couper le souffle… De quoi se « laisser vivre ». « Mais heureusement, à Saint-Malo, on travaille aussi beaucoup, coupe d’emblée Fabrice Rolland ». Le directeur général du club, arrivé en 2017, veut en finir avec ces raccourcis : le joueur ne vient pas ici en « vacances » ou en « touriste » !
Pour 13heuresfoot, « Gwen » Corbin et Fabrice Rolland se sont exprimés avant le premier match officiel de l’année 2025 contre Saint-Brieuc.
Fabrice Rolland : « Un club, c’est une histoire d’hommes »
Directeur général depuis 5 ans mais présent au club depuis bientôt 8, où il est arrivé au poste de directeur administratif et financier, Fabrice Rolland (52 ans) a eu une vie avant le foot, même s’il était déjà dirigeant d’un club amateur entre Grenoble et Valence, à l’US Chattoise, à côté de Saint-Marcellin, en Isère, le département dont il est originaire. « Je connaissais les rouages du foot même si ce n’était pas au même niveau qu’à Saint-Malo, déroule-t-il; j’ai un parcours de chef d’entreprise, plutôt manager d’entreprise – Il a été directeur d’un centre de profit en services aux entreprises de 200 salariés sur 3 départements, et aussi directeur et gérant d’une société de sous-traitance industrielle de 40 salariés –, mais cet amour du football m’a guidé ».
« Un choix de vie »
Son arrivée à Saint-Malo ? « Un choix de vie ». Un choix de… seconde vie même. « Pour des questions personnelles et de souhait. Je voulais mêler expérience de management d’entreprise avec ma passion et ma connaissance du foot. Avant, j’étais dans un grand groupe national, dans les métiers de service, puis je suis retourné à la faculté de Lyon à l’âge de 43 ans pour y passer une licence de management des organisations sportives. Je me suis retrouvé avec quelques personnes comme moi, en reconversion, et avec des jeunes étudiants. Mais je n’étais pas en quête d’un diplôme : ma présence sur les bancs de la fac avait un sens. J’étais en quête de rencontres, de réseau, de concepts, d’outils, de connaissances. Je venais de perdre mes deux parents, c’était un cheminement personnel, intime même. Vous savez, la vie est constituée d’étapes. Là, cela a été une sorte de révélation avec une motivation très forte de ma part. »
« Se confronter aux enjeux du foot »
Ce goût pour le management, les organisations sportives, le développement et la structuration, il veut le mettre au service d’un club de football. « J’avais une attirance pour ce domaine-là. Je voulais me confronter à tous les enjeux du foot. L’année en fac a été riche. La finalité, c’était de savoir ce que j’allais faire de cette licence. J’avais développé une activité de conseil auprès des organisations sportives, sur la région Rhône-Alpes, avec l’objectif d’intégrer un club de foot en tant que salarié, de participer à un projet de niveau « national », dans un club qui avait de l’ambition, qui était déjà structuré, avec à sa tête des dirigeants sérieux, solides, chefs d’entreprises. Ce portrait-robot que j’avais dressé, je l’ai retrouvé dans l’annonce que j’ai découverte quand Saint-Malo s’est mis à la recherche d’un DAF ». Et voilà comment Fabrice Rolland s’est retrouvé en Ile-et-Vilaine, à près de 1000 kilomètres de chez lui ! « L’USSM cochait beaucoup de cases. J’ai postulé. Et j’ai mis les pieds pour la première fois à Saint-Malo en février 2017 ! Cela va faire 8 ans. »
Fabrice, comment décrirais-tu le club, en quelques mots ?
