Adjoint de Jean-Luc Vasseur en début de saison jusqu’à l’éviction de ce dernier, l’ancien joueur pro, déjà passé sur un banc à Bourgoin-Jallieu et Andrézieux, vit sa première expérience d’intérimaire. Il retrace son parcours et décrypte sa vision du métier.
Par Joël Penet – Photo de couverture : Philippe Le Brech
Après une carrière professionnelle qui a démarré à l’Olympique Lyonnais, Jérémy Clément (40 ans), né à Béziers (Hérault), a grandi en Isère avant de rejoindre la prestigieuse école de l’OL à 13 ans. Le milieu de terrain, qu’on a pu comparer à Zidane localement à ses débuts, va ensuite découvrir le très haut niveau, du sacre de champion de France à la découverte de la Ligue des Champions. Un bagage suffisant pour s’exiler, à 21 ans, du côté des Glasgow Rangers.
La parenthèse écossaise refermée, c’est ensuite le Paris Saint-Germain et l’AS Saint-Etienne qui vont faire son quotidien et lui permettre de confirmer un potentiel décelé entre Rhône et Saône avant un dernier défi en Ligue 2 à l’AS Nancy Lorraine. Après 377 matchs en pro, c’est au FC Bourgoin Jallieu qu’il a définitivement raccroché les crampons en National 3 où Jérémy Clément a notamment pu avancer sur son projet de reconversion. En effet, depuis quatre ans maintenant, l’ancien milieu de terrain défensif a embrassé une carrière d’entraîneur au FCBJ, à Andrézieux mais aussi en tant qu’adjoint à Molenbeek (Belgique) et aujourd’hui à Versailles en National où, après avoir été l’adjoint de Jean-Luc Vasseur, remercié le 2 octobre dernier, il assure un intérim au poste de coach principal.
Interview : « On ne peut pas cocher toutes les cases »
Jérémy, tout d’abord, quels souvenirs gardes tu de tes débuts à Rives SF, là où tout a commencé en amateur ?
Des bons souvenirs bien évidemment. On était jeunes, insouciants. C’est le foot avec les copains, le plaisir avant tout. Entre deux matchs, tu manges des frites (rires). Il en manque toujours un qui finit par être appelé par le speaker (sourires). D’ailleurs, les amis que j’ai aujourd’hui à 40 ans, ce sont mes amis d’enfance !
Vingt ans plus tard, tu boucles ta carrière de joueur du côté de Bourgoin. Que retiens tu de ces deux dernières saisons ?
J’ai beaucoup voyagé pendant ma carrière. Avec mon épouse, on est originaire de Rives et on voulait revenir s’installer ici. Je pouvais continuer à jouer un bon niveau en amateur, faire partie d’un vestiaire, m’entraîner, gagner des matchs. J’avais aussi envie de garder les mêmes habitudes qu’en pro même si en National 3, on s’entraîne le soir, ce qui est parfois compliqué, mais le principal était d’être sur le terrain.
Un environnement qui va te permettre de te reconvertir petit à petit en tant qu’entraîneur… qu’est ce qui t’a poussé à emprunter cette voie ?
L’objectif était surtout de ne pas perdre de temps et j’avais une double idée en arrivant à Bourgoin. Du coup, j’en ai profité pour continuer de jouer mais aussi pour passer mon BEF la même année afin de vite me reconvertir car je n’aime pas rester sans rien faire. Je savais que ma carrière de joueur était derrière moi et il fallait penser à la suite.
Justement, avec du recul, comment t’es-tu entouré depuis tes débuts ?
Il y a forcément beaucoup de gens qui gravitent autour et c’est encore plus vrai dans le football que dans les autres sports. Mes amis sont restés les mêmes depuis le début mais on rencontre forcément de nouvelles personnes au cours d’une carrière. Le plus important est de garder ses racines pour avoir les pieds sur terres. On ne peut pas aller contre les mauvaises rencontres ou mauvaises intentions, ça fait partie du truc. Le conseil que je pourrais donner, c’est de s’intéresser un minimum à ce qu’on fait : contrat, placement… lire aussi et ne pas toujours « déléguer » car c’est vrai qu’on est conditionné à ne penser qu’au foot quand on se construit.
Avais-tu songé à d’autres scénarios pour ton après-carrière ?
Je pense que quand on est coach, peu importe l’âge, on est toujours dans l’apprentissage. Pour être honnête, je n’ai pas de plan de carrière et je ne peux pas affirmer que je serai toujours coach dans cinq ans par exemple. C’est un métier qui prend beaucoup d’énergie, où on encaisse beaucoup aussi. Il faut être très exigeant. L’être humain est un éternel insatisfait, le sportif de haut niveau aussi. C’est pour ça que je raisonne par rapport à l’instant T.
