Cédric Hengbart (Blois, N2) : « Il faut de l’humain pour aller loin ! »

Du monde amateur à la Ligue des champions, en passant par l’Inde et aussi la case banque route, l’entraîneur de Blois (44 ans), lucide, retrace sa carrière avec recul et dresse le bilan d’un parcours riche, passionnant, et savoure aujourd’hui son nouveau métier.

Par Clément Maillard / Photo de couverture : A.D. / Photos Blois Foot 41 et NCH Production

Humilité, lucidité, humanité. Ce sont les mots qui résument le mieux Cédric Hengbart. Celui qui est aujourd’hui entraîneur de Blois, en National 2, a pourtant arpenté de nombreux terrains de Ligue 1, Ligue 2, et quelques-unes des plus célèbres pelouses européennes en Ligue des Champions.

Le latéral droit aux plus de 400 matches de L1 et L2, régulièrement buteur et passeur sur ses 215 matches de première division sous les couleurs de Caen et de l’AJ Auxerre, présélectionné en équipe de France en 2010, se définit néanmoins comme un joueur qui a évolué à sa place, à son niveau, derrière d’autres éléments meilleurs que lui.

Entretien avec un homme dont le recul sur sa carrière et les circonvolutions d’une vie est certain, au fil d’un parcours qui l’a emmené de la Normandie à l’Inde et Malte, en passant par un début de carrière de coach marqué par une escroquerie qui l’a ruiné. Mais le joueur et l’entraîneur ont toujours su avancer, accompagnés de leurs valeurs.

Cédric, tu es un vrai gars du Calvados, un enfant de Malherbe. Raconte-nous tes débuts, ton arrivée dans le monde pro à Caen…
Je suis originaire de Falaise, à 30 km de Caen. J’ai été toute ma jeunesse supporter de Malherbe. J’allais au stade de Venoix, l’ancien stade de Caen. J’ai connu la montée à la fin des années 80 (en 1988). Et à côté de ça je jouais au football. J’ai gravi les échelons du foot régional, de la DH (R1), de la CFA 2 et CFA à l’époque avec Mondeville, c’est là que j’ai été repéré par le Stade Malherbe de Caen. J’y suis arrivé à 20 ans, avec l’option au départ de jouer en réserve, et de temps en temps de monter à l’entraînement avec les pros. J’ai eu le déclic avec les pros, on a fait appel à moi pour compléter l’effectif, et puis ça s’est bien passé, je suis resté au club, et j’y ai passé 8 ans.

« Je voulais être prof de sport »

Caen, c’est une grosse partie de ta carrière de joueur. Arriver là en pro, c’était déjà une sorte de rêve qui se réalisait ?
Ce n’était pas forcément un rêve. J’avais fait des essais quand j’étais au collège en 4e et en 3e pour aller dans des lycées et je n’avais pas été pris, donc je connaissais mon niveau. J’étais moyen par rapport à d’autres joueurs. Donc j’ai misé sur la continuité, à l’âge de 19 ans, en CFA à l’époque, je trouvais que j’étais à mon maximum, je faisais des études de STAPS à côté de ça, je voulais être prof de sport. Cela a plus été une opportunité qu’un rêve. J’ai tenté ma chance et ça a fonctionné. Je ne regrette pas ce choix-là, mais je trouvais que j’étais en-dessous.

A ce moment-là, tu cloisonnais football et études ? Tu étais d’ailleurs joueur en France Universitaire !
France Universitaire m’a fait connaître aux yeux du Stade Malherbe de Caen. C’était une très belle période, et je suis content de l’avoir vécue. Aujourd’hui, on en demande beaucoup aux jeunes dans le monde pro, on ne les laisse pas vivre leur vie à côté. Moi, j’ai pu faire les deux, mener ma vie d’étudiant, avec tous les bons et mauvais côtés de l’étudiant (sourire), de jeune, les partiels, les cours, et puis les entraînements, ce qui a développé ce que je suis aussi aujourd’hui. On doit arrêter de mettre les joueurs dans des cases de footballeurs comme on le fait actuellement, de dire ce qu’il faut faire et ne pas faire. Je pense qu’on peut faire autrement, j’en suis un exemple.