L’USSM compte un peu moins de 500 licenciés, avec deux équipes Elite, la N2 chez les garçons et la Seconde Ligue chez les filles. Il s’appuie sur un double projet masculin-féminin. Le club a 30 ans de présence dans le foot féminin et un véritable ADN pour ça. C’est un club qui se structure, qui poursuit son développement et sa professionnalisation. On a 54 contrats de travail dont 18 pour le staff administratif et la staff sportif, sachant que le staff sportif, c’est 14 salariés pour la N2, la Seconde Ligue et la formation. On a une structure assez légère sur la fonction support, avec un alternant en plus. On a investi sur la formation afin de tendre vers un projet pro, vers un meilleur niveau sportif chez les jeunes où, pour l’heure, nos équipes évoluent au niveau Régional. L’objectif est de les former pour les emmener ensuite vers l’équipe réserve, actuellement en tête de sa poule en Régional 1. La réserve, championne de son groupe en R1 la saison passée, est composée à 60 % de jeunes formés au club; le reste provient d’un recrutement plutôt régional. Chez les féminines, notre réserve est aussi en R1. »
« Ici, il y a une attente »
Une équipe N2 chez les garçons, une autre en Seconde Ligue chez les filles : vous avez peu d’équivalents en France…
Il y a aussi le FC Fleury 93, avec les garçons en N2 mais les féminines sont en D1 Arkema. Nous, on arrive juste derrière. Sans oublier Thonon-Evian, même si les garçons sont descendus en N3. C’est du haut niveau dans sa globalité d’offre.
Comment se passe la cohabitation filles/garçons ?
L’acceptation voire l’adhésion du football féminin ne va jamais de soi. Ce n’est jamais évident. On a beaucoup travaillé là-dessus et progressé en interne. Il faut dire aussi que tout se passe sur un même lieu et ça, c’est très positif et propice à l’ouverture vers le foot féminin. Tout le monde se croise, les gens, les staffs, les joueurs et les joueuses se parlent, échangent… Le projet féminin a du coup gagné en légitimité de par cette proximité. Le risque, dans nos structures, est de penser que l’un joue contre l’autre, que l’un va au détriment de l’autre : parfois, c’est des questions que l’on a pu avoir. On a essayé de lever ces doutes-là, avec une approche budgétaire analytique. On a développé le modèle économique féminin pour que les deux budgets soient indépendants, pour que l’un ne pèse pas sur l’autre. Cela a aidé à favoriser une cohabitation saine, à favoriser les passerelles, même si je pense qu’il faut toujours faire un peu plus. On voit bien aujourd’hui que dans certains projets professionnels, quand des difficultés économiques se présentent, la variable peut vite devenir le foot féminin. Mais notre lieu unique a certaines limites, comme comme le manque de terrains ou de disponibilités.
Récemment, un classement a montré que l’USSM était, avec 1500 spectateurs de moyenne, la 2e affluence de National 2 derrière Bordeaux…
A Saint-Malo, il y a une attente. On a un vrai stade de foot, qui a une âme, avec une belle atmosphère. On a un public qui est fidèle, familial, qui peut certes manquer de ferveur dans les encouragements, avec des spectateurs plutôt que des supporters, mais au fond d’eux, ils ont cette vraie passion pour leur club. C’est juste qu’ici, les gens l’expriment moins. Cela tient du fait de la sociologie de la ville, de l’environnement propre au territoire. On est vraiment sur une terre de football, il y a une vraie passion qui est plus de l’ordre de l’intime, avec une vraie fidélité, un public qui s’élargit au gré des rendez-vous, comme contre Dinan-Léhon, le derby qui attire beaucoup de monde, ou alors la venue de Bordeaux, qui va plus s’apparenter à un public de coupe de France, comme on l’a vu (2500 contre les Girondins en novembre dernier). On a une croissance de notre audience due aussi à nos résultats – le succès attire le succès -, ce qui permet de gagner 10 ou 20 % de public. On a vu un public un peu plus jeune contre Avranches aussi, la tribune a fait un peu plus de bruit. Et puis, il y a ce que dégage l’équipe, une vraie solidarité, un vrai engagement, une vraie force collective, tout ça combiné à du jeu… Parce qu’ici, les gens aiment voir du foot un peu léché mais avec de l’engagement. Cela correspond aux valeurs d’une ville portuaire, où il y a une vraie identité, une vraie histoire. Les gens peuvent se reconnaître dans cette équipe, dans ces mecs qui donnent sur le terrain.