C’est aussi comme ça que tu as raisonné quand tu étais joueur professionnel ?
J’ai toujours essayé d’être en adéquation avec mes choix car je trouvais qu’il fallait être épanoui avant tout. Par exemple, en 2006, quand je pars de Lyon pour aller aux Rangers, j’avais ce besoin de m’émanciper à 21 ans… et ça m’a fait du bien ! Ensuite vient la réflexion de revenir à Paris, un club qui est coté en France. C’est très difficile de refuser cette proposition et quand les Qataris arrivent en 2011, je savais que j’allais moins jouer. J’avais 27 ans et c’est là que j’ai l’opportunité de rejoindre Saint-Etienne où j’ai joué à la Coupe d’Europe aussi !
Formé à l’OL, tu as dû réfléchir au moment de t’y engager, non ?
Forcément, je me suis posé la question mais bon… Je n’avais pas fait le transfert direct. Je trouvais ça dommage de refuser un nouveau projet si les conditions étaient réunies. J’ai été formé à Lyon, j’ai découvert la Ligue des Champions, j’ai été champion de France… Honnêtement, j’ai évolué au sein d’un groupe exceptionnel. À Saint-Etienne, c’est pareil, on avait un très bel effectif. J’ai découvert une ambiance de dingue aussi. D’ailleurs, aujourd’hui, que j’aille à Geoffroy Guichard ou au Groupama, c’est avec toujours autant de plaisir !
Quelle est ta vision du poste d’entraîneur ?
Des fois, je me dis que j’essaie d’être le coach que j’aurais aimé, moi, avoir en tant que joueur mais on ne peut pas cocher toutes les cases (sourires). Je ne fais pas l’unanimité, personne d’ailleurs ne la fait je pense, donc je reste fidèle à ce que j’étais pendant ma carrière. Bien sûr qu’il y a toujours un « jeu d’acteur » quand on décide de se lancer là-dedans mais il ne faut pas « tricher » ou être quelqu’un d’autre.
Du coup, tu penses que c’est important d’avoir été joueur pour entraîner ?
Il n’y a pas de vérité non plus (sourires). Il y a des très bons coachs qui n’ont pas fait de carrière, d’autres qui ont joué et qui réussissent aussi. Dans mon cas, je trouve que c’est un avantage comme un inconvénient. Il y a des situations qui sont similaires en tant que joueur, on a peut-être plus les codes mais un coach qui n’a pas fait carrière a peut-être d’autres atouts. Est-ce que mon parcours m’aide ? Je pense que oui sur certaines choses, sur d’autres non.
En février 2023, tu choisis de rejoindre Andrézieux, en National 2, où François Clerc, un de tes anciens coéquipiers est président pour maintenir le club…
J’étais avec le Pôle espoir féminin à Lyon à cette époque, je faisais deux / trois séances et en même temps je passais mon certificat d’entraineur « attaquant-défenseur » (il est diplômé du CEAD, certificat d’Entraîneur Attaquant et Défenseur). François avait besoin d’un coach sur du court terme. On s’est appelé et je lui ai expliqué que la compétition me manquait aussi, que j’avais envie de retrouver un groupe seniors, une équipe dirigeante…
Une aventure qui va s’arrêter quelques mois plus tard… le regrettes-tu ?
J’étais venu pour maintenir le club et la mission était réussie. François savait que j’avais d’autres ambitions derrière. On est potes et nous savions très bien que si les résultats s’inversaient une fois le maintien acquis, il y aurait forcément des prises de tête. On a réussi à maintenir le club et c’était mieux de passer à autre chose.
Le club d’Andrézieux est-il à sa place en N2 selon toi ?
C’est déjà énorme d’être toujours en National 2 avec la réforme des championnats. Aujourd’hui, il y a trois poules et c’est comme si tu joues en National à ce niveau. Ce sera compliqué d’aller plus haut pour eux. Je pense surtout qu’ils sont dans l’ombre de Saint-Etienne. Malgré les installations qui sont bonnes, il faut savoir se satisfaire d’être régulier dans le temps.
Tu prends ensuite un nouveau virage en rejoignant l’épineux projet Molenbeek en Belgique un an plus tard. Comment cela s’est fait ?
Épineux, oui, forcément (sourires) mais c’est toujours pareil quand on prend des projets en cours de saison. On récupère un groupe malade mais on se dit qu’on va tenter l’aventure avec Bruno (Irles). Ça ne se passe pas bien et on n’a pas les résultats escomptés…
Que retiens-tu de positif ?