« Il faut garder cette passion »

Yann Lachuer, ancien joueur d’Auxerre comme toi, nous disait que c’était la société qui avait changé, pas le foot… Tu en penses quoi ?
Je suis tout à fait d’accord. On donne des responsabilités à des jeunes de 16, 17 ans, voire 15, on leur met un poids énorme quand ils arrivent dans les centres de formation, même les parents, c’est une pression qui est même malsaine, je trouve. Aujourd’hui, beaucoup de joueurs ne jouent plus avec la passion, mais avec cette ambition d’être un jour professionnel. Avant tout, il faut garder cette passion. Au bout du compte, on la retrouve plus tard, à 24-25 ans, chez ceux qui n’ont pas réussi et reviennent dans le monde amateur. Je pense qu’il faut se recalibrer là-dessus. Mais les finances dans le monde pro font tourner les têtes de beaucoup de parents et autres, ce qui bloque beaucoup de joueurs.

Entre monde pro et amateur, tu retrouves sûrement un peu de tout ça à Blois, en N2, avec des joueurs au parcours un peu différent ?
C’est enrichissant. C’est ce que je recherche dans mon recrutement, j’évite les joueurs qui sortent tout de suite de centre de formation. Ils n’ont pas encore compris ce qu’est le monde amateur, la manière de jouer. C’est pour ça que je recherche des éléments qui sont peut-être passés par des centres, mais avec des parcours sinueux, qui ont compris que le foot ce n’est pas que le bling-bling, que ce n’est pas que ce qu’on leur a vendu au départ, qu’il y a d’autres chemins pour réussir. A nous, coaches, de leur dire qu’ils peuvent réussir, mais qu’il faut se remettre au travail, que ça ne va pas arriver tout seul.

« Caen, j’ai toujours aimé ce club… »

Tu arrives à Caen à 21 ans en pro. Le début d’un sacré parcours : quand on dit Cédric Hengbart, on pense directement à Malherbe, à un cadre de Ligue 1 et Ligue 2…
C’est une belle partie de ma vie, Caen. J’ai toujours aimé ce club, je m’y suis toujours senti bien. J’ai toujours joué, assez performant, en donnant sans tricher, comme lors toute ma carrière. J’ai tout connu avec Malherbe : deux montées, une descente, une finale de Coupe de la Ligue, des moments importants et des groupes extraordinaires. J’essaie aussi de m’appuyer là-dessus en tant qu’entraîneur maintenant. C’est-à-dire que j’ai connu des groupes où on allait manger ensemble le mercredi, le samedi après le match, où les joueurs, les familles, les épouses, les parents, tout le monde venait, et dans ces moments, il y avait autre chose que le football, on avait créé une famille. Quand on se retrouve aujourd’hui, c’est comme si on ne s’était pas quittés. On n’était peut-être pas la meilleure équipe techniquement, mais en termes de solidarité, je pense qu’on était l’une des meilleures.

Les deux montées en Ligue 1 (2004 et 2007), des moments inoubliables ?
Ça change une vie, une carrière, une montée en Ligue 1, jouer en première division, dans des stades magnifiques, des matches contre des grosses équipes. Changer de monde, à l’époque, c’était, voilà… C’est là où on peut se faire repérer, se faire connaître, changer notre carrière.

« Mes plus beaux moments à Auxerre »

Tu vas ainsi arriver à Auxerre en 2008, l’autre gros club de ta carrière. Comment ça s’est fait ?
A Caen, on descend en L2 en 2005. Mon but était de faire remonter le club en L1, de le stabiliser, ce qu’on a réussi. J’ai pu partir sereinement, en plus dans une période où j’étais au club depuis longtemps, où j’avais besoin de partir pour me rebooster, d’aller tenter. Comme j’avais laissé le club en Ligue 1, je me disais que je pouvais partir. On me propose Auxerre, je me suis dit que ça me correspondait bien, un club familial, avec un super passé, même s’ils n’étaient pas au top en championnat. Jean Fernandez, l’entraîneur, m’appelle, tout se fait assez rapidement. Je signe et j’enchaîne sur cinq saisons dont deux-trois très belles, jusqu’à, malheureusement, une nouvelle descente. Mais là encore, aucun regret dans ce choix, car j’ai connu mes plus beaux moments de footballeur. J’ai évolué au plus haut niveau où je pouvais jouer, en Ligue des champions. Huit ans avant, j’étais étudiant en STAPS et je jouais en DH (R1) !