« Notre engagement pour le foot féminin est fort »
Et l’affluence chez les filles ?
C’est plus difficile, on fait 100 ou 200 personnes quand on en fait 1300 ou 1400 chez les garçons. Pourtant, on essaie de promouvoir les matchs mais on pâtit d’un programme assez aléatoire, on joue le dimanche, parfois à midi, parfois à 13 h ou 14 h 30, on s’adapte aux demandes adverses pour des questions de logistique (transports), ce sont d’ailleurs des demandes que nous faisons également quand on se déplace. Il n y a pas de rendez-vous clé comme en National ou en N2, et puis, je le disais, il faut faire plus. On a 27 % de nos licenciés qui sont des féminines et on approche les 25 % de budget, donc le poids et l’engagement du foot féminin à l’USSM est fort, alors que dans les clubs pros, même si les échelles de grandeur ne sont pas les mêmes, c’est plutôt de l’ordre de 1 à 3 %.
Justement, quel est le budget de fonctionnement du club ?
Il est de 2,9 millions d’euros cette année. On a dû aller chercher 300 000 euros de budget supplémentaire afin d’accéder en Seconde Ligue féminine et au regard des contraintes du cahier des charges, qui sont fortes : on a notamment triplé notre budget déplacement sur la Seconde Ligue.
Est-ce que tu as un modèle de club ?
J’aime bien m’inspirer, regarder ce qui se fait ailleurs, mais transposer des modèles, c’est difficile, parce qu’un club, c’est une histoire d’hommes et de contexte. Notre quête, c’est de créer notre propre modèle, sans fausse modestie mal placée. C’est pour cela que l’on travaille à structurer le club qui, je le rappelle, est porté dans son budget à 75 % par 220 partenaires privés, ce qui est énorme. Et puis, il ne faut pas oublier que ce club est aussi porté par deux hommes qui sont arrivés il y a 18 ans, Roland Beaumanoir, le président d’honneur, et Yves Fantou, le président du conseil d’administration. Les bases sont là. Le budget, porté par un tissu économique qui nous permet d’avancer dans notre projet, est en progression d’année en année. C’est pensé et réfléchi.
« On est focus sur les 16 dernières étapes »
Ne pas monter en National en fin de saison serait un échec ?
Je ne veux pas envisager ce scénario-là, parce qu’on travaille pour ça. Idem pour la défaite, que l’on essaie de sortir de notre logiciel : on l’a vu à Blois avant Noël, où les gars sont allés chercher le match nul dans des conditions difficiles, sur un terrain difficile. On est invaincu, c’est une très bonne chose. Mais on a une concurrence particulière cette année avec l’arrivée dans notre poule d’un club exceptionnel, Bordeaux. On a fait une première partie de saison exceptionnelle et très forte en termes de ratio points / match (2,30). On sait que tenir toute la saison sera difficile mais c’est notre objectif, il reste 16 étapes, on est focus là-dessus.
On voit bien que la progression est constante depuis l’arrivée de Gwen Corbin, en février 2022 : est-ce à dire qu’il y a eu des erreurs de casting avec les coachs précédents, on pense à Grégory Poirier et Fabien Pujo ?