J’ai appris, j’ai vu un nouveau championnat. Molenbeek, c’est un club professionnel qui a la particularité d’être dans une Galaxie. On a essayé de vivre les choses de la meilleure des façons même si c’était compliqué. J’ai bien aimé travailler avec Bruno (Irles), un coach avec des qualités. Quand il s’est fait licencier, je ne me voyais pas rester donc je suis parti avec lui.
Comment arrives-tu à gérer avec ces changements fréquents en termes de famille, déplacements ?
En Belgique comme à Versailles, je me suis installé tout seul. Ma femme est professeure des écoles et elle s’occupe de nos trois enfants dont le dernier qui a 7 ans. Mon métier m’anime mais je suis un peu partagé. C’est aussi pour ça que je dis que je ne ferai pas ça toute ma vie. Tout peut aller très vite. J’avais besoin de travailler, j’avais envie d’explorer ces opportunités mais il y a beaucoup de contraintes dont le côté familial qui me manque.
Rejoindre Versailles cet été, c’était quand même l’occasion de continuer voire d’accélérer ton apprentissage du métier…
Je ne me voyais pas ailleurs que dans le foot pour le moment et je pense que ce n’est pas bon quand on est inactif, peu importe le domaine. C’est une décision que j’ai prise en pesant le pour et le contre. On a besoin d’être stimulé professionnellement et je trouvais que le projet versaillais correspondait à mes attentes.
Être adjoint, c’est donc l’option qui te correspondait le plus à l’heure actuelle ?
À Bourgoin-Jallieu comme à Andrézieux, j’avais toujours eu le rôle d’entraîneur principal avec les responsabilités qui en découlent. J’avais envie de connaître d’autres facettes du coaching car c’est un monde à part. La différence, c’est qu’on est moins impacté et c’est l’entraîneur en chef qui « prend ». Alors lorsqu’il y a des résultats, c’est plutôt sympa à vivre mais quand la dynamique s’inverse… je dirais qu’on a moins de pression en tant qu’adjoint… et ça me va !
Tu es arrivé à Versailles dans les valises de Jean-Luc Vasseur qui a déjà quitté le club. Quelle a été ta réflexion à ce moment ?
C’est vrai mais je reste quand même salarié du club. Comme à Molenbeek, je me suis posé des questions… quitter le club au moment où Bruno (Irles) partait, c’est un peu la même situation aujourd’hui ! Tu peux avoir le sentiment d’abandonner l’objectif que tu t’étais fixé et tu es partagé. Bien entendu que ce sont des situations qu’on ne veut pas vivre car on a tous envie d’avoir des résultats.
Et aujourd’hui ?
Je suis dans une position assez « bizarre » car on sait que c’est un intérim avec le staff et que ça va s’arrêter à un moment. Je n’ai pas envie de changer ma posture même si la situation n’est pas très confortable. C’est aussi dans ce genre de situations qu’on apprend. La preuve, je n’avais jamais vécu le fait d’être en intérim donc on fait du mieux possible.
Du coup, comment on s’adapte au quotidien ?
Notre rôle c’est de ne pas tout bouleverser non plus. Avec le staff, on a quand même la responsabilité de l’équipe et il faut faire avec nos idées. Je ne remets pas tout en cause, j’essaie d’être moi avec les joueurs, selon ma perception. Ce n’est pas possible de tout révolutionner comme il est compliqué de continuer dans cette configuration. D’ailleurs, si on m’avait proposé de prendre officiellement la place de numéro un, j’aurais refusé car ce n’était pas le but en venant… et je ne serai peut-être plus là avec un nouvel entraîneur (sourires).
Comment caractériserais-tu un club comme Versailles ?
Il y a des idées et on essaye d’amener quelque chose d’un peu novateur : des maillots avec une identité marquée, une série télé sur notre quotidien… C’est un club qui a une histoire à construire, qui est jeune et où il y a de l’envie. Malheureusement, nous ne sommes pas aidés, on a de nombreuses problématiques structurelles pour s’entraîner. Nous jouons nos matchs à Jean-Bouin mais nous ne sommes ni propriétaires ni prioritaires ! Or ce sont des aspects indispensables pour performer.
Avec ta vision de néo-entraîneur, Versailles a-t-il sa place dans la Ligue 3 dont le débat revient éternellement sur la table ?
Oui, même si pour aller plus haut, il faudra des changements indispensables à plusieurs niveaux… mais pour l’instant, le plus dur est de se maintenir en National comme je l’évoquais avec la réforme des championnats. Pour l’instant, on est 11es avec 11 points, le club veut se donner les moyens de grandir et les joueurs sont mis dans de bonnes conditions pour avoir des résultats.
Jérémy Clément, du tac au tac
Meilleur souvenir sportif ?
Le football quand j’ai commencé avec les frites entre les matchs, les amis d’enfance que j’ai rencontrés et que j’ai gardé jusqu’à aujourd’hui (sourires).