Belle passe décisive Cédric, merci ! Le pic de ton parcours, c’est cette Ligue des champions en 2010-2011… Un rêve, une folie ?
La saison d’avant était déjà fantastique car je marque en Ligue 1 les deux buts de la qualification pour la C1 contre Sochaux. Et puis après, on joue le Zénith Saint-Pétersbourg en barrages, personne ne nous voyait passer, c’était une très grosse équipe, on se qualifie un peu miraculeusement, avec nos valeurs de jeu. Je crois que la France a vibré pour le petit club qui arrive à dépasser l’ogre russe. Ensuite, il y a le tirage, quasiment aucun joueur de l’équipe n’avait joué de C1, on voulait tirer les plus grosses équipes. Et je crois qu’entre l’Ajax Amsterdam, le Real Madrid et l’AC Milan, on a tiré ce qu’il y avait quasiment de mieux ! Cela nous permettait de voir des grands stades qu’on ne voyait qu’à la télé. Quand les matches son arrivés, on n’avait pas de pression. On était la petite équipe, le petit poucet, on jouait avec nos valeurs, en défendant bien, en jouant le coup pour marquer des buts à fond. C’était vraiment cohérent, on était au maximum, même si sur quelques faits de match certaines parties auraient pu basculer.

« Ajax, Milan, le Real, c’était fantastique ! »

Ce grand monde, c’était une expérience à part ? Auxerre, même pas 40 000 habitants, vs le Real Madrid de Cristiano Ronaldo, un paradoxe et un défi ?
Ouais, c’est ça. Après, quand on parle de notre équipe maintenant, on dit qu’il y avait des grands joueurs car on a fait de belles carrières, mais à l’époque on était beaucoup de joueurs « de Ligue 1 », sans dénigrer. Hormis Benoît Pedretti, le reste, moi-même, Olivier Sorin, Stéphane Grichting et Jean-Pascal Mignot derrière, Coulibaly, Niculae devant, qui venait de Roumanie, Valter Birsa au milieu… Des joueurs avec un bon niveau en L1, mais pas non plus des grandes stars. Et qui allaient faire face à des stars. C’est la première fois qu’on partait l’avant-veille du match d’ailleurs. On visitait la ville la veille, on prenait nos repères, on découvrait un peu d’autres cultures. On ne le faisait jamais avant. Quand on est joueur, on ne voit rien des autres villes, on arrive le jour du match, on va au stade, et on joue. Là, on avait deux jours pour voir, bon, pas grand-chose, mais quand même ! C’était fantastique, de voir l’Amsterdam Arena, San Siro, le Bernabeu, on pouvait ressentir les choses en arpentant ces stades en prenant nos marques. On a pu savourer les deux facettes, le match et les villes, les stades.

Et puis vous battez quand même l’Ajax lors de la 4e journée de cette C1 !
On avait disputé les trois premiers matches et on était frustrés. Le premier, on joue Milan, on perd 2-0. A la pause on peut mener 0-1, et puis Ibrahimovic fait basculer la rencontre en cinq minutes. On sort du match en se disant « On aurait pu faire quelque chose ». Contre le Real à domicile ensuite, on touche la barre à la 82e. Sur la contre-attaque, il y a une main pas sifflée et Di Maria marque. On aurait pu faire nul contre le Real… Pareil contre l’Ajax à l’aller, on se retrouve menés, mais on sentait qu’on n’était pas si loin que ça. On n’avait pas envie de finir ridicules, avec zéro point. Ce 4e match contre l’Ajax, on a enfin un peu tout pour nous, avec de la réussite. On le gagne, c’est une forme de reconnaissance. Ce match restera notre victoire en Ligue des champions, un moment important pour nous individuellement, qui récompense tout notre travail, tous les efforts faits.