L’élément de contexte est toujours très important pour comprendre une réussite ou une non réussite. C’est valable pour un joueur aussi. C’est une question de temporalité, de lieu, d’hommes, d’environnement… Pour en revenir aux expériences de Greg et de Fabien, on a bien vu que ces garçons-là ont réussi ailleurs, à d’autres moments, dans d’autres contextes. Il y a eu des éléments qui ont mal été appréhendés, par nous. Mais c’est plus complexe qu’une erreur de casting. Est-ce que c’était le bon moment, le bon contexte, la bonne approche, les bonnes décisions pour accompagner leur arrivée ? Il faut analyser en interne ces choses-là, prendre du recul. Mais au-delà des coachs, il y a eu aussi un recrutement de joueurs qui a été beaucoup plus large, un gros renouvellement d’effectif, ça aussi, ce sont des éléments de contexte, et quand l’alchimie ne se créé pas, les choses deviennent beaucoup plus difficiles. Et dans ces moments-là, peut-être que l’approche culturelle peut avoir son incidence. C’est multi-factoriels. La Covid est arrivée quand Greg était là, donc l’expérience n’a pas été aboutie. Et avec Fabien, il y a eu beaucoup de personnes aussi qui sont arrivées d’horizons divers, de renouvellement d’effectif. L’alchimie a aussi été très dure à obtenir et là, l’élément de connaissance de l’environnement, que cela soient les suiveurs, le public, les partenaires, les dirigeants, et bien tout cela fait que quand on a moins d’histoire commune, cela peut être plus difficile dans les moments tendus.
« Etre bien dans un environnement est facteur de performance »
Toi aussi, à titre personnel, tu as rencontré des difficultés d’adaptation ?
J’ai eu une adaptation très facile. On est dans un environnement très sain, avec des hommes à la tête du club qui m’ont très rapidement accordé leur confiance et donné de l’autonomie au quotidien, c’est facilitateur. Et puis il y a une qualité de vie appréciable à Saint-Malo.
Justement, cette qualité de vie n’a-t-elle pas été un frein aux ambitions du club ?
C’est vrai que cela pose parfois des interrogations, parce que la qualité de vie de vie ici est telle que l’on peut penser qu’il y a un risque de tranquillité. Moi je pense justement qu’être bien dans un environnement est un facteur de performance. Quand on est joueur, qu’on est en couple, que l’on a déjà une petite famille, arriver à Saint-Malo est un facteur favorisant la performance, même s’il y a d’autres leviers à aller chercher par rapport à d’autres environnements « plus durs »; à Saint-Malo, l’environnement est différent : il faut aller chercher la motivation. Mais être dans un club sain, structuré, où les gens sont solides, y compris quand on joue le maintien en N2 à la dernière journée comme il y a 3 ans, c’est un plus.
Cette solidité et cet environnement doivent être un facteur de réussite et de performance collective, de développement du club pour porter le projet que l’USSM mérite. A Saint-Malo, il y a une forme de citoyenneté qui se perd ailleurs, dans la société. C’est un environnement propice et sain. C’est comme ça que je le ressens. Quand on recrute, il faut tenir compte du contexte. Il y a vraiment des éléments multi-factoriels qui viennent conditionner la durée ou la réussite ou non d’un projet.
Ces éléments, vous les avez pris en compte au moment de choisi Gwen Corbin en février en 2022 ?
Son arrivée a aussi été un choix de revenir à des fondamentaux, de s’appuyer sur quelqu’un qui connaît bien l’environnement régional, qui a une fraîcheur dans ce milieu, parce qu’il a tout fait et tout construit, patiemment, à Guichen, où il a surperformé. Son engagement est total, et ça, on le trouve moins chez certains profils. Etre rattaché au territoire, à l’identité et à la connaissance de l’environnement, c’est un des facteurs de performance.
Gwenaël Corbin :
« Maintenant, il va falloir surperformer ! »
Au stade de Marville, tout le monde l’appelle « Gwen ». « Même moi, j’ai l’impression de m’appeler Gwen ! Et quand on m’appelle Gwenaël, ça me fait bizarre » plaisante l’entraîneur malouin (50 ans), arrivé à l’USSM en février 2022 pour une opération maintien.