Pire souvenir sportif ?
Ma blessure en 2013 : une triple fracture ouverte de la malléole.
Pourquoi as-tu choisi d’être footballeur ?
Est-ce qu’on le choisit ou pas ? Mon père adorait le foot, c’était ma passion et ça l’est toujours ! On est conditionné à aimer le foot dès le plus jeune âge.
Ton but le plus important ?
Il y en a deux : le but que je marque à Monaco avec l’OL parce qu’on est premiers et eux deuxièmes. Celui avec Paris contre Saint Etienne à 1-1, un but très important pour le maintien qui arrive en fin de match.
Ton geste technique préféré ?
Le sombrero.
Combien de cartons rouges dans ta carrière ?
Un ou deux.
Si tu n’avais pas été footballeur, tu aurais fait quoi ?
Bonne question mais comme je l’ai déjà dit, quand on est piqué au foot, c’est compliqué de s’imaginer ailleurs. En tout cas, je ne sais pas si j’aurais pu.
Qualités et défauts sur un terrain, selon toi ?
Un joueur fiable avec beaucoup d’abnégation, capable de courir, récupérer… Ce que j’aurais pu améliorer c’est peut-être mon influence dans le jeu, le fait d’être plus décisif, distribuer aussi…
Le club ou l’équipe où tu as pris le plus de plaisir sur le terrain ?
Dans tous les clubs, j’en ai pris ! A l’OL, on était invincibles, on était meilleurs, c’était une évidence. Paris j’ai adoré parce que c’est la capitale, le Parc des Princes. Saint-Étienne, c’était une putain de bande de potes et même si nous étions moins bons, nous avons réussi à regarder les gros dans les yeux…
Le club où tu as failli signer ?
Franchement ? Aucun !
Le club où tu aurais rêvé de jouer, dans tes rêves les plus fous ?
Les clubs qui font rêver, on les connaît tous (sourires) ! Que ce soit le Real en Espagne, le Bayern en Allemagne, l’Inter ou la Juventus en Italie, ce sont tous des clubs qui font rêver mais je n’avais pas le niveau pour signer là-bas (sourires).
Un stade et un club mythique pour toi ?
San Siro à Milan et aussi Ibrox Park en Ecosse, impressionnant !
Un coéquipier marquant (si tu devais n’en citer qu’un), mais tu as droit à deux ou trois ?
J’ai quand même eu la chance de côtoyer des très grands joueurs… Hatem Ben Arfa, lui, c’était vraiment un talent incroyable.
Le coéquipier avec lequel tu avais ou tu as le meilleur feeling, avec lequel tu t’entendais le mieux sur le terrain ?
Il y’en a eu plein…
Le joueur adverse qui t’a le plus impressionné ?
Yoann Gourcuff.
L’équipe, l’adversaire, qui t’a le plus impressionné ?
Paris à l’époque où il y avait le milieu de terrain Thiago Motta, Marco Verratti et Blaise Matuidi.
Un coéquipier perdu de vue que tu aimerais revoir ?
Sammy Traoré.
Un président ou un dirigeant marquant ?
Jean-Michel Aulas pour tout ce qu’il représente, son charisme, ce côté patron qu’il dégageait.
Une consigne de coach que tu n’as jamais comprise ?
Non, parce que sinon j’aurais posé la question (sourires).
Une anecdote de vestiaire que tu n’as jamais racontée ?
Justement, il faut que ça reste dans le vestiaire (sourires).
Le joueur le plus connu de ton répertoire ?
Ça dépend ce qu’on veut dire par connu mais récemment par exemple j’ai échangé avec Hugo Lloris par SMS !
Des rituels, des tocs, des manies ?
Non.
Une devise, un dicton ?
Savoir être avant de savoir-faire.
Tes passions dans la vie ?
J’aime bien manger, bien boire, profiter des gens que j’apprécie.
Un modèle de joueur ?
J’aimais Fernando Redondo, pour les amoureux du football même si les plus jeunes ne verront très certainement pas qui c’est !
Le match de légende, c’est lequel pour toi ?
Un bon Paris-Marseille ou Lyon-Saint Etienne.
Ta plus grande fierté ?
Avoir la famille que j’ai avec mes trois enfants et ma compagne et dans le foot, je suis fier des liens que j’ai créé avec les footeux !
Championnat National – Journée 11 (vendredi 1er novembre 2024) : FC Villefranche-Beaujolais – FC Versailles
Regarder le match : https://ffftv.fff.fr/video/x93e2yo/j11-i-fc-villefranche-beaujolais-vs-fc-versailles-en-direct-19h15
Texte : Joël PENET
Photos : Philippe Le Brech, FC Versailles, FC Bourgoin Jallieu et Andrézieux-Bouthéon FC
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