Pré-sélectionné en Bleu

La C1, c’est le pic de ta carrière. Aujourd’hui, quand tu fais le bilan, comment juges-tu ton parcours ?
Déjà, c’est une fierté. Après tout ce qu’on a dit, d’où je suis parti, où je suis arrivé, je trouve que ça montre que le travail paie, mais également la réussite, car il y a une part de chance, d’être là au bon moment. Il y a ce côté régularité aussi, car je n’étais peut-être pas un des meilleurs joueurs, je n’avais pas de grosses qualités, mais pas de gros défauts non plus. Par contre j’arrivais à performer dans l’environnement où j’étais. Je suis sûr que si j’avais pu m’entraîner avec le Real Madrid, j’aurais pu me débrouiller. Alors, ne pas être un joueur extraordinaire, pareil, mais j’aurais réussi à me fondre dans le moule. Quand on regarde mon nombre de matches, où je suis arrivé, je pense que je m’en suis bien sorti. Quand j’ai eu une présélection en équipe de France, tout le monde me disait « Tu mérites d’avoir une sélection ». Mais moi, je ne trouvais pas. Les latéraux à ma place étaient meilleurs que moi. Ce n’est pas me dévaluer, je le pense vraiment. Rod Fanni était meilleur, Mathieu Debuchy a fait une belle carrière, et il y avait bien sûr Bacary Sagna. Mathieu Chalmé était aussi au-dessus avec son expérience. Être présélectionné mais pas sélectionné, je trouvais ça normal, c’était déjà une fierté d’avoir ça. Et puis je crois que les gens s’identifiaient à moi à un moment où la Ligue 1 commençait vraiment à se stariser, entre guillemets, et j’étais le joueur qui mouillait le maillot, sans le côté starlette, les gens se référençaient à nous, joueurs d’Auxerre.

Tu as terminé ta carrière loin de France, en Inde et à Malte. Pourquoi ce choix ?
J’ai terminé en France à Ajaccio, j’aurais aussi pu aller à Saint-Etienne, mais ça ne s’est pas fait. Je me retrouvais dans les valeurs à Ajaccio, je me remettais également en danger en partant. La saison ne s’est pas passée comme je l’aurais voulu, mais c’est comme ça, c’est aussi le football. J’y ai connu des gens de valeurs, avec un super président, un club qui mérite, avec des personnes très humaines. Que des très bons souvenirs, à part la descente. J’ai malheureusement fait quelques descentes dans ma vie ! On descend donc en Ligue 2. Et je fais alors le bilan, je me dis que j’ai tout connu en France, la L1, la L2, que ça ne sert à rien de repartir encore sur les même choses, que je vais peut-être avoir moins d’envie. J’étais moins prêt mentalement à le faire. Je me suis dit que c’était le moment de partir à l’étranger, de tenter l’aventure alors que je n’avais réussi à trouver un club à l’étranger. J’étais en fin de carrière. On m’a proposé l’Inde, un championnat qui se crée, avec des joueurs « stars », un peu comme en MLS. Je me suis dit que ça pouvait aussi m’ouvrir des portes pour une après-carrière, des contacts, d’avoir visité un autre continent.

Un peu en totale découverte, finalement ?
Je le tente comme ça, pour vivre une aventure, et potentiellement ouvrir des portes pour l’après. Le championnat durait quatre mois, on prenait moins de risques que sur une année, au pire si c’est compliqué, on fait un effort et on rentre en France. Et j’ai adoré. Footballistiquement, c’était compliqué parce que ça démarrait et c’était un peu bancal, il y avait des joueurs étrangers d’un bon niveau et des joueurs indiens d’un niveau faible. Par contre la vie là-bas, le côté humain, c’était autre chose. J’ai vécu des ambiances formidables, avec des stades de 70 000 personnes, il y avait une effervescence importante, j’ai adoré.

« Pourquoi pas aller coacher en Inde un jour ? »