Le parcours du natif de Granville, dans la Manche, est assez simple : il joue jusqu’à l’âge de 14 ans dans le club de sa ville puis part au centre de formation de Rennes, qu’il ne quittera plus : « Je me sens plus Rennais que Granvillais. D’ailleurs, j’habite toujours à Rennes ».
Au Stade Rennais, le numéro 8 est aspirant, stagiaire-pro puis pro : « Je suis resté jusqu’à l’âge de 21 ans, avec une deuxième partie de saison en 1994-95 et une autre en 1995-96 comme pro. J’ai eu Yves Colleu, un très bon formateur, Patrick Rampillon, le directeur du centre, ou Michel Le Milinaire. A 17 ans, je faisais mes premiers matchs en réserve, en Division 3 à l’époque. »
Titulaire à une seule reprise en Division 1, à La Meinau, contre Strasbourg, en août 1995 (défaite 3-1), aux côtés de Wiltord, Carteron, Ziani ou encore Cyprien, ils quitte le club breton en 1996 pour Angoulême, en National. Mais des blessures à répétition mettent prématurément un terme à sa courte carrière, laquelle se dessine rapidement du côté des bancs de touche. « A Angoulême, j’arrêtais, je reprenais, je me refaisais mal… J’ai dû arrêter. »
Il tente une dernière expérience en CFA, à Pontivy, où il rejoint un pote croisé au centre à Rennes, Gilles Séro : « J’ai essayé de reprendre là-bas, mais je n’ai pas joué, ou très peu ».
Le magicien du FC Guichen, où il a passé 21 saisons, s’est confié sur ses presque trois ans à la tête de l’équipe de National 2 de l’USSM, qu’il avait rejoint en cours de saison, en février 2022, en remplacement de Fabien Pujo. Les « Diables noirs » étaient alors en grosse difficulté dans leur championnat – premier relégable – et ne s’étaient maintenus qu’à l’ultime journée. Depuis, le club surfe sur la vague des bons résultats (5e en 2023, 2e en 2024, 1er à la trêve cette saison). Entretien avec un grand bavard qui, étonnamment, avoue ne pas avoir une grande confiance en lui…
Gwen, un seul match en D1 : que vous a-t-il manqué pour faire une carrière pro ?
Sur la fin à Rennes, j’ai eu un gros problème au nerf sciatique, qui a duré 2 ans. C’est une des raisons. De toute façon, je pense que je serais arrivé à maturité sur le tard, comme disaient mes entraîneurs, car je n’avais pas une grosse confiance en moi même si j’avais des qualités. J’ai signé à Angoulême en National à 21 ans mais je me suis claqué sept fois car mon nerf s’est aggravé, j ‘ai arrêté deux ans, j’ai vu des dizaines de médecins et spécialistes, je l’ai vécu comme un deuil, parce que j’étais passionné de foot, je ne pouvais pas faire un footing, rien. Passer de quasiment dix séances par semaine à ne plus pouvoir faire du sport, ni même conduire, ou alors en mettant la jambe gauche sur la pédale d’accélérateur plutôt que la jambe droite parce que la douleur est là… c’est difficile. Mais ça m’a forgé mentalement et ça me sert encore aujourd’hui, dans les moments difficiles. Cela a été dur aussi au niveau psychologique parce que quand on fait du sport, on sécrète des hormones, et là, mon corps me réclamait quelque chose que je ne pouvais pas lui donner, et ça me rendait dingue.
C’est pour ça que, très tôt, vous avez passé vos diplômes pour devenir entraîneur…
Oui. Parce que j’ai compris que jouer au foot serait derrière moi. C’est juste dommage car je n’ai pas pu profiter de tout ce que j’ai appris pendant mes années de formation. Après, je ne sais pas quelle carrière j’aurais fait. J’avais des qualités techniques, des qualités de perception de lecture du jeu aussi mais peut-être que j’aurais été freiné sur le plan athlétique. Mais comme ma passion, c’est le foot, dans ma tête, c’était clair : j’avais une appétence pour le coaching. Quand j’étais jeune, les coachs s’appuyaient déjà sur moi pour faire le relais et moi, j’avais ce regard sur les séances, j’essayais de percevoir où les entraîneurs voulaient en venir, comment ils les emmenaient à réussir les exercices… En fait, j’avais cette envie de transmettre.
Imprégné du Stade Rennais
Malouin d’adoption et Rennais de coeur ?
Rennais d’adoption ! Le Stade Rennais est mon club de coeur, quasiment le seul que j’ai vraiment connu, donc évidemment je le suis depuis une trentaine d’année. Mon épouse est Rennaise, je l’ai rencontrée quand j’avais 17 ans. Je me sens complètement rennais, je regarde les matchs, j’en rate très peu, et dès que je peux, je vais au Stade, je connais toute l’histoire du club depuis 1988, quand j’y suis arrivé !
Du coup, les coachs côtoyés, notamment au Stade Rennais, sont source d’inspiration…
Inconsciemment, ce sont des choses qui restent, c’est évident, j’ai été imprégné. J’ai pris le coté joueur de Colleu, la proximité et la façon qu’il avait de parler à ses joueurs. J’ai pris aussi de l’exigence de Rampillon, j’en ai laissé aussi (rires) ! Mais on doit aussi rester soi-même et c’est pour ça que je me documente, que je m’informe. Il faut garder son naturel même s’il y a des choses à prendre partout. De la à dire que j’ai fait un copier-coller des coachs que j’ai eus, non.
Avant votre arrivée à Saint-Malo, vous avez passé 21 ans au FC Guichen. 21 ans, c’est rare…
En fait, quand j’ai arrêté de jouer pour passer mes diplômes, j’ai eu la possibilité d’intégrer le centre de formation de Rennes comme éducateur, même si je souhaitais plutôt prendre un club où il n’y avait pas grand-chose afin d’en faire quelque chose. Je voulais construire, avoir un peu les mains libres : à 25 ans, Patrick Medjo, avec qui je passais mes diplômes, me dit que Guichen cherche quelqu’un, et c’est parti comme ça !
A votre arrivée au FC Guichen, vous n’avez pas immédiatement pris en charge les seniors…
Non, je faisais deux séances U11, deux séances U13, etc. J’ai vraiment commencé par la base. J’ai pris les seniors en 2003-2004. Quand je suis arrivé, en 2001, le club était au niveau équivalent du Régional 3 aujourd’hui, on est allé deux fois jusqu’en CFA2 (N3).
« A Guichen, je me suis peut-être un peu sacrifié »
21 ans, tout de même, c’est long. N’avez-vous jamais songé à partir ?
Je me suis posé plusieurs fois la question. On me disait souvent « c’est dommage, tu as des qualités pour entraîner au-dessus »… Bon, moi, je ne suis pas quelqu’un qui a une grande confiance en lui. Entraîneur, il ne faut pas croire, ce n’est pas toujours facile. Donc j’ai toujours privilégié l’aspect familial, voilà. C’était mon choix. Je me suis peut-être un peu « sacrifié », et encore, ce mot est un peu fort, mais je ne voulais pas que le foot devienne une priorité, parce que je connais le fonctionnement de ce milieu. Cela m’a peut-être couté un poste ailleurs, même si j’avais quand même identifié quelques clubs pas trop loin de Rennes, susceptibles de m’intéresser. Il y en avait très peu.
A Guichen, c’était la galère à chaque fois qu’on est monté en N3; par exemple, j’avais 100 euros à donner aux joueurs… Il fallait que j’arrive à les convaincre, à les faire progresser. Je m’étais toujours dit que si je devais changer de club, ce serait pour éviter la galère si on devait être amené à monter. C’est pour ça que Saint-Malo m’intéressait. C’est un très bon club, structuré, à travers les gens qui sont en place et qui, je pense, peut évoluer et accompagner un projet.