Même culturellement, ça devait être dingue. Un choc des cultures, entre Auxerre, moins de 40 000 habitants, et l’Inde surpeuplé et si différente de l’Occident ?
C’est ça. J’avais la même approche avant d’y aller. On voit des trucs à la télé, la misère, on se dit « Mince, qu’est-ce que c’est comme vie là-bas ? ». Sur place, il y a des gens très riches et d’autres très pauvres, tout le monde est mélangé, il n’y a pas de trottoirs, avec beaucoup de poussière, de saleté. Mais à côté de ça, il y a des gens qui sont extraordinaires, prêts à te donner plein de choses alors qu’ils n’ont rien. Il y a une simplicité qui est plus marquée que par chez nous. C’est ce que je disais à mon fils de 17 ans à l’époque : « Viens voir ce que c’est que d’avoir des vrais problèmes ». On a un recul sur la vie qui est plus important en allant là-bas, quand on voit comment ils vivent. Tout ça est un peu un choc, mais c’est autant enrichissant que déboussolant, c’est à vif, on ne reste pas indifférent à l’homme. Tout se bouscule : les sentiments où on pense « J’ai envie de rentrer » et les jours où on se dit que le pays est génial. Ce n’est que ça, en alternance, mais au moins il y a quelque chose qui se crée. Et en revenant en France, le sentiment qui prédomine c’est qu’on a vécu des choses incroyables qu’on ne vivra pas ailleurs.

Le foot en Inde, c’était organisé comment ?
On était logés à l’hôtel, mais pareil, les trois étoiles pour eux, ce n’est pas comme en Europe; ça s’est amélioré avec le temps, ils ont compris qu’il le fallait avec les joueurs de haut niveau qui venaient, mais au début c’était compliqué. On était à l’hôtel 24h/24, avec des matches tous les trois jours, des séries de trois-quatre rencontres à domicile, puis à l’extérieur, on partait vadrouiller dans toute l’Inde.

As-tu encore des contacts avec les gens de ce moment de ta carrière ?
Grâce aux réseaux, de temps en temps. J’ai récemment revu Robert Pires au match des légendes de Caen, on en a discuté un petit peu. Je suis aussi en contact avec des entraîneurs en Angleterre, comme David James (ancien gardien des Three Lions et de Portsmouth, notamment), que j’ai de temps en temps par message, et puis je suis encore en contact avec des Indiens. Pourquoi pas aller coacher là-bas un jour aussi, sait-on jamais ?

Victime d’une escroquerie

Tu as aussi fait Malte. Encore un autre football ?
Après l’Inde, je n’ai pas voulu arrêter totalement pour garder le rythme, comme je vieillissais. Je ne connaissais pas Malte, son football, l’île, ce pays… Donc voilà, j’y vais. Arrivé sur place, j’admets que je pensais que ça serait plus professionnel que ça. J’ai débarqué à l’entraînement en jean, m’attendant à ce que des affaires me soient fournies, mais non ! Bon, ils en ont quand même trouvé (sourire). Les entraînements étaient le soir, à 18h, car la majorité des joueurs, amateurs, travaillaient. Ils arrivaient en tenue de travail, se changeaient vite, direction l’entraînement, puis ils repartaient sans se doucher car ils avaient une vie de famille, bossaient le lendemain à 7 heures… C’était différent, je revenais un peu dans le monde amateur. Mais pareil, j’en garde ce côté humain, j’ai connu des gens, visité l’île, qui ne fait que 30km, sur le peu de temps où je suis resté. On a maintenu le club en première division, et j’ai fini ma carrière là-dessus. Je ne suis finalement pas reparti en Inde, car ils me proposaient dix mois et je ne me voyais pas repartir aussi longtemps, cela n’allait pas très bien dans mon couple. J’ai donc choisi d’arrêter ma carrière comme ça.

Tu passes alors d’une carrière de joueur bien remplie à un volet coaching, avec un retour « aux sources » en Bourgogne. C’était une suite logique ?
Ça n’a pas été une vocation, ça a été un chemin. A la fin de ma carrière, j’ai eu pas mal de soucis financiers, je me suis fait escroquer, j’ai été saisi de mes biens immobiliers (Cédric Hengbart avait été victime d’une vaste escroquerie concernant des placements immobiliers, comme d’autres joueurs pros). Il y a eu une remise en question. Je me suis demandé ce que je faisais, logé par le grand-père de ma compagne sur Chablis. J’étais agent mandataire de joueurs, mais ça ne me plaisait pas car je devais rabattre des footballeurs, aller gratter des contrats, je ne suis pas du tout commerçant. J’ai ensuite été coach sportif dans une salle de sport pendant quasiment un an. J’ai aimé, c’était bien, sauf qu’à un moment donné, je n’avais pas d’objectifs à long terme, je m’en suis lassé. Et puis j’étais dans le petit club de l’AS Chablis, ils m’ont payé la formation du BEF, j’ai passé le diplôme. Derrière je me sépare de ma compagne et je cherche un job. Yohan Eudeline m’appelle de Caen, il me dit qu’ils savent ce qui m’arrive, qu’ils peuvent me tendre la main. Et il me propose d’entraîner les U17. J’ai dit oui du jour au lendemain, pris mes bagages et je suis parti sur Caen. Voilà comment commence ma carrière d’entraîneur. Ce n’est pas facile, mais c’est comme cela qu’on se construit aussi. Et c’est pour ça qu’aujourd’hui je savoure ce que je fais.

« J’ai beaucoup appris comme adjoint »

Ta carrière d’entraîneur débute donc, tant bien que mal, ou tant bien que par hasard !
Je démarre avec les jeunes, mais j’ai tout de suite mis une exigence, je revenais à un niveau « compétition ». Je leur faisais faire des séances de pros, c’était le centre formation, on est à Caen, on a tout. J’ai beaucoup appris en tant qu’adjoint auprès de Mathieu Balmont et Fabrice Vandeputte et j’ai fait les U17, la National 2, un peu la Ligue 2 également, avec Pascal Dupraz, qui m’a ouvert ses portes, m’a autorisé à quasiment être au quotidien avec lui. On parlait beaucoup football, c’est devenu un ami. C’est quelqu’un que j’apprécie beaucoup, il y a beaucoup de choses dites sur lui, mais c’est une personne très humaine, assez extraordinaire, qui m’a donné envie d’aller dans le monde pro.

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Cédric, tu es aujourd’hui à Blois, en National 2 : pourquoi ce choix après les jeunes à Caen, et après une carrière et une vie déjà bien remplies ?
Quand j’étais à Caen et que je passais mon diplôme, j’allais voir d’autres adjoints, j’apprenais, mais au bout d’un moment, j’ai senti que je devais en repasser par la base. J’ai donc postulé dans des clubs de N2 et N3. Le but, c’était de partir d’en bas, de trouver un temps plein, de travailler sur du long terme. Le président François Jacob m’a donné cette opportunité à Blois, avec un championnat qui allait se durcir, des descentes plus nombreuses. On a maintenu le club la saison passée, sur une base de travail où je fais comme si on était en pro. J’ai beaucoup de joueurs qui veulent peut-être un jour revenir dans le monde pro, qui sont passés par les centres de formation. C’est à moi de les emmener dans mon projet, et je crois que je ne m’en tire pas trop mal. On avance avec des valeurs de travail et aujourd’hui on s’en sort grâce à ça.

« Le foot doit rester simple, on le complique trop »

Quelles sont tes ambitions, comment travailles-tu ?
Je veux des hommes qui soient bien dans un groupe, pour commencer. Je m’appuie sur mon expérience, il faut de l’humain, un groupe de copains, pour aller loin. Derrière ça, le foot doit rester simple pour moi, on le complique trop souvent. Johan Cruyff disait que le plus dur dans le football, c’est de le rendre simple. C’est ce que je demande à mes joueurs : contrôle, passe, des déplacements, de l’intelligence, du positionnement, de jouer un football simple, mais efficace. Je reste aussi quelqu’un de simple, même en dehors du terrain, il ne faut pas se prendre pour d’autres, je remets mes joueurs à leur place si ce n’est pas le cas et qu’ils se prennent pour des stars. Ce que j’essaie également de leur faire comprendre, c’est qu’il y a plus grave que le football. Que si on perd, il faut comprendre pourquoi on a perdu ce match, travailler, que oui le foot est important, mais que ce n’est pas la fin du monde, il y a d’autres choses à côté.

On a un projet commun, on joue ensemble, humainement j’ai la chance d’être assez proche de mes joueurs, qui me demandent parfois mon avis pour leurs choix de carrière. Après, je trace une ligne, je reste le boss, les décisions du terrain me reviennent. J’adhère à la formule qui dit qu’un coach peut mourir avec ses valeurs. Rester soi-même, c’est un point auquel je ne veux pas déroger. J’avance avec mes valeurs et je n’en changerai pas, c’est important pour moi, je suis entier, unique, c’est comme ça que j’ai fait toute ma carrière, et c’est comme ça que je ferai ma carrière de coach.