A votre avis, pourquoi Saint-Malo a pensé à vous en 2022, quand ça allait mal ?
Il faudrait poser la question aux dirigeants (rires) ! Quand je suis arrivé le 15 février 2022, le club était dans une situation sportive extrêmement compliqué, l’ambiance était particulière, tous les joueurs ne s’appréciaient pas forcément, il y avait eu des erreurs de casting.
« Le club a dû faire des choix humains pas simples »
Vos deux prédécesseurs n’étaient pas des « régionaux » : vous pensez que cela a joué dans leur intégration ?
Fabien (Pujo) venait du sud de la France, Grégory (Poirier) aussi. Après eux, le club avait peut-être besoin de retrouver quelqu’un du sérail, de la région, qui allait essayer de ramener un peu de sérénité là-dedans. Il devait y avoir un peu de ça. Parce que je sais que les staffs précédents avaient subi quelques critiques, et pourtant, on sait très bien que Fabien et Greg sont deux très bons entraîneurs, la preuve aujourd’hui. Mais l’environnement n’est pas simple à appréhender à Saint-Malo. C’est un club avec 220 partenaires privés, c’est énorme, dont des entreprises très importantes.
Il y a une section féminine aussi, avec des choix de clubs à faire, des gens qui sont pour le foot masculin, d’autres pour le foot féminin. Cela fait 13 ans que le club est en N2, il y a eu une attente, peut-être qu’il y a eu des erreurs de communication, qu’on est passé pour un club très ambitieux, parce que parfois on a parlé trop haut, mais c’était aussi un problème d’interprétation. Et puis, au club, derrière, il y a monsieur Roland Beaumanoir (fondateur et PDG du groupe éponyme, géant français de la distribution mode, prêt à porter et textile), donc ça fait parler. Le club a dû faire des choix humains aussi (joueurs, staff, dirigeants) pas toujours simples mais indispensables afin de travailler dans la sérénité. Parce que l’intérêt du club doit rester au-dessus de tout.
J’ai cet avantage, par rapport à certains entraîneurs, c’est que je me suis formé par moi-même. J’ai toujours beaucoup donné. Je suis allé chercher les informations. Je connais les composantes d’un club de A à Z. Je sais que les bénévoles sont importants, je sais comment fonctionnent les partenaires, les éducateurs, le respect doit être partout, et c’est souvent ce qu’on oublie, or ça vaut de l’or… J’ai fait cette démarche d’intégration, c’est tellement important : si je n’avais pas fait tout ça, je ne serais peut-être plus l’entraîneur de Saint-Malo. En fait, la clé d’un club repose sur l’entente entre le président, le directeur général et le coach, avec en plus, à Saint-Malo, un monsieur comme Roland Beaumanoir. On se fait tous confiance, on s’entend bien et c’est beaucoup plus important que plein de choses.
Et ce fameux « contexte » Saint-Malo, dont le club s’est affranchi…
C’est ça, on est bien à Saint-Malo, il y a la mer, la plage, les joueurs sont dans un cocon, un confort, on vit bien, c’est tranquille. Il y a tout ces aspects-là aussi : quand je suis arrivé, c’était le constat. Non mais sincèrement, aujourd’hui, l’ambiance est plus saine, plus sereine, même si je sais qu’en disant cela, au moindre mauvais résultat, on va me le renvoyer comme un boomerang. Quand je suis arrivé, je n’avais pas de légitimité, on a même dû se demander « c’est qui le guignol qu’on a mis là ? », et c’est normal, je n’avais jamais entraîné à ce niveau-là. Néanmoins, je pense que j’ai gagné en crédibilité et puis j’ai les mains totalement libres aujourd’hui.
« J’aime avoir une base solide »
Le style de votre équipe, c’est quoi ?