Cédric Hengbart du tac au tac

Le meilleur souvenir de ta carrière ?
J en ai tellement ! Difficile d’en sortir un. Je dirais le dernier match contre Sochaux (saison 2009/10) et donc la qualification en Ligue des champions avec en plus deux buts de ma part (dont le second à la 90e !). Comme quoi dans le foot tout est possible !

Pire souvenir ?
La descente en L2 avec Caen en 2005 lors du dernier match à Istres. C’était ma première saison en Ligue 1 et là, descendre sur le dernier match… Tant d’efforts sur un an pour au final tout perdre sur un match.

Un match référence où tout a roulé pour toi, où tu marchais sur l’eau ?
Avec Auxerre, le match retour contre Saint-Petersbourg en tour préliminaire de la Ligue des champions (0-1 à l’aller et 2-0 au retour). Je marque au but de 9 minutes et après c est sûr que dans un tel contexte, ça te met en confiance et ça te galvanise. Et après défensivement je trouve que j ai fait le match parfait comme le reste de l’équipe pour qu on puisse se qualifier.

Un match à oublier ?
La finale de coupe de la Ligue 2005 (Caen-Strasbourg, 1-2). Je devais être remplaçant mais l’avant veille, Frédéric Danjou se blesse. Donc là je me dis c est bon je vais jouer et bah non l’entraîneur (Patrick Remy, NDLR) a préféré mettre Jérémy Sorbon. En plus, je ne suis même pas rentré. Pour couronner le tout, j ai été pris pour aller au contrôle anti-dopage et n’arrivant pas à uriner, je suis sorti du stade deux heures après tout le monde. Une soirée à oublier !

Des modèles de joueurs ?
Benjamin Nivet et Benoît Pedretti. Des joueurs qui mettent en valeur les joueurs autour.

Des mentors ?
Franck Dumas et Bernard Casoni. Des vrais meneurs de groupe. Humainement, je me suis retrouvé en eux.

Philosophie de jeu, style de jeu en tant que coach ?
J’aime le jeu au sol mais je suis assez pragmatique. Si on peut marquer en une passe, je prends aussi. Maintenant je pense avant tout le foot comme un jeu où il faut qu’on retrouve des émotions. C’est ce que je dis à mes joueurs. Mettez de la vie dans le jeu ! Tentez ! Osez !

Un président marquant ?
Jean François Fortin à Caen. Un président qui aimait son club et ses joueurs.

Une anecdote de vestiaire jamais racontée mais que tu peux raconter maintenant ?
Jean-Pascal Mignot, lors d’un match à Sochaux, est arrivé dans le vestiaire et à sorti ses chaussures de foot, il avait pris deux pieds droits ! Pour faire rire tout le monde, ils les a mis. Ça a duré 20 minutes ! Tout le monde était mort de rire. Heureusement, le coach Jean Fernandez ne nous a pas vu sinon on aurait pris une soufflante !

Un mot sur chacun des clubs où tu as joué…

– USON Mondeville
Mes débuts dans le monde seniors. J’etais le petit jeune parmi pleins d anciens. Ils m ont exercé au whisky coca !
– SM Caen
Mon club de cœur. J’y ai tout connu montées et descente et surtout un groupe extraordinaire
– AJAuxerre
Le summum de ma carrière. J’ai appris à être encore plus exigeant grâce à Jean Fernandez
– AC Ajaccio
Un super club, des superbes personnes, malheureusement, rien n’a fonctionné comme prévu avec une relation difficile avec l’entraîneur et des résultats très compliqués, ce qui a conduit à une relégation.
– Kerala (Kochin, Inde) et North East United (Guwahati, Inde)
La découverte d’un pays et d’une culture complètement différente. Footballistiquement je me suis éclaté.
– Mosta FC (Malte)
Une rencontré avec des personnes extraordinaires mais niveau football ça restait amateur.

Des hobbies en dehors du football ?
Le padel et les mots croisés.

Un ami dans le monde du football perdu de vue que tu aimerais revoir ?
Stephane Grichting, sinon je suis en contact avec tous les autres.

Texte : Clément MAILLARD – Twitter : @MaillardOZD

Photos : A. D., Blois Foot 41 et Nico Huto / NCH Production

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