On est plutôt une équipe dominatrice, de possession, même si contre Bordeaux, le match auquel vous avez assisté, c’était moins ça. On rencontre beaucoup de blocs bas, on travaille là-dessus. On n’est pas du tout une équipe de contres. J’aime bien construire mon équipe à partir d’une base solide. Il faut un socle pour solidifier l’équipe et, une fois qu’on l’a trouvé, c’est toujours mieux d’avoir le ballon, on prend plus de plaisir. Donc si on peut avoir des joueurs de qualité pour faire des différences dans les 30 derniers mètres, c’est mieux. Je n’ai pas eu cette richesse-là à Guichen où je me suis toujours adapté. Ici, on a une équipe très joueuse, mais cela ne veut pas dire qu’elle ne doit pas courir (rires). Je dis ça parce que cela a souvent été le défaut de Saint-Malo (rires) !
Depuis votre arrivée, l’équipe ne cesse de progresser : comment l’expliquez-vous ?
En juin 2022, une fois le maintien assuré, on a gardé 5 joueurs de l’effectif sur 24 joueurs. Donc on a tout reconstruit. On a refait un effectif pour pas se faire peur, avec des joueurs ayant une certaine maturité. On a fini 5e. Puis on a renouvelé l’effectif d’un tiers la saison suivante afin de repositionner Saint-Malo dans un bon top 5 et on a fini 2e derrière Boulogne. Cette saison, on a changé 7 joueurs, on a un groupe avec des jouables fiables, bien humainement, qui ont progressé pour certains. Peut-être qu’il nous faut maintenant aller chercher ceux qui vont nous faire passer de la 2e l’an passé à la 1re place cette année (rires) ! (le club vient de s’attacher les services de l’attaquant du FC Versailles en National, Djibril Bangoura, Ndlr)
Dans votre poule, on ne parle que de la concurrence de Bordeaux, alors que Saint-Pryvé est votre dauphin et réalise une saison exceptionnelle…
Saint-Pryvé, on l’a vu avec Baptiste (Ridira, aujourd’hui à Dijon, en National) les saisons précédentes, et on le voit cette saison avec Mathieu Pousse, qui était son adjoint, fait un travail remarquable. Il est dans la continuité. Ils font toujours des bons coups dans le recrutement et ils arrivent à conserver des joueurs importants. Et puis, quand je vois leur milieu de terrain, avec Fortunato, Gope-Fenepej, Galas, et devant, Mendes et Gautier (il cite les joueurs un par un), waouh, c’est pas mal ! Ils ont toujours une bonne base derrière, ils maîtrisent leur 4-4-2 losange à la perfection, ils ont de la régularité, de la stabilité, ils sont malins. Et ils prennent beaucoup de points à domicile, parce que le contexte est particulier là-bas : on en parle souvent entre nous, ce n’est pas le terrain le plus agréable à jouer. Avec Blois, ce sont les deux terrains les plus difficiles.
Ne pas monter en National en fin de saison, ce serait une déception ?
Euh… sincèrement oui. On tourne à une moyenne de points qui est supérieure à 2,28, c’est énorme, donc si le championnat s’était arrêté aujourd’hui, on mériterait de monter, mais on a un avion de chasse derrière nous aussi (Bordeaux), qui continue de recruter, et qui va finir la saison avec un effectif qui n’a rien à faire en National 2, la réalité elle est là. Donc voilà. On a performé jusqu’à maintenant, mais j’ai envie de dire qu’en deuxième partie de saison, il va falloir surperformer, waouh ! Parce qu’on n’est pas dans un championnat normal, de par la présence de Bordeaux. Mais il va quand même falloir venir nous chercher !
Samedi 18 janvier 2025 à 18h – championnat de National 2 (journée 16) : US Saint-Malo – Stade Briochin, au stade de Marville, à Saint-Malo.
Texte : Anthony BOYER / Twitter @BOYERANTHONY06 / mail : aboyer@13heuresfoot.fr
Photos : Philippe Le Brech